Un bref retour en arrière : le 18 février 2009, plusieurs députés UMP déposent auprès de l’Assemblée Nationale une proposition de loi visant à autoriser l’euthanasie active. Pour eux la loi Leonetti et les conclusions du rapport commandé par Nicolas Sarkozy au lendemain de la mort de Chantal Sébire ne vont pas assez loin. Ils proposent une refonte de la loi pour « mettre un terme à l’hypocrisie qui existe en France et permettre à ce qui a lieu dans l’ombre d’être réglementé et contrôlé ». Le 26 janvier, le Sénat renonce à légaliser l’euthanasie en s’opposant à « l’assistance médicalisée pour mourir ».
L’opposition du premier ministre François Fillon a pesé lourd dans la décision des sénateurs. La perspective d’une éventuelle adoption de cette proposition a mobilisé une forte opposition. C’est en fait sur la suppression de l’article 1, article clé de la proposition qui instaurait le droit de bénéficier d’une aide active à mourir pour une personne en situation grave et incurable et dont les souffrances étaient insupportables que les sénateurs se sont prononcés. Ils ont voté pour 170 voix et contre à 142, s’opposant ainsi à autoriser une mort consciente et rapide à ceux que la loi Leonetti de 2005 sur le laisser mourir, ne convenait pas.
Les défenseurs du texte ont insisté sur la liberté individuelle, pour eux il s’agissait pas de généraliser la pratique, mais d’apporter des solutions à des cas exceptionnels et de s’opposer à l’hypocrisie de la situation actuelle.. Les opposants ont fait valoir l’imprécision de l’article 1 et souligné les risques de dérives et la crainte d’ouvrir « une terrible brèche ». Le ministre Xavier Bertrand a estimé que « légaliser, c’est prendre le risque de banaliser (…) plaidant pour le développement des soins palliatifs, encore et encore ». Le débat, ouvert il y a trente ans, devrait se poursuivre lors de la future élection du président de la République.
L’Union européenne ne possède pas de compétence en la matière, c’est ce qu’avait répondu en 2006 le Commissaire franco Frattini en charge des questions de justice, en 2001 un autre commissaire, Antonio Vitorino avait répondu dans le même sens en déclarant que les actes d’euthanasie ne relèverait pas du mandat d’arrêt européen, la compétence relevant des Etats membres. En 2001 à l’initiative du groupe PPE, il y a au une tentative avortée d’organiser un débat au sein du Parlement européen ? Le Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE) groupe établi auprès de la Commission ne semble pas avoir abordé cette question. Par contre le Conseil de l’Europe (Comité directeur de bioéthique) a organisé récemment (décembre 2010) un symposium sur le sujet et plus particulièrement le processus décisionnel. http://www.coe.int/t/dg3/healthbioethic/Source/compilfdv_fr.pdf En 2005 l’Assemblée parlementaire(APCE) s’est opposée à l’euthanasie en rejetant une résolution (Rapport Dick Marty) à la satisfaction du Vatican http://news.catholique.org/1339-le-conseil-de-l-europe-s-oppose-a-l
La source d’information la plus complète reste le rapport de 2009 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Placée au carrefour des questions morales, religieuses et politiques l’euthanasie divise les Européens. Les affaires Chantal Sébire, Vincent Humbert en France, ou plus récemment Eluana Englaro en Italie le démontrent. Alors que le Luxembourg vient d’adopter en première lecture un texte qui légalise l’euthanasie, la question demeure d’actualité, comme le prouve le cas français que nous venons d’examiner. L’Union européenne reste muette sur le sujet, nous venons de le voir, même si certains Etats membres font pression sur le Parlement européen, le poussant à adopter une position politique.
La Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme, saisie de la question, n’a pas non plus apporté de réponse. Dans l’affaire Pretty c. Royaume-Uni du 29 avril 2002, la requérante avait demandé le droit de mourir dignement notamment sur le fondement de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège le droit à la vie. La Cour de Strasbourg n’a pas condamné le Royaume-Uni d’avoir interdit la requête de suicide assisté de Madame Pretty. Le refus d’autorisation ne contrevient pas à l’article 2 de la convention, le droit de mourir ne constitue pas le versant négatif du droit à la vie. La Cour renvoie donc aux Etats parties le soin d’encadrer la fin de vie.
