Les révoltes au sein du monde arabe, prématurément qualifiées de printemps arabe, sont incontestablement une très bonne chose pour les arabes eux-mêmes. « Le printemps arabe » est aussi une très bonne chose pour les européens ! Il y a mille raisons à cela, mais il y en a une toute particulièrement, trop rarement mise en avant : la perspective des retrouvailles entre les deux rives de la Méditerranée.
C’est l’occasion de se débarrasser de clichés, de modes de pensée qui ont pollué le débat, la réflexion. Bien antérieurs aux attentats du 11 septembre, ils ont reçu à cette occasion des encouragements de mauvais aloi. Une influence pernicieuse, délétère.
Populismes, multiculturalismes, crises identitaires, exacerbations sécuritaires, mondialisation, autant de concepts mal maitrisés, parce que mal définis au départmais ils sont agités sans retenue. Ces thèmes occupent un espace indu dans le débat, jusqu’à la satiété et la nausée même, mais c’est un fait… Au départ on trouve souvent l’obsession islamique. Certes au sein de l’islam le monde arabe est minoritaire mais il faut reconnaître que c’est trop souvent l’image de l’arabe qui se projette sur bien des fantasmes, des outrances mais aussi bien des inquiétudes qu’il faut prendre en considération. Cette forme de renaissance (risorgimento a-t-on dit dans un autre siècle et Anne l’européen Applebaum dans son éditorial du Washington Post estime que les révoltes arabes lui font penser plus à 1848 qu’à 1989) constitue une occasion inattendue, inespérée pour remettre en cause bon nombre de nos comportements : aller bien au-delà de la protestation identitaire véhémente par exemple.
L’actualité nous a réconcilié avec la démocratie dans son sens le plus terre à terre, nous a réconcilié avec le peuple sans l’opposer aux élites par ailleurs indéfinissables parce que multiples.
Il y a encore beaucoup d’incertitudes, mais il semble que se rompt de façon inéluctable le cycle infernal des régimes autoritaires se maintenant par le chantage face à la menace d’intégrismes et de totalitarismes archaïques violant systématiquement les droits de l’homme. Or ce à quoi nous assistons, c’est le démenti de la logique du choc de civilisations : des peuples majoritairement arabes et musulmans se mettent en mouvement et présentent des revendications politiques qui sont universelles, la démocratie, la justice, l’égalité entre tous sans discrimination, la dignité dans la vie de tous les jours, bref la recherche d’une une vie meilleure. Comment ne pas se reconnaître dans ces autres et comment ne pas reconnaître leur incontestable modernité, bien loin des lapidations, des attentats kamikazes, des interdits d’un autre âge, des intolérances religieuses etc …chroniques habituelles de nos médias, jusqu’à aujourd’hui, du moins espérons le. Ensevelie sous une actualité souvent tragique, toujours difficile à supporter a survécu une humanité universelle, éternelle dans laquelle nous nous reconnaissons pleinement, enfin.
Un moment d’euphorie merveilleuse nous saisit, propre aux moments d’histoire authentique. Il faut cependant s’en méfier. Le monde arabe est confronté à des problèmes terrifiant. Mais ayons le grand espoir que ce qui est entrain de se passer, nous en avons tous été les témoins en direct, va initier un grand changement. Les choses bougent. La page se tourne et c’est à peine dit que la page est déjà tournée. Ce grand souffle fait penser au printemps des peuples de 1848, nous a dit Anne Applebaum dans son éditorial du Washington Post. Ce printemps des peuples qui a nourri longtemps notre imaginaire. Certes, nous avertit-elle, ce printemps a été suivi par des régressions et des répressions, une, deux décennies, voire un siècle, ou plus, ont été nécessaires pour concrétiser et consolider ce printemps des peuples en Europe, mais sans lui rien de ce qui a suivi n’aurait été possible. L’espérance a survécu, indestructible elle accompagne désormais tout un peuple qui a repris sa marche en avant au milieu de grandes difficultés.