Au terme d’une visite en Hongrie, le Rapporteur de l’ONU sur la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, a fait part de ses préoccupations concernant la récente législation sur la liberté de la presse mise en place dans le pays.
« La législation sur les médias risque de générer un climat d’autocensure, alors que la liberté des médias est un fondement essentiel de la démocratie », a indiqué l’expert onusien dans un communiqué. S’il reconnait que le Parlement hongrois a adopté certains amendements en mars pour assouplir la législation, Franck La Rue estime néanmoins que « chaque État doit veiller à ce que tous les moyens de communication, qu’il s’agisse de télévision, de radio, de presse écrite ou d’Internet, permettent de saisir la diversité des opinions, y compris celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ». Le Rapporteur spécial s’inquiète notamment « d’éléments essentiels de la nouvelle législation sur les médias, comme la prescription des contenus basée sur des concepts vagues et l’absence de garanties suffisantes assurant l’indépendance et l’impartialité de l’organisme chargé d’appliquer cette législation ».
Franck La Rue attire également l’attention sur le caractère « excessif » des amendes et autres dispositions administratives prévues pour sanctionner les médias qui enfreindraient cette loi, ainsi que sur le champ d’application trop large de la loi, « qui réglemente tous les types de médias, y compris la presse et Internet », sur « les exigences d’enregistrement » imposées aux médias, et sur « le manque de protection suffisante des sources des journalistes ».
Dans son communiqué, l’expert onusien relève que ces préoccupations ont également été soulevées par les experts indépendants sur le droit à la liberté d’expression du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et nombre de parlementaires européens. Un instant fort préoccupée la Commission européenne s’est retranchée derrière ses compétences limitées en l’occurrence pour ne pas bloquer la procédure et ouvrir un dossier d’infraction.
Le Rapporteur a également regretté l’absence « de vastes consultations publiques avec des représentants des médias, de la société civile et d’autres intervenants » avant l’adoption de la législation. Il s’est toutefois « félicité de l’engagement pris par la Commission parlementaire pour les droits de l’homme, les minorités et les questions religieuses d’engager, avec lui, des consultations publiques ». Il qualifie l’initiative « d’étape importante », appelant à y inclure aussi des représentants « des branches exécutives et judiciaires de l’État ».
« Occupant actuellement la présidence du Conseil de l’Union européenne, j’espère que le gouvernement de Hongrie servira de modèle dans la région, en apportant des garanties absolues au droit à la liberté d’expression », a conclu le Rapporteur spécial, sur la liberté d’expression, avant d’encourager le gouvernement hongrois « à présenter un plan concret d’action pour que la législation sur les médias se conforme aux normes internationales en place dans le domaine des droits de l’homme ».
Selon la presse, la législation très critiquée par la société civile hongroise a d’ores et déjà entrainé le regroupement de la télévision nationale, de la radio nationale, de la télévision par satellite et de l’agence de presse au sein d’une même entité, chapeautée par un directeur, nommé par le Premier ministre pour une période de neuf ans. A ce jour les autorités européennes et les parlementaires n’ont pas réagi.