Le 10 janvier dernier, la Commission des libertés publiques, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) a ouvert à, nouveau le dossier après le rejet du mois de décembre (Cf. Nea say). Tour de piste peu convaincant. Les réunions suivantes des 25 janvier et 3 février de LIBE ont-elles apporté l‘ouverture désirée ? Les finalités de la directive n’ont-elles pas été perdues en cours de route au profit de rivalités dérisoires ou de querelles idéologiques obscures ?
Lorsque le rapport de Véronique Mathieu a été adoptée en commission LIBE, le 28 septembre dernier, 41 voix pour, 8 contre et 2 abstentions, on pensait généralement que le plus difficile était fait. Un concours de circonstances malheureux en a décidé autrement. La reprise du dossier a été laborieuse : beaucoup de discussions oiseuses sans conclusions : s’il fallait associer et avec quel statut associer la commission emploi, à partir de quel le date courait le délai de deux mois imparti par la procédure, y avait-il un précédent et lequel etc…Certains députés ont reconnu leur défaut d’organisation et admis avoir laissé les malentendus s’installer entre eux.
Mais derrière une querelle de procédure se profile des aspects de substance : ne sommes nous pas en présence d’une nouvelle édition d’une « directive de la honte »ou d’une « directive Bokelstein » ? et la directive sur le permis unique ne devrait-elle pas être purgée de tous les éléments « sociaux » qui ne relèverait pas la compétence de LIBE ? et ainsi pourrait se construire une majorité bâti autour du PPE et de l’ALDE, les délais procéduraux étant respectés quelle que soit la date de départ pour calculer la date limite. Le socialiste Alejandro Cercas, représentant la Commission Emploi, est venu expliquer, fermement, que telle n’était pas sa vision des choses.
Rappel des discussions en plénière et en commission:
L’Assemblée plénière du Parlement européen n’est pas parvenue à un accord sur le projet de directive « permis unique », dont l’objectif est de simplifier les procédures d’obtention d’un permis de séjour et de travail dans l’UE pour les migrants légaux et d’accorder une égalité de traitement avec les travailleurs nationaux en vue d’éviter l’exploitation de la main d’œuvre étrangère. Après l’adoption d’une série d’amendements, une majorité de députés ont décidé qu’ils ne pouvaient approuver le résultat final pour différentes raisons. La proposition modifiée a donc été rejetée (306 voix pour, 350 contre et 25 abstentions). Par conséquent, le projet de loi sera de nouveau examiné à la commission des libertés civiles et à la commission de l’emploi.
La directive – qui va de pair avec la « carte bleue » pour attirer les immigrants hautement qualifiés – est conçue pour faciliter l’immigration économique légale répondant aux besoins du marché du travail européen. L’objectif est de simplifier les exigences administratives pour les ressortissants de pays tiers en leur permettant d’obtenir un travail et un permis de séjour en une seule procédure à un « guichet unique » et d’accorder un ensemble de droits pour les immigrés légaux résidant et travaillant légalement dans l’UE.
Les principaux sujets de discussion entre les groupes politiques ont été le champ d’application de la législation, l’égalité de traitement entre les ressortissants de pays tiers et les citoyens de l’UE et la possibilité pour les États membres de demander des documents supplémentaires à l’obtention du permis. Le projet de loi ne devait notamment pas s’appliquer aux ressortissants de pays tiers ayant acquis le statut de résident de longue durée, aux réfugiés, ainsi qu’aux travailleurs détachés, aux transferts intra-entreprises et aux travailleurs saisonniers.
En effet, une majorité de députés, menée par le rapporteur du Parlement, Véronique Mathieu (PPE, FR), ont estimé que les résidents de longue durée et les réfugiés étaient déjà soumis à des réglementations de l’UE et que les trois dernières catégories (détachés, transferts intra-entreprises et travailleurs saisonniers) devraient faire l’objet d’autres directives communautaires spécifiques. D’un autre côté, le groupe S&D a déposé des amendements, qui ont été rejetés, afin d’inclure les transferts intra-entreprises, les travailleurs saisonniers et les réfugiés au sein de la directive en faisant valoir qu’une telle exclusion créerait une main-d’œuvre à deux vitesses. La proposition législative prévoit également que les travailleurs provenant de pays tiers jouissent des mêmes conditions de traitement que les nationaux en matière de droits liés à l’emploi (tels que par exemple l’accès à la sécurité sociale, l’éducation et la formation), mais, selon le texte amendé, les États membres seraient autorisés à restreindre certains ces droits. L’un des amendements adopté concerne la possibilité pour les États membres de demander des documents supplémentaires en matière de résidence, ce qui a mené le groupe ADLE à voter contre le résultat final.
Pour certains députés le texte ne va pas assez loin, et trop loin pour d’autres
Sophie In’t Veld (ADLE, NL) a affirmé que son groupe souhaitait « parvenir à un accord en première lecture. Quels progrès avons-nous fait pour une politique commune d’immigration depuis le Conseil européen de Tampere ? ».
La réunion du 25 janvier de LIBE se résume à une bataille de procédure : après le rejet du texte en plénière, en vertu de l’article 56.3 du règlement intérieure le texte a été remis à la commissionne compétente, donc dans ce cas à la commission LIBE. Vision qui est contestée par la Commission de l’emploi, commission associée.
