Le Parlement européen a été jusqu’à maintenant vigilant et réactif par la voix de certains de ses membres ou groupes (Libéraux, socialistes et libéraux essentiellement).Maintenant c’est l’Institution elle-même qui entre en scène : réunion extraordinaire le 17 janvier de la commission des libertés publiques (LIBE), au cours de la plénière Viktor Orban viendra présenter le programme de sa présidence.
Les travaux de la Commission Libe vont-ils débordés sur la plénière ? Difficile d’imaginer que le dossier ne soit pas évoqué, mais en même temps il ya une forte volonté ( exprimée avec vigueur par Guy Verhofstadt) de ne pas mélanger les deux dossiers : l’exercice de la présidence et la loi sur les médias. Ce serait contreproductif et dommageable pour l’Europe a martelé fortement Guy Verhofstadt. A ce stade il revient à la conférence des présidents de définir le périmètre exacte des débats, par exemple, y aura-t-il vote d’une résolution ?
La commission Libe a été chargée d’instruire le dossier et elle se réunira le lundi 17 janvier à Strasbourg en fin d’après-midi en présence des commissaires et vice-présidentes Reding et Kroes. L’OSCE qui la toute première a réagi vigoureusement mais qui semble donner, pour l’instant, la priorité au Belarus, sera représentée ainsi que la commission de la Culture du Parlement européen. Une répétition générale (un tour de chauffe) a été organisée par le groupe ALDE (libéraux) le 11 janvier. Il avait convié pour cette audition deux « experts hongrois ainsi que Mme Kroes chef de file au sein de la Commission pour le dossier. La tension était assez forte : reproches de ne pas avoir invité les autorités hongroises, ce qui par après s’est révélé être largement erroné ou bien présence assez forte des partisans de l’actuel gouvernement qui ont soutenu par leurs applaudissements les interventions du député européen, György Schöpllin du parti Fidesz. Pour lui l’actuel gouvernement est à l’origine d’un changement démocratique. La victoire aux élections législatives lui donne tout pouvoir et légitime tout. C’est d’aujourd’hui que date la vraie rupture avec le régime communiste. La nouvelle loi protège les journaux de l’irresponsabilité et reflète les pratiques en usage dans les autres Etats membres . Les attaques menées contre la loi ne font que renforcer les eurosceptiques et l’extrême droite, une mauvaise nouvelle pour la démocratie, a-t-il conclu.
Les deux intervenants hongrois MM Haraszti (ancien représentant de l’OSCE pour la liberté des medias) et Majtényl ( ancien commissaire du parlement hongrois à la protection des données et à la liberté d’information)ont sans doute, par leur intervention alourdit le climat de préoccupations supplémentaires qui allaient au-delà de la loi des médias proprement dite : c’est la pointe de l’iceberg a dit l’un d’eux. L’ombre portée d’une future constitution élaborée par le parti dominant a été jetée sur l’auditoire par l’orateur. György Konrad romancier et avocat a transmis un message video : il a parlé de « democratura » et qualifié de coup d’Etat pour se référer aux évènements qui ont suivi les élections. La loi, outre son caractère flou, permet tout ou plus exactement n’interdit rien et ne laisses stricto sensu, mais comprend aussi la presse écrite et on line et tous les blogs. C’est une grande première dont on se serait passé qui laisse la loi Hadopi bien en arrière dans l’échelle du répressif, peut-on ajouter. Mais c’est le nouveau Conseil des médias qui concentre l’essentiel des critiques : le système mis en place n’associe aucun contre-pouvoir, comme les ONG, les représentants professionnels de médias etc. Le mandat du président, renouvelable, est d’une durée de neuf ans . Le nouveau Conseil pourra exiger des médias n’importe quelles données, sans par exemple se préoccuper de la protection des sources, un principe sacré pour tout journaliste. Les amendes peuvent être prononcées à partir de critères aussi flous que « porter atteinte à l’intérêt général, à l’ordre public ou à la dignité ». Ces amendes peuvent aller jusqu’à représenter une année pleine d’un salaire moyen . D’autres intervenants ont parlé d’une loi « dévastatrice inacceptable ». La présidente de l’audition, Renate Weber voulant devancer des critiques quant à l’aspect partial des pays de l’ouest par rapport à la partie orientalede l’UE, elle a rappelé que les critiques étaient plus dures à l’est qu’à l’ouest. Les critères d’adhésion dits critères de Copenhague de 1992 ont été rappelés également par certains intervenants. D’autres enfin ont fait remarquer que l’argument selon lequel des dispositions identiques ou voisines existent dans d’autres Etats membres de l’UE, cet argument n’était pas recevable.;
La tâche de Mme Kroes en a été d’autant plus facilitée : il lui était aisé de soutenir bien des critiques avancées par la majorité des intervenants. Sur le plan formel des problèmes existent, n’a-t-elle pu cacher : par exemple des dispositions emblent contraires au principe du pays d’origine car la loi s’appliquerait à des médias dont le siège se situerait dans d’autres Etats membres de l’UE. Autre difficulté le fait que la loi exige des « informations équilibrées, « exigence » qui ne respecte pas le principe de proportionnalité. Sans oublier, a-t-elle ajouté, que c’est là un problème politique lié à la liberté d’expression dont le principe doit être assuré conformément à la Charte des droits fondamentaux. C’est sur ces points et bien d’autre que portera l’analyse de la Commission qui sera ferme, objective et rapide et qui commencera dès que la Hongrie lui aura adressé la notification formelle de la loi, car il n’y a pas encore eu de notification ce que le président Barroso avait révélé dans sa conférence de presse à Budapest. Mme Kroes a ajouté que l’analyse portera sur la version en langue hongroise et pas, évidemment sur la version en langue anglaise qui lui avait été « notifiée » et où rapidement il était apparu qu’elle n’était pas totalement fiable. La question qui lui est posée , a-t-elle reconnu,c’est en fait : où sont les limites ?Parmi les éléments les plus controversés figurent le système d’enregistrement qui s’appliquent à tous les medias, y compris les blogueurs, un système sans précédent en Europe sauf au Belarus.
