Les journalistes turcs dénoncent un climat de censure, la presse est en colère au moment même où le Parlement européen ouvre un débat important pour l’avenir de la Turquie. (cf. autre information)
L’arrestation de trois journalistes d’investigation provoque un tollé en Turquie, où la profession dénonce un manque croissant de liberté de la presse
Des milliers de manifestants ont protesté, dans les rues d’Istanbul le 4 mars, contre la détention de dix personnes, dont huit journalistes, accusées de liens avec une association terroriste .Cela fait près d’une semaine que Nedim Sener, Ahmet Sik du quotidien libéral Milliyet, journaliste distingué en 2010 par l’Institut international de la presse pour le livre consacré à l’assassinat du journaliste arménien Hrant Dink,et trois autres de leurs collègues journalistes ont été arrêtés. Jeudi 3 mars, la police turque a effectué une descente dans leurs appartements à Istanbul et Ankara, confisquant disquettes, DVD et notes en tout genre. Les autorités turques placent ces arrestations et autres mesures dans le cadre de l’affaire Ergenekom, du nom du réseau qui est soupçonné d’ avoir tenté de renverser le gouvernement par un coup d’Etat.. L’annonce de leur arrestation a créé un choc notamment auprès de leurs collègues.
Si en quatre années d’enquête, plus de 400 personnes, dont des militaires en service, ont été interpellées, cette fois ce sont des journalistes d’investigation, réputés pour leur sérieux, qui attendent désormais la première audience de leur procès depuis la maison d’arrêt de Silivri. Ils devraient y rester plusieurs mois. « Cela me rappelle le maccarthysme » . « Comment peut-on accuser un journaliste qui a lutté contre Ergenekon d’appartenir lui-même à ce réseau ? », se demande Ertugrul Mavioglu, coauteur avec Ahmet Sik d’un ouvrage sur ce réseau ultranationaliste. Ironie du sort en effet, Ahmet Sik avait contribué à faire connaître cette organisation en publiant en 2007 des carnets secrets de généraux de l’armée. Son scoop avait entraîné la fermeture de son magazine Nokta.
Cette fois, d’après son avocat, il a été arrêté pour un ouvrage en cours détaillant les liens entre une confrérie religieuse, Fetullah Gulen, et la police. « Seuls les pays totalitaires mettent en cause les auteurs de livres qui ne sont pas encore publiés. Cela me rappelle le maccarthysme », ajoute Ertugrul Mavioglu, en référence à la traque anticommuniste aux États-Unis dans les années 1950. Les journalistes s’inquiètent de ce qui, pour eux, s’apparente à un « état de censure et d’autocensure ». Elle s’inquiète pour l’avenir d’un grand groupe turc qui, sous la pression politique, se retire du secteur des médias. Dans un premier temps, le premier ministre Erdogan, qui a récemment jugé que la liberté de la presse était « mieux respectée en Turquie qu’aux États-Unis », a refusé de commenter ce dossier. Mais le président de la République, Abdullah Gül, lui, est sorti de sa réserve, se déclarant « inquiet » de ces arrestations qui « portent une ombre au niveau (démocratique) que la Turquie a atteint et à l’image du pays ».
61 journalistes sont actuellement incarcérés en Turquie. Le procureur chargé de cette affaire a publié un communiqué justifiant une enquête qui « n’est en lien ni avec les opinions ni avec les livres écrits » par les prévenus. De leur côté, les autorités européennes ont appelé Ankara à « amender son cadre légal pour améliorer l’exercice de la liberté de la presse ».
« La Commission suit avec préoccupation la récente action de la police contre les journalistes a déclaré le commissaire à l’élargissement, Stefan Füle, « Le droit turc ne garantit pas suffisamment la liberté d’expression. La liberté d’expression et la liberté de la presse sont des principes fondamentaux qui doivent être respectés dans toutes les démocraties modernes ». Le commissaire a ajouté de façon vigoureuses : « en tant que pays candidat, nous attendons de la Turquie qu’elle mette en œuvre ces principes démocratiques fondamentaux et permette un débat pluraliste dans l’espace public. La Turquie doit, de toute urgence, d’amender sa législation afin d’améliorer la liberté de la presse de manière concrète et significative ». Le respect des libertés fondamentales a été un sujet évoqué par le commissaire Stefan Füle avec le ministre turc des affaires étrangère, Ahmet Davutoglu.
L’Osce a fait part également de ses préoccupations par la voix de Dunja Mijatovic http://www.osce.org/fom/75908 En juin dernier elle avait également exprimé ses préoccupations, notamment concernant le blocage de plus de 5000 sites Internet http://www.osce.org/fom/69467