Les législations des pays européens en matière d’euthanasie
La législation des Etats membres est sensiblement différente. Ainsi, si au Nord de l’Europe les pays sont plutôt libéraux, les pays du Sud, fortement marqués par la tradition catholique, sont davantage conservateurs. Il est possible de classer les pays européens en trois catégories selon « leur degré d’ouverture » aux pratiques euthanasiques :
-. Pays qui autorisent l’euthanasie
Pays-Bas: il s’agit du premier pays au monde a avoir légalisé l’euthanasie, sous certaines conditions. La loi du 1er avril 2002 assure une plus grande sécurité en faveur des médecins, mais ne modifie pas fondamentalement le régime de tolérance qui l’entourait depuis 1997. Les médecins peuvent pratiquer l’euthanasie sans risque de poursuites judiciaires s’ils respectent certains « critères de minutie ».
Belgique : une loi de septembre 2002 a partiellement légalisé le « suicide assisté » en l’encadrant très strictement. Le médecin « ne commettra pas d’infraction » dès lors que le patient, victime d’une « souffrance physique ou psychique constante et insupportable » des suites d’une « affection accidentelle ou pathologique incurable », « se trouve dans une situation médicale sans issue ».
Suisse : l’euthanasie active directe est interdite, mais l’euthanasie passive est tolérée. L’aide au suicide est légale si elle est accompagnée du feu vert d’un seul médecin. Tolérée sous cette forme elle est interdit, si elle est suscitée par un « mobile égoïste ;
Luxembourg : le 18 décembre 2008, les députés luxembourgeois ont voté la légalisation de l’euthanasie, en cas de situation médicale « sans issue », mais l’interdisent pour les mineurs. Le texte, adopté le 17 mars 2009 par les députés, doit faire l’objet d’une seconde lecture.
-. Pays où l’euthanasie est interdite, mais où « une forme d’aide » à la mort est possible
La plupart des pays européens interdisent l’euthanasie active. Cependant, certains Etats permettent l’abstention thérapeutique : le médecin pourra alors avec l’accord du patient, ou à défaut de la famille, mettre un terme à l’acharnement thérapeutique. L’encadrement européen de l’euthanasie passive est à géométrie variable. Ainsi, si certains pays, comme la France, ont adopté une loi pour réglementer la fin de vie des personnes en souffrance, d’autres n’ont pas légiférer, seule la pratique et les décisions des tribunaux apportent des réponses.
France : l’euthanasie est illégale, mais le code pénal distingue l’euthanasie active – le fait de provoquer directement la mort (assimilé à un homicide) – et l’euthanasie passive – « l’abstention thérapeutique » (considérée comme non-assistance à personne en danger). La loi Leonetti, votée en 2005, a instauré un droit au « laisser mourir ». Cette législation sur la fin de vie autorise l’euthanasie passive assortie de restrictions sévères : il faut deux médecins minimum pour en convenir, après concertation avec les proches du malade.
Danemark : « l’euthanasie active » est interdite, mais un patient incurable peut décider l’arrêt des traitements. Depuis le 1er octobre 1992, en cas de maladie incurable ou d’accident grave, les Danois peuvent faire un « testament médical » que les médecins doivent respecter. L’euthanasie passive peut être alors pratiquée.
Italie : l’euthanasie est interdite. Cependant, le droit de refuser des soins est reconnu par la Constitution.
Grande-Bretagne : l’euthanasie est interdite. Depuis 2002, la justice autorise l’interruption des soins dans certains cas.
Allemagne : « l’euthanasie passive », comme le fait de débrancher une machine, n’est pas illégale si le patient a donné son consentement. La situation est similaire en Autriche. Si l’administration d’un médicament mortel est condamnée, la cour d’appel de Francfort a fait jurisprudence. L’euthanasie peut être décidée si elle correspond sans ambiguïté à la volonté des patients (l’acte est alors considéré comme un « suicide »). Cette décision très médiatisée pourrait rapprocher Berlin de la conception française.
