La Mission européenne au Kosovo (Eulex) a confirmé les inculpations de quatre personnes soupçonnées de trafic d’organes humains au Kosovo, a annoncé la Mission dans un communiqué diffusé vendredi 4 mars. Mais Eulex ne peut pas tout
« Les inculpations pour exercice illégal de la médecine et abus de pouvoir sont confirmées pour Lufti Dervishi, Driton Jilta, Sokol Hajdini et Ilir Rrecaj », indique le communiqué. Initialement sept personnes avaient été inculpés dans cette affaire, mais Eulex s’était donné un délai pour prendre une décision à ce propos. La clinique Medicus à Pristina avait été fermée en 2008 après une enquête de plusieurs mois de la police. Celle-ci avait découvert que l’établissement pratiquait des transferts d’organes, une opération interdite au Kosovo. Les autorités avaient été alertées à la suite du malaise, à l’aéroport de Pristina, d’un Turc dont le rein aurait été transféré sur un Israélien.
Parmi les quatre inculpés se trouvent un ancien responsable du ministère de la Santé Ilir Rrecaj qui a délivré la licence de travail à la clinique en question bien que la loi kosovare interdise les transferts d’organes et Lufti Dervishi, un urologue de renom. Eulex, qui a examiné le dossier pendant plusieurs mois, a décidé de renvoyer au parquet les actes d’inculpations de deux autres suspects afin d’obtenir des précisions sur certains détails concernant ces deux inculpés. La Mission ne donne aucune précision sur le statut du septième suspect.
Le juge d’Eulex a également rejeté « les chefs d’accusation portant sur le trafic d’êtres humains et le crime organisé », selon le communiqué. Le procureur a indiqué qu’il ferait appel sur ces points. Un des sept suspects est Yusuf Sonmez, qualifié de « Frankenstein turc » par les médias kosovars. Il avait été arrêté, puis libéré en Turquie à la mi-janvier après un interrogatoire à Istanbul. Il a exercé à la clinique Medicus.Selon les éléments de l’enquête, les victimes de ce trafic, les donateurs, se voyaient promettre environ 15.000 euros pour un de leurs organes. Les receveurs payaient jusqu’à 100.000 euros pour l’opération. Les donateurs étaient recrutés parmi les couches les plus défavorisées de la population dans différents pays d’Europe orientale et d’Asie centrale. Il appartient à Eulex, au Kosovo, de juger les affaires les plus sensibles.
Cette confirmation de l’inculpation intervient plus d’un mois après l’adoption au Conseil de l’Europe (CE) d’un rapport liant le Premier ministre kosovar, Hashim Thaçi, et autres commandant de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) au trafic d’organes et au crime organisé pendant et après la guerre de 1998-1999 avec les forces Serbes. « Nous avons récolté des indications crédibles et convergentes qui induisent à conclure que le trafic d’organes qui a eu lieu après la fin du conflit (…) est, en fait, étroitement lié à l’affaire d’aujourd’hui concernant la clinique Medicus », a écrit dans ce rapport le rapporteur du Conseil de l’Europe, Dick Marty. (Cf.Nea say N°103 article de Denisa Mucaj)
M. Thaçi a rejeté les accusations en les qualifiant de campagne contre lui et les autres membres de la guérilla kosovare.
De son côté la Serbie a relancé ses accusations par la voix de son ministre des affaires étrangères Vuk Jeremic, le 3 mars dernier lors de sa visite à Paris. « Mythe ou vérité, si cette histoire se perpétue, elle se trouvera toujours sur le chemin de la réconciliation (…) Nous avons besoin d’un mécanisme crédible et indiscutable pour que des investigations soient conduites (…) Tous les crimes commis dans les années 1990 dans l’ex-Yougoslavie ont fait l’objet d’enquêtes dans le cadre du mandat des Nations Unies. Pourquoi serait-ce différent pour cette affaire ? La juge-t-on subalterne. » Le ministre ne s’est pas prononcé en faveur d’un mécanisme précis et s’en est remis aux acteurs majeurs du Conseil de sécurité des Nations Unies qui doivent se mettre d’accord. Mais le ministre serbe rejette l’idée d’une enquête menée exclusivement par Eulex, ce que cette dernière ne conteste pas comme nous venons de le voir, car alors se poserait un problème de juridiction. Vuk Jeremic fait remarquer que « le rapport Marty montre que les évènements ne concernent pas que le Kossovo mais aussi l’Albanie…Puis les traces conduisent vers d’autres pays, hors UE comme la Turquie, et les acheteurs d’organes pourraient se trouver au Moyen-Orient. Eulex n’est pas capable d’enquêter ». La deuxième raison serait l’incapacité de la mission Eulex de l’UE d’y à protéger les témoins clés. Toutefois Vuk Jeremic est favorable à la participation d’Eulex aux investigations et comme nous venons de le voir Eules ne se désintéresse pas de son rôle qui prend de l’ampleur.