La détermination de la Commission à mener à son terme et rapidement son enquête et à déposer ses conclusions accompagnées, le cas échéant de l’ouverture d’une procédure d’infraction pour le cas où la Hongrie ne modifiait pas la loi, n’a pas convaincu tout le monde. Il existe une tendance( dont il faut vérifier la consistance et la détermination) pour qui la seule issue possible serait de miser sur l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux et l’article 7 du Traité. Dans ce camp se range la député libérale Sophie Int’ Veld qui a appelé la Commission à ne pas se montrer trop légaliste en faisant œuvre uniquement de juriste. Ils font remarquer, non sans raison, que la loi dans ses éléments additionnels les plus contestés n’a pas tellement à voir avec la directive sur les services audiovisuels. Mme Kroes s’est montrée réservée, dubitative, qu’il est difficile de remplir tous les critères exigés pour sa mise en œuvre. Cet aspect relève de la compétence de Mme Reding comme l’a fait remarquer Mme Kroes elle-même. Nous entrons, là, dans le domaine de l’inconnu et de la spéculation et de la recherche aussi de la formule la plus efficace. Constatons que vingt ans après la « chute du Mur », le fonctionnement de la démocratie dans les pays nouvellement adhérents est encore difficile et reste sujet à des errements, fussent-ils passagers. La pédagogie doit l’emporter sur la sanction pour des opinions publiques réactives. Le Parlement européen serait bien inspiré de relire ses débats de l’automne 2009 consacré au cas italien et d’une façon plus générale à la liberté de la Presse et au pluralisme (CF. infra les N°s 75 et 76 de Nea say de Eulogos) : le Parlement n’avait pu voter aucune des 9 résolutions présentées alors. Il s’était engagé à un certain nombre de choses. Le Parlement européen s’était alors enflammé, puis éteint complètement depuis ce débat d’octobre 2009.
Le plus sage serait, dans l’immédiat, d’attendre les conclusions de la Commission et sur le plan téactique, de prendre au mot les engagements pris par Viktor Orban, en public et devant toute la Commission européenne rassemblée à Budapest. Le ministre des affaires étrangères, Janos Martonyi, vient de les renouveler à Paris. Il s’est déclaré optimiste quant aux futures conclusions de la Commission. Il faut éviter de tirer des conclusions prématurées, généralisées, basées sur de préjugés, a-t-il fait valoir : « un certain langage excessif des émotions, un peu trop forte à mon goût ». Il souhaite des conclusions rapides, car les doutes ne facilitent pas la présidence hongroise. Son pays est ouvert à une modification du texte, mais pas disposé à retirer la loi. Reprenant les propos du premier ministre il a évoqué le principe de non-discrimination et d’égalité de traitement entre les Etats membres : la Hongrie pourrait modifier son texte, mais s‘il y a une disposition juridique similaire dans un autre Etat membre, il sera difficile de justifier ce changement sans que le(s) autre(s) Etats ne le fasse(nt) ! Les principes développés dans la loi sont conformes à la directive européenne qui autorise quatre limitations à la liberté d’expression : la violation de la dignité humaine, la protection des mineurs, le droit à la concurrence et l’incitation à la violence, a-t-il conclu.
Pour en savoir plus
-. Eulogos : Nea say n°75 octobre 2009 Liberté de la Presse: le Parlement européen a débattu avec passion de la liberté de la presse et du pluralisme des débats à la lumière de la situation italienne http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&&nea=75&lang=fra&arch=0&idnl=1261
-. Eulogos : Nea say n°76 novembre 2009 Liberté d’information et Europe. Divisé le Parlement n’a pu voter aucune des résolutions (9). La discussion parlementaire a perdu de sa force au moment des votes, tous très serrés http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&&nea=45&lang=fra&arch=0&idnl=1290
-. Résolution du parlement européen 2004 http://www.europarl.europa.eu/oeil/file.jsp?id=238772
-. Résolution du parlement européen 2007 http://www.europarl.europa.eu/oeil/file.jsp?id=5564652
-. Echange de lettres entre Mme Kroes et les autorités hongroises http://www.kim.gov.hu/english/activities/briefing/medialaw20101230.html
Déclaration du président du sous comité de l’Assemblée du Conseil de l’Europe http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/EMB_NewsManagerView.asp?ID=6211&L=2