Cent jours après les premiers envois de courriels aux utilisateurs soupçonnés de télécharger illégalement, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) entame l’étape suivante de sa riposte graduée : l’envoi de courriers recommandés. L’heure de vérité est arrivée titrait le N° 99 de Nea say.
Peut-on encore se satisfaire de chiffres ? 2000 mails envoyés chaque jour, pour un total cumulé de 70 000 avertissements entre le 1er octobre et le 31 décembre 2010, avec un chiffre de 10 000 prévu en vitesse de croisière. Si les ayants droits réclament que toute adresse ID « flashée » doit déboucher automatiquement sur l’identification et l’avertissement, la Haute autorité se réserve la liberté du traitement humain, fait à la main. Mais pourra-t-on tenir longtemps lorsqu’arriveront les vrais chiffres, le fonctionnement en vraie grandeur. L’automatisation supposé régler le problème avec le « logiciel de la sécurisation » et désormais le mot clé sera-t-elle au rendez-vous ?.
En effet le titulaire à l’abonnement est le seul à pouvoir être poursuivi ou subir des tracas, mais il n’est pas forcément le coupable du téléchargement. Il se verra alors reprocher de « défaut de vigilance dans la maintien opérationnel du dispositif de sécurisation de l’accès à Internet ». C’est ce logiciel qui permettra à l’internaute de prouver sa bonne foi et d’éviter la coupure Ce logiciel a-t-il fait ses preuves ou pour être plus indulgent, fera-t-il ses preuves rapidement ?
Ce n’est qu’au troisième avertissement, un an après la lettre recommandée, que celles et ceux qui n’auront décidément pas changé leurs mauvaises habitudes risquent une amende et une suspension d’abonnement pour un mois, sans possibilité d’en souscrire un autre. Difficile de dire combien seront concernés à terme. À titre d’exemple, la SPPF, qui ne gère « que » les droits des producteurs musicaux indépendants, a constaté 378 000 infractions sur son répertoire depuis septembre. Toutes adressées à Hadopi ! En comparaison, nous venons de voir que pendant cette période 70 000 avertissements seulement ont été adressés, en tout et pour tout….
Constate-t-on un effet dissuasif de cette riposte graduée ? Plus le temps passe, plus le scepticisme persiste et la conférence de presse des responsables de l’Hadopi du 12 janvier dernier a confirmé le scepticisme ambiant, un scepticisme déjà ancien.
Même si à l’occasion de cette conférence de presse, les responsables de Hadopi se sont félicités de l’accueil favorable fait aux premiers envois, les forums qui pullulent sur les sites spécialisés indiquent qu’une majorité d’ internautes est prête à défier la Haute Autorité, ne serait-ce que pour démontrer son inadaptation à la situation réelle : des milliards de fichiers téléchargés dans le monde chaque année, par le biais de technologies rendant les contrevenants impossibles à repérer. Le fait pour Hadopi de changer son fusil d’épaule dans son mot d’ordre (on ne serait plus poursuivi et condamnés pour acte illégal mais pour une négligence caractérisée en laissant sans protection son équipement) ne modifie pas les données du problème.
Les uns et les autres sont engagés dans une course poursuite qui ne prendra pas fin. Dans un tout autre domaine, mais proche sur la plan technique, celui de la chasse à la pédopornographie sur Internet, la Commission vient d’expérimenter que les résultats du contrôle parental restent ambiguës et le rapporteur au Parlement européen, Roberta Angelilli, se désespère de voir que les progrès technologiques, souvent furtifs et nomades, mettent à l’abri les criminels (cf. autre information) Un combat de sens inversé, mais technologiquement de nature voisine et l’un et l’autre aux résultats problématiques.