Respect de la laïcité dans l’espace scolaire, école obligatoire dès trois ans, accueil des parents : un rapport remis vendredi au Premier ministre lance 50 idées pour mieux intégrer les enfants issus de l’immigration dans l’école de la République. François Fillon a demandé aux ministres concernés de lui faire des propositions au vu de ce document dont le SnuiPP-FSU, premier syndicat du primaire, déplore le « manque d’imagination ».
Rédigé par le Haut conseil à l’intégration (HCI) présidé par Patrick Gaubert, le rapport est parti d’un constat, « les difficultés de l’école à compenser les inégalités sociales et culturelles de départ dont souffrent notamment les enfants issus de l’immigration », peut-on lire dans un communiqué. Patrick Gaubert a été pendant deux législatures député au Parlement européen et membre de sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures dont le mandat concerne précisément tout ce qui touche à l’immigration.
Après avoir consulté des centaines de personnes, essentiellement dans le monde éducatif, les auteurs du rapport proposent de rendre l’école obligatoire dès trois ans « pour permettre l’apprentissage de la langue française et la socialisation des enfants ». Il demande « d’intensifier la communication » entre les enseignants et les parents », qui devront être reçus régulièrement, notamment à la rentrée. Le Haut conseil conseille de créer des classes d’accueil pour les enfants arrivant de l’étranger dans les centres-villes plutôt qu’en zone d’éducation prioritaire (ZEP).
« C’est déjà un déracinement et une difficulté pour un jeune enfant de s’installer dans un nouveau pays, si en plus il doit s’intégrer dans un établissement où il y a de grosses difficultés, cela ne favorise pas l’intégration », a déclaré Barbara Lefebvre, chargé de mission au Haut conseil.
Le rapport demande en outre la suppression du dispositif d’enseignement des langues et cultures d’origine (Elco), un système financé par certains pays d’origine conçu dans l’hypothèse du retour au pays. Une partie des propositions concernent la laïcité, à l’heure où l’école est « confrontée à des revendications nouvelles liées au communautarisme, et à l’identité religieuse qui se traduisent souvent par le rejet de la culture et des valeurs de la République française », s’inquiète le HCI. Le rapport demande le ferme respect de la laïcité dans l’espace scolaire, que ce soit à la cantine ou dans les cours, ainsi que dans les programmes. Pour sensibiliser les enseignants à ce sujet, il suggère d’inscrire dans les masters conduisant aux métiers de l’enseignement l’étude obligatoire de la laïcité.
Il juge également utile « d’assurer une plus large diffusion des outils pédagogiques sur les valeurs de la République et de créer un site ressource interministériel ». Pour Sébastien Sihr, secrétaire général du SnuiPP-FSU, le rapport « hésite entre un recueil de poncifs et une conception assez autoritaire de l’intégration ». « L’école comme espace public laïc, l’apprentissage de la langue française à la maternelle, l’importance de la relation aux familles, ça on le sait déjà. On devrait plutôt se demander pourquoi les enseignants n’ont plus les moyens de travailler convenablement », a-t-il dit !
Avis du Haut conseil pour l’intégration
Les principales recommandations du HCI :
-. faire respecter fermement le principe de laïcité dans l’espace scolaire (cantine, cours, programmes…) ;
-. rendre l’école obligatoire dès 3 ans pour permettre l’apprentissage de la langue française et la socialisation des enfants ;
-. supprimer le dispositif d’enseignement des langues et cultures d’origine (ELCO, financés par les pays d’origine), dispositif conçu à l’origine dans l’hypothèse du retour au pays – et développer l’enseignement de ces langues dans le cursus commun d’enseignement des langues vivantes, en langue vivante 2 et langue vivante 3 ;
-. organiser un accueil systématique des parents en début d’année puis en cours d’année et développer à l’école une politique d’accueil des familles afin d’intensifier la communication entre les parents et les enseignants ;
-. inclure les principes de mixité et d’égalité homme-femme dans les règlements intérieurs des établissements scolaires et sanctionner les manifestations et propos sexistes ;
-. inscrire dans les masters conduisant aux métiers de l’enseignement l’étude obligatoire de la laïcité. La formation continue doit aborder ce sujet en le démarquant de l’enseignement du fait religieux et en mettant l’accent sur la résolution des conflits ;
-. assurer une plus large diffusion des outils pédagogiques sur les valeurs de la République et créer un site ressource interministériel ;
-. développer, dans le second cycle, les réseaux d’établissements sur un même bassin et expérimenter des annexes de collèges et lycées de centre-ville, dans les territoires de l’éducation prioritaire ;
-. développer les réseaux entre établissements d’enseignement supérieur et établissements du second degré, notamment ceux implantés dans des quartiers à forte proportion de populations précarisées et conforter le dispositif « Les Cordées de la réussite ».
Ce rapport sera en ligne sur le site de la Documentation française et sera publié dans la collection des rapports officiels par la Documentation française début mars. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/114000053/index.shtml