Espagne : l’euthanasie n’est pas autorisée, mais les malades ont le droit de refuser d’être soignés. Depuis la dépénalisation du suicide assisté et de l’euthanasie passive en 1995 les peines d’emprisonnement prévues ne s’appliquent pas lorsque le malade a fait une demande instante et réitérée, qu’il souffre d’une maladie incurable ou d’une affection entraînant des douleurs permanentes et difficiles à supporter. Le gouvernement, après avoir envisagé une légalisation du suicide assisté, a indiqué en janvier qu’il ne prévoyait pas de loi.
Portugal : l’euthanasie comme le suicide assisté sont considérés par le Code pénal comme des homicides qualifiés. Selon le nouveau code déontologique des médecins, adopté en janvier, « l’utilisation de moyens extraordinaires pour maintenir la vie » peut être interrompue en cas de mort cérébrale ou à la demande du malade, mais en aucun cas l’hydratation ou l’alimentation, même administrées artificiellement.
Norvège : un médecin peut ne pas traiter un patient agonisant à sa demande, ou s’il ne peut communiquer, à celle de ses proches.
Hongrie et République tchèque : les malades incurables peuvent refuser leur traitement.
Slovaquie : si « l’euthanasie et le suicide assisté sont inacceptables », le personnel médical « atténue la douleur des malades incurables et des mourants (…) et respecte les souhaits du patient en accord avec la législation ».
-. Pays où l’euthanasie est strictement interdite
En Grèce, tout comme en Roumanie, l’euthanasie sous ses différentes formes est interdite. Tout contrevenant s’expose à une peine allant jusqu’à sept ans de prison.
En Bosnie, Croatie et Serbie, l’euthanasie est punie au même titre qu’un homicide.
En Pologne, l’euthanasie est passible de 3 mois à 5 ans de prison, mais « dans des cas exceptionnels », le tribunal peut atténuer la peine, voire renoncer à l’infliger.
En Irlande, la loi ne fait pas mention de l’euthanasie. Toute forme d’assistance à la mort ou de suicide est illégale et passible de 14 ans de prison.
Terminologie : quatre formes d’euthanasie
-. « active ». Le médecin ou un proche du patient peuvent provoquer le décès du patient si le choix est justifié. Cette hypothèse implique donc un acte positif de la part d’un tiers, l’injection d’une substance mortelle par exemple.
-. « indirecte », où le médecin administre des médicaments dont la conséquence non recherchés est la mort.
-. « passive », le patient refuse l’acharnement thérapeutique.
-. « suicide assisté ». Le médecin montre au patient encore lucide et mobile une méthode lui permettant de mettre fin à ses jours le plus sereinement possible.
-. Rapport de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur l’euthanasie de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=http%3A%2F%2Fassembly.coe.int%2Fdocuments%2Fworkingdocs%2Fdoc03%2Ffdoc9898.htm
-. Rapport d’information n°1287 relatif aux droits des malades et à la fin de vie – Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1287-t1.asp
-. Etude de législation comparée n° 139 relatif aux droits des malades en fin de vie – Service des études juridiques du Sénat http://www.senat.fr/lc/lc139/lc139.html
-. Dossier législatif du Sénat français http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl04-026.html
tout à fait intéressant de faire le point sur les différents pays européens
combien de suicides atroces évités pour les personnes condamnées par une lourde maladie si chacun pouvait décider de sa fin de vie.
Le monde est de plus en plus cruel, on réanime à tout va mais la douleur est toujours présente et mal prise en compte. Il ne faut jamais oublier que même
FREUD a eu recours à l’euthanasie avec l’aide de son médecin personnel.
Bientôt celà deviendra un luxe et les plus malheureux serviront de cobayes dans les hopitaux comme je l’ai vu faire. Horreur pour celui qui n’aura pas prévu sa fin de vie, se jeter sous un train ou subir les « protocoles d’horreurs médicales », humiliés jusqu’au bout nous finiront.