…A nouveau le débat s’enflamme avec les déclarations du Ministre de l’immigration. Bruxelles reste perplexe, peu convaincu. Une part de la solution réside dans la signature de l’accord de réadmission en cours de négociation depuis longtemps.
« La société grecque a dépassé ses limites en capacité d’accueil d’immigration clandestine », explique le ministre en charge du dossier, Christos Papoutsis. « La Grèce n’en peut plus », telle est la déclaration vigoureuse du ministre grec de l’Immigration.
Son pays se prépare à clôturer sa frontière terrestre avec la Turquie, principale porte d’entrée de l’immigration irrégulière en Europe, annonce le ministre Christos Papoutsis. « La société grecque a dépassé ses limites en matière de capacité d’accueil des migrants clandestins. Aux frontières terrestres, nous planifions la création d’une clôture pour bloquer l’immigration irrégulière », a déclaré le ministre à l’agence de presse grecque Ana.
C’est la première fois que Christos Papoutsis fait état d’un tel projet, alors que la frontière terrestre gréco-turque, qui court sur quelque 150 km, est devenue le principal point de passage sur 12,5 kilomètres des sans-papiers dans l’Union européenne avec près de la moitié des entrées illégales détectées, comme le savent les lecteurs de Nea Say.
De janvier à début novembre, 32 500 interceptions ont été effectuées sur son seul tronçon de 12,5 km où le fleuve d’Evros fait un saillant en territoire turc. En contrepartie, les interceptions ont décru de près de 80% sur les îles proches des côtes turques, auparavant visées par les réseaux de passeurs. S’affirmant débordée, la Grèce a obtenu de ses partenaires que soient déployés le long de l’Evros en novembre plus de 200 garde-frontières de l’agence européenne Frontex. En novembre, selon Frontex, leur présence avait fait chuter de 44% le nombre des entrées irrégulières repérées, passées de quelque 250 à environ 140 par jour.
Christos Papoutsis n’a pas fourni dans sa déclaration à l’Agence l’Ana plus de précisions sur la forme que prendrait la « clôture ». Mais le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) rappelle régulièrement la Grèce à son devoir d’accueillir les candidats à l’asile, parmi lesquels figurent nombre des arrivants irréguliers, notamment Afghans, Irakiens et Somaliens.
Face à la perplexité et à la réserve de Bruxelles, peu convaincu du bien fondé des mesures, le ministre grec est revenu à la charge et a confirmé, mardi 4 janvier, la volonté de son pays de clôturer un tronçon de sa frontière avec la Turquie pour bloquer l’immigration irrégulière. Le pays « va mettre en place les moyens de repousser les migrants irréguliers » sur les 12,5 km de sa frontière avec la Turquie où aucun obstacle physique ne s’oppose aux passages, affirme le ministre dans un communiqué. Il dénonc, sans nommer personne, « l’hypocrisie de ceux qui critiquent » Athènes pour ce projet, qui répond selon lui au « devoir du gouvernement de protéger les droits des citoyens grecs et de ceux qui résident légalement dans le pays ». Athènes se plaint depuis longtemps des efforts à ses yeux insuffisants des Turcs pour lutter contre l’immigration et dénonce le refus d’Ankara de reprendre les migrants qui ont réussi à passer en Grèce avant d’être interceptés par les autorités grecques. Ces derniers mois, les deux voisins se sont toutefois engagés de façon spectaculaire à améliorer leur coopération en la matière. (cf. Nea say) mais sans le moindre commencement de mise en oeuvre
A Bruxelles, Michele Cercone, porte-parole de la commissaire européenne chargée de la sécurité, Cecilia Malmström, a jugé lundi que « les murs ou les grillages sont des mesures à court terme qui ne permettent pas de s’attaquer de manière structurelle à la question de l’immigration clandestine ». La conclusion de l’accord de réadmission en cours de négociation avec la Turquie depuis longtemps apporterait un apaisement important, mais s’est refusé à fournir une date quelconque. Il a rappelé les mesures mobilisées pour soulager la Grèce (cf. Nea say concernant le déclenchement de l’opération d’urgence par Frontex) qui a produit ses effets : entre octobre et novembre ce sont 43% de migrants illégaux clandestins qui ont été interceptés. A la demande d’Athènes, c’est plus de 200 garde-frontières de l’agence européenne Frontex qui ont été déployés le long de l’Evros depuis novembre, pour une mission dont la durée a déjà été prolongée jusqu’en février. Au passage, notons que M. Papoutsis a souligné que ce verrouillage « n’était en aucune manière dirigé contre la Turquie ». « Les mesures au contraire facilitent et renforcent la coopération » avec le pays voisin.
La Commission européenne a été peu explicite sur ce qu’elle entendait faire dans l’immédiat se retranchant derrière le fait qu’il revient à la Grèce de gérer sa frontière avec la Turquie, c’est de sa compétence et la fait que la Grèce à ce jour n’a pas informé la Commission de ses intentions. La Commission a renouvelé, une fois de plus, son appel en direction des Etats membres : c’est pour eux une obligation incontournable de respecter le droit communautaire et le droit international en matière de droits fonda mentaux des migrants et de protection internationale des demandeurs d’asile.
La Grèce, dont la législation en matière d’immigration et d’asile politique est critiquée depuis de nombreuses années, adoptera par ailleurs dans les jours qui viennent une loi créant une autorité indépendante chargée d’examiner les demandes d’asile. Un service indépendant va également voir le jour pour superviser les centres de rétention.