Ce cri est poussé une nouvelle fois par Alex Türk, bien connu des lecteurs de Nea say qui rend compte régulièrement de ses nombreuses prises de position ainsi que des travaux imposants de la CNIL qu’il préside.(94 articles consacrés à ce jour à la CNIL http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?q=CNIL&Submit=%3E
Cette fois-ci il a choisi pour s’exprimer la forme d’un livre publié par Odile Jacob. (1)
La plupart des données personnelles sont collectées et conservées par de grandes entreprises étrangères, le plus souvent américaines et en la matière l’administration américaine, directement ou indirectement reste le plus grand prédateur en la matière. « Il faut, nous dit-il, que l’Europe ait le courage de convaincre les Etats-Unis d’instaurer des règles. Elle doit prendre les devants lors du G8 du numérique qui aura lieu en mai. Il y a urgence, car si on n’agit pas maintenant la notion d’intimité ne sera bientôt qu’un lointain souvenir ».
Alex Türk veut être clair il y a un danger mortel pour les libertés individuelles. Le gens, poursuit-il, n’imaginent pas à quel point ils sont surveillés, profilés, leurs goûts analysés, leurs habitudes disséquées. Des milliards d’informations ont été collectées et ce phénomène croît à une vitesse qu’il qualifie « d’insensée »C’est pire que Big Brother car on peut toujours se rebeller contre un système centralisé, mais là nous assistons à la prolifération des nano-Brothers : capteurs, puces électroniques, portables …. Infiniment plus redoutables car véritables outils de surveillance ils sont disséminés, invisibles. On ne sait qui les collecte, où elles sont stockées, pour combien de temps et dans quel but ! La biométrie (empreintes électroniques digitales,, oculaires et autres), videosurveillance, géolocalisation, collecte des données en ligne tout cela forme un cocktail littéralement « explosif », avertit Alex Türk .
Il nous rappelle qu’à son arrivée dans le métier son principal problème était la multiplication des fichiers régaliens liés à la sécurité, une préoccupation de tous les instants liée aux attentats du 11 septembre. Il estime qu’aujourd’hui nous ne sommes plus à l’ère du casier judiciaire et des fichiers de police, mais dans celle du fichage de masse et en plus le dernier avatar , ce qu’il appelle le « fichage ludique ». Avec internet et les applications de la téléphonie mobile, les réseaux sociaux, les gens donnent spontanément un tas d’informations qui viennent s’ajouter à toutes celles qui sont collectées au fil des jours, dans leur vie quotidienne. Cela fait longtemps que Alex Türk multiplie les alertes, notamment en direction des jeunes, mais rien n’y fait.
Aujourd’hui un citoyen aussi discret soit-il est forcément fiché quelque part et dans de mutiples bases et tout peut être interconnecté, avec la fin de l’anonymat, « un cauchemar absolu » conclut-il à ce stade de sa démonstration.
La géolocalisation se développe à « une vitesse affolante », les outils de traçage ont proliféré, ils sont miniaturisés, nous allons « vers un monde de la surveillance invisible ».Nos mini ordinateurs qui tiennent dans notre poche ont la puissance de machines qui il y a vingt-cinq ans tenaient dans une grande pièce. Téléphoner n’est qu’une fonction annexe de ces appareils dont le but et de vous ficher et de vous suivre partout et à tout instant.
Quant au Big Brother convivial, Facebook, ce système ne serait pas blâmable s’il était lisible et contrôlé, mais ce n’est pas le cas. La notion de consentement est floue et vous n’avez pas de droit de suite. Fermer votre compte ne garantit pas l’effacement, la disparition de vos données. Google vient d’être condamné par la CNIL (cf. Nea Say), Google a plaidé la bonne foi, l’erreur, raconte Alex Türk,« mais je n’y crois pas ! » proteste-t-il. Cela fait des années que Google recueille des infos privées transitant par des bornes Wi-Fi. Si c’est une erreur, comment se fait-il, s’interroge Alex Türk, que Google ne s’en est pas aperçu ? Google a un sentiment d’impunité énorme, il faut qu’il comprenne que nous savons que ce que Google fait. Nous devons être dans un état de vigilance aiguë et permanente. Mais pour être efficace, il faudrait que les moyens de la CNIL soient doublés. C’est pourquoi il propose une taxe d’environ 60 euros sur les entreprises et collectivités locales. Il faut augmenter les contrôles, adapter des textes « aujourd’hui totalement dépassés par les nouvelles technologies. Déjà difficile au niveau européen c’est au niveau mondial qu’il convient de procéder : la plupart des données personnelles sont collectées et conservées par de grandes entreprises étrangères , souvent américaines en attendant les pays émergents dont certains sont « des paradis numériques à la démocratie incertaine et où l’on pratique volontiers le safari à l’internautes contestataire.
(1) Alex Türk : « La vie privée en danger. Des citoyens sous contrôle ». Edition Odile Jacob