En janvier, l’Hadopi entrera dans la phase deux, avec l’envoi d’un mail et d’un courrier recommandé aux récidivistes. Dernière étape avant le juge et l’éventuelle suspension de l’Internet. Pour l’heure, l’Hadopi a mis en garde 100.000 internautes comme le reconnaissent les responsables dans une tribune libre dans le journal le Monde du 29 décembre. Le dispositif est en phase de test, mais il est en état de marche signalent ces mêmes responsables, alors que le dispositif technique est « complexe » et le dispositif informatique « lourd » admettent-ils. La mise en place a pris du temps, mais le processus, long, demande beaucoup de précautions, font-ils valoir : liberté de communication et protection des données personnelles. Ses responsables espèrent que la plupart des téléchargeurs occasionnels renonceront spontanément à cette pratique. Parmi eux, la Haute Autorité a déjà repéré des centaines de récidivistes.
Contre les «900.000 pirates français» estimés et dénoncés essentiellement par les maisons de disques sont mobilisés trois magistrats détachés par la Cour de cassation, la Cour des comptes et le Conseil d’État. Ce sont eux qui dirigent de fait la commission de protection des droits (CPD) au sein de la Haute Autorité de diffusion des œuvres et de protection des droits sur l’Internet (Hadopi). Ils sont en charge, avec douze agents assermentés, de la «riposte graduée » que l’État a mise en place contre le téléchargement illégal.
La stratégie reste controversée, impopulaire (et à travers toute l’Europe). En face, l’Hadopi est supposée être à la solde de l’industrie du disque et l’Hadopi se voit également soupçonnée de tester des méthodes de surveillance du Net. D’autres lui font le reproche de sa bureaucratie, de son coût, 12 millions d’euros, et une «inefficacité annoncée». Comment lutter contre une génération qui télécharge spontanément, sans toujours avoir conscience d’enfreindre la loi? Comment éviter ce piratage en l’absence d’une offre légale, abondante et peu chère qui a du mal à se mettre en place malgré les annonces répétées et le feu vert donné par la Commission européenne (cf. Nea say)? Et puis, Nicolas Sarkozy, ne vient-il pas de laisser entendre qu’il pourrait faire évoluer cette loi… à l’instant même où l’Hadopi fait ses premiers pas. Chronique d’un échec annoncé ?
L’Hadopi a avancé à pas comptés : prudence ou difficultés réelles chacun se pose la question sans apporter une réponse convaincante. Toujours est-il que depuis sa création en 2010, elle a envoyé au total 100.000 mails aux contrevenants du téléchargement illégal. En octobre, lors des tout premiers envois de courriels, la Commission de protection des droits a vérifié manuellement toutes les données, toutes les adresses, craignant les erreurs et les pièges que tous ses opposants annonçaient. Déjà fort impopulaire, l’Hadopi ne voulait pas courir le risque supplémentaire du ridicule, un ridicule qui assurément mettrait fin à ses jours. Depuis novembre, la Haute Autorité poste 2.000 mails par jour. Une goutte d’eau, comparée aux 70.000 procès-verbaux que les ayants droit, qui représentent l’industrie de la musique ou du cinéma, fournissent quotidiennement! «Nous avons choisi volontairement cette proportion (3%) pour tester le dispositif, évaluer les réactions», assurent les magistrats. Sans le dire trop fortement, l’Hadopi espère que la majorité des contrevenants vont renoncer à leurs pratiques. Mais seulement 15% des internautes qui ont reçu le courriel d’avertissement ont répondu… par la poste ! Serait-ce la preuve d’une inquiétude, trop tôt pour dire, mais ce n’est certainement pas la preuve d’une alarme et encore moins d’une panique malgré les anecdotes qui circulent sur leurs repentirs, vrais ou supposés.
Les ayants droits qui ont multiplié à plaisir les accusations d’une très inégale importance ont peu être choisi une mauvaise tactique et ralenti considérablement le débit. A un tel flot d’accusations les magistrats ne pouvaient répondre que par des examens tatillons. Les magistrats font valoir qu’ils ne sont pas des radars qui sanctionnent massivement et automatiquement les infractions sur le Net comme autant d’automobilistes en excès de vitesse, avec à la clé perte de points et retrait du permis de conduire. Il faut instruire tous les dossiers avant de les transmettre éventuellement à un juge.
Nous ne sommes pas là pour faire du chiffre confient les responsables, nous sommes des magistrats indépendants de l’Hadopi, sans doute pour mieux justifier pour mieux justifier la faiblesse des chiffres constatés qui, à ce jour restent sans commune mesure avec ceux avancés au plus fort de la polémique. Certes le démarrage fut incontestablement laborieux, la phase actuelle est celle du rôle essentiellement pédagogique, comme annoncé et sans aucune automaticité, et l’Hadopi entend bien rester maître, à tous les stades, de la procédure. L’Hadopi, par avance, se refuse à établir un ratio entre les saisines par les ayants droit et les décisions effectives de la commission. De façon emblématique l’Hadopi a beau jeu de rappeler que le nom donné au dispositif, y compris certains de ses adversaires, est celui de « la riposte graduée ». D’autres annoncent une montée en puissance en 2011. En janvier, l’Hadopi entrera dans la phase deux, avec l’envoi d’un mail et d’un courrier recommandé aux récidivistes. Dernière étape avant le juge et l’éventuelle suspension de l’Internet. Ce sera l’heure de vérité !