La rapporteur Véronique Mathieu a présenté aux députés de sa commission la procédure choisie pour arriver à un texte de compromis. Les députés de la commission justice, libertés civiles et affaires intérieures ont donc exclu d’associer la commission de l’emploi et des affaires sociales (EMPL) dans le compromis qu’ils préparaient. Le compromis, ils entendaient mettre au vote en février en plénière. Les députés de la commission LIBE, divisés sur la question, ont choisi d’aller le plus vite possible et de se concentrer uniquement sur les amendements qui avaient posé problème en plénière en décembre dernier, en particulier la demande de documents administratifs additionnels voulue par le PPE. Pour les parties qui nesont pas à modifier, la rapporteure Véronique Mathieu, a proposé un vote unique sur tout le texte. A ce compromis la commission EMPL a présenté ses objections, mais la rapporteure a spécifié que la commission EMPLOI reste associée aux travaux mais seulement sur les parties de sa compétence qui devraient être modifiées. Le différend entre les deux commission ne pouvait désormais n’être tranché que par un vote ou un arbitrage, éventuellement juridique.
Les doutes persistent sur l’issue par le fait que les députés de la commission Libe ont adopté le 3 février les deux amendements de modification seulement se concentrant uniquement sur les deux points qui avaient bloqué l’adoption du texte en séance plénière, le 16 décembre, à savoir les documents administratifs additionnels requis pour les travailleurs et les tableaux de correspondance permettant à la Commission de vérifier la transposition du texte par les Etats membres. Les députés, à la quasi unanimité (45 pour et 2 contre pour l’article 7.1 et 47 pour et 2 contre pour 16.1) ont choisi de revenir aux propositions initiales de la Commission et en limitant le vote aux aspects litigieux relevant de la commission Libe, les questions d’emploi relevant de la commission Empl avaient été validées en décembre et donc du point de vue de la rapporteure appuyée par les députés de la commission Libe ne nécessitaient donc plus d’être ouvertes à nouveau. Auparavant le député Claude Moraes pour le S&D s’était déclaré favorable à un vote sans débat en attendant l’avis de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO), consultée pour connaitre son interprétation de l’article 56.3 du règlement intérieur du Parlement, de son côté la commission LIBE envoyait une lettre demandant la clarification avant que ne tombe le couperet de la date limite des deux mois après le rejet en plénière.
Les socialistes et les verts avaient refusé le texte en décembre parce qu’il n’incluait pas les travailleurs saisonniers et les transferts de travailleurs de pays tiers au sein de la même entreprise ou d’une entreprise à une autre. Ils avaient, comme nous l’avons vu, dénoncé un traitement différencié et inéquitable. Véronique Mathieu a toujours fait valoir que leur cas spécifique sera réglé par un autre instrument juridique, une nouvelle directive et donc le débat sur le champ d’application n’avait plus de raison de se poursuivre. Cette issue a eu l’effet immédiat de déclencher les protestations du groupe socialiste, de la présidente de la commission EMPL, Pervenche Bérès, de son rapporteur Alejandro Cercas pour qui la procédure doit être ramenée à la case départ et il n’est donc pas garanti que le vote final en plénière, le 14 février, aura bien lieu.
Pourquoi un permis unique ?
A ce stade, il n’est pas inutile de rappeler les raisons d’être essentielles obscurcies qu’elles sont par des querelles de procédure dont il est difficile de suivre les méandres. Le plus évident : le permi unique doit suffire pour que les travailleurs des pays tiers puissent vivre et travailler sans être accablés par des démarches bureaucratiques, longues, coûteuses, incompréhensibles. A l’arrivée que trouveront donc les travailleurs en provenance des pays tiers ?
-. Aucun document supplémentaire ce qui irait à l’encontre de la raison d’être d’un ‘’permis unique’’.Une seule demande de permis unique
-. Un socle commun de droits
La proposition vise à garantir aux travailleurs de pays tiers les droits fondamentaux socio-économiques sur un pied d’égalité avec les ressortissants des États membres, en particulier pour qui concerne les conditions de travail et de rémunération, l’éducation, les avantages fiscaux, les droits syndicaux et la sécurité sociale.
Il appartient à chaque État membre de fixer les conditions dans lesquelles les prestations de sécurité sociale seront accordées, ainsi que les montants de ces prestations et les périodes pour lesquelles elles seront accordées. Toutefois, pour l’exercice de ce pouvoir, ils doivent ‘’se conformer à la législation de l’UE », souligne le texte.
-.Les droits à la pension
En ce qui concerne la portabilité des pensions, quand un immigrant légal décide de déménager vers un pays tiers, il doit avoir accès à ses droits à la pension dans les mêmes conditions et au même taux que les ressortissants de l’UE. Les États membres, pourraient cependant conditionner ce droit à l’existence d’accords bilatéraux reconnaissant l’exportation réciproque des pensions.
-. Les personnes non couvertes
Le projet de loi ne visait pas les résidents de longue durée, les réfugiés et les travailleurs détachés (déjà soumis à des règles de l’UE), les travailleurs saisonniers ou les transferts intra-entreprises (qui seront couverts par d’autres directives spécifiques de l’UE).
Doit-on prolonger l’attente et en cascades courir le risque de retarder d’autres travaux ? où est l’intérêt du travailleur migrant, la sécurité juridique et la simplicité dans la mise en œuvre ?
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-. Texte de la proposition de la Commission (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2007)0638_/com_com(2007)0638_fr.pdf