Nous avons ici parlé du cas d’enfants de parents ayant eu recours à une mère porteuse, un nouveau cas, lui, porté devant la CEDH en attendant que l’autre saisisse la CEDH.Deux lesbiennes qui élèvent ensemble un enfant peuvent-elles être reconnues juridiquement toutes les deux comme mères? La question, qui passionne les associations de défense des homosexuels, a été examinée mardi par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Le litige porté devant les juges de Strasbourg – et qui ne devrait pas trouver de réponse judiciaire avant plusieurs mois – concerne la petite Alexandra, 10 ans, qui vit depuis sa naissance avec sa mère Nathalie Dubois, 46 ans, et la compagne de cette dernière, Valérie Gas, 50 ans.Les deux femmes, qui vivent ensemble depuis 1989 se sont pacsées en 2002 (pacte civil de solidarité). L’enfant a été conçue par insémination artificielle et don de sperme anonyme, une procédure menée alors en Belgique car elle n’est pas légale en France.
Au regard du droit, elle n’a qu’un parent, la mère qui l’a mise au monde – Nathalie Dubois, 46 ans -, même si depuis sa naissance elle vit également avec la compagne de sa mère, Valérie Gas, 50 ans. Son autre « mère », qui voulait l’adopter, s’est heurtée sur ce point à la loi et aux tribunaux.
« Je vous demande de faire cesser cette discrimination insupportable, qui pèse sur Alexandra parce qu’elle est élevée par un couple de femmes », a plaidé devant les juges de Strasbourg l’avocate des requérantes, Me Caroline Mécary, en souhaitant que « toutes les trois puissent être réunies à la fois par les liens de l’amour et du droit ». L’absence de lien juridique entre Mme Gas et la petite Alexandra peut avoir des conséquences très gênantes au quotidien, a-t-elle souligné: par exemple si l’enfant a un accident, la compagne de sa mère n’est pas habilitée à autoriser une intervention médicale urgente. Si sa mère décède, Alexandra pourrait être placée en famille d’accueil plutôt que de rester avec sa deuxième mère qui l’a toujours élevée.
Pour remédier à cette situation, Mme Gas a essayé, à partir de 2004, de procéder à une adoption simple de l’enfant, une adoption qui ne supprime pas le lien de filiation avec la mère. Mais en 2006 la justice a refusé cette possibilité. En effet le code civil précise que cette adoption impliquerait automatiquement la perte de l’autorité parentale pour Mme Dubois, ce qui serait contraire à l’intérêt de l’enfant. Or la loi prévoit une exception à cette déchéance de l’autorité parentale en cas d’adoption simple: la mère conserverait ses droits si, et seulement si, l’adoptant était son époux. Une disposition validée en octobre dernier par le Conseil constitutionnel.
« Le législateur a estimé que le mariage était le meilleur protecteur de l’enfant », a commenté à ce propos devant la CEDH la représentante des autorités françaises, la magistrate Anne-Françoise Tissier. L’avocate des requérantes a dénoncé une « discrimination directe et indirecte fondée sur l’orientation sexuelle », qui entraîne selon elle une violation du droit au respect de la vie familiale. « La vie familiale peut s’exercer en dehors des liens juridiques et de filiation », lui a répondu sur ce point Mme Tissier.A défaut d’adoption, Mme Dubois peut parfaitement recourir à une délégation-partage de l’autorité parentale au profit de sa compagne, a souligné la représentante de la France. Donner raison aux requérantes « constituerait un bouleversement sociétal », selon elle. « Cela pose des questions de société et de bioéthique qui requièrent de toute évidence un débat démocratique », car des changements en la matière « ne peuvent être avalisés que par le parlement », selon elle.