L’Europe doit aider l’Italie et Malte, pays qui se trouvent en première ligne, à faire face à l’afflux de personnes fuyant les troubles en Afrique du Nord, mais la grande majorité des exilés de Libye ont trouvé refuge au Maghreb, a souligné mardi 26 avril l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
L’afflux de migrants a provoqué ces dernières semaines des tensions entre la France et l’Italie, Rome reprochant à ses partenaires européens un manque de solidarité, tandis que Paris disait refuser de « subir » cet afflux. (cf. autre information). Nicolas Sarkozy s’est prononcé mardi à Rome pour une réforme du traité de Schengen sur la libre circulation des personnes en Europe, avec « davantage de moyens pour que les frontières de l’espace Schengen soient garanties ».
Quelque 25.000 migrants, pour la plupart originaires de Tunisie et le plus souvent désireux de gagner la France, ont débarqué cette année sur l’île italienne de Lampedusa au terme d’une traversée périlleuse. Mais la grande majorité des 665.000 personnes, pour la plupart des travailleurs immigrés, qui ont fui la Libye depuis février se sont réfugiées en Tunisie, en Egypte, au Niger, en Algérie, au Tchad et au Soudan, ont souligné des ONG. Seuls 5.182 d’entre eux ont atteint l’Italie et Malte.
« Je pense que nous devons le replacer dans un contexte. Nous avons plus de 600.000 personnes qui ont quitté la Libye et ont transité par des pays voisins. La Tunisie et l’Egypte ont gardé leurs frontières ouvertes. Le Tchad, le Mali et d’autres ont fait de même », a relevé Jean-Philippe Chauzy, de l’OIM. « En termes de migration, la pression migratoire n’est pas pour le moment placée sur l’Europe, elle l’est sur des pays d’Afrique du Nord », a-t-il dit lors d’un point de presse à Genève.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) établit pour sa part une distinction entre les personnes fuyant les combats et de possibles persécutions en Libye et les migrants économiques qui ont quitté la Tunisie en quête d’un emploi. « Nous avons appelé de nombreuses fois les pays européens à faire preuve de solidarité avec les pays en première ligne, à savoir l’Italie et Malte », a déclaré Andrej Mahecic, du HCR. « Mais nous aimerions souligner le fait que l’essentiel de la crise en Libye est assumée par les pays d’Afrique du Nord, principalement par la Tunisie elle-même, où sont arrivées plus d’un quart de million de personnes, et par l’Egypte et les autres pays de la région », a-t-il dit.
Quelque 30.000 civils libyens ont fui leur domicile dans les Montagnes de l’Ouest et se sont réfugiés dans le sud de la Tunisie au cours des trois dernières semaines. La plupart de ces réfugiés sont des Berbères qui veulent échapper aux combats et au bombardement de leur ville ou de leur village, a observé Mahecic. « La grande majorité de ces réfugiés libyens sont accueillis par les communautés locales tunisiennes qui manifestent ainsi une fois de plus leur grande générosité », a-t-il dit.
Mais c’est d’argent dont a besoin le Haut Comité aux réfugiés (HCR) : le Bilan
Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a prévenu le 22 avril dernier qu’il était confronté à un manque critique de financement pour ses opérations en Libye et dans les pays voisins. « Si les pays donateurs n’engagent pas des fonds rapidement, cette pénurie de fonds aura probablement des conséquences sur l’assistance humanitaire vitale à des dizaines de milliers de personnes déplacées par les récents combats », a dit un porte-parole du HCR, Andrej Mahecic, lors d’une conférence de presse à Genève.
Le HCR avait publié un appel de fonds d’un montant de plus de 68,5 millions de dollars pour financer les trois premiers mois de son opération d’urgence prévue pour durer quatre mois. « Jusqu’ici, nous avons reçu la somme de 39,4 millions de dollars, dont la totalité a été dépensée ou engagée. Nous appelons les pays donateurs à combler d’urgence cette pénurie de fonds », a dit le porte-parole. Sur les fonds déjà reçus, 18,4 millions de dollars ont servi à financer le programme conjoint du HCR et de l’Organisation internationale des migrations (OIM) pour l’évacuation humanitaire de plus de 100.000 ressortissants de pays tiers depuis l’Egypte et la Tunisie.
Par ailleurs, plusieurs millions de dollars ont été dépensés pour acheminer via un pont aérien du matériel de secours vers la Tunisie et l’Egypte, pour offrir un abri et assurer une protection à des dizaines de milliers de personnes attendant d’être évacuées, pour acheminer régulièrement par camion des articles de secours vers la Libye et pour assurer une aide financière aux réfugiés et à d’autres groupes vulnérables en Libye. En Libye, le HCR a identifié la nécessité d’étendre ses activités afin de fournir une assistance à des dizaines de milliers de personnes déplacées et des milliers de réfugiés qui dépendent de l’agence pour les réfugiés afin de recevoir une aide.
Le HCR dispose à Tripoli d’une petite équipe d’employés nationaux, qui fait de son mieux pour offrir une assistance aux réfugiés et aux demandeurs d’asile enregistrés auprès du HCR. « Nous considérons que les besoins humanitaires dans l’ouest de la Libye sont significatifs. Le HCR et ses partenaires sont prêts à offrir une assistance humanitaire dans l’ouest du pays si et quand la permission sera accordée par le gouvernement », a dit le porte-parole.
« Nous avons déployé une équipe d’urgence en mission à Tobrouk et à Benghazi dans l’est de la Libye dans le cadre d’une équipe inter-agences. Les autorités locales ont identifié plus de 35.000 personnes déplacées, la plupart depuis Ajdabiyya et d’autres sont originaires de Brega. Elles indiquent que le nombre total des déplacés avoisinerait plutôt les 100.000. En effet, la population d’Ajdabiyya compte habituellement 120.000 personnes et la ville s’est quasiment vidée de ses habitants. Quelques milliers de personnes ont rejoint l’Egypte, mais la majorité des déplacés se trouvent à Benghazi et à Tobrouk. Selon les autorités, leur quotidien est quasiment assuré, et ce grâce à la générosité de la communauté locale. Toutefois, des signes de tension apparaissent du fait de la dégradation de la situation économique. Ces difficultés sont encore aggravées par le fait que les salaires des fonctionnaires n’ont pas été versés depuis deux mois. Selon les autorités locales, de plus en plus de déplacés les contactent chaque jour pour demander une assistance », a-t-il ajouté.
Selon M. Mahecic, il est vital que les opérations du HCR menées actuellement en Egypte et en Tunisie reçoivent un financement, pour que l’agence puisse continuer à soutenir les gouvernements de ces deux pays afin qu’ils gardent leurs frontières ouvertes à toutes les personnes fuyant le conflit. En Tunisie, le HCR a besoin d’urgence de fonds pour répondre à l’afflux récent vers la Tunisie de Libyens ayant fui les combats dans la région des Montagnes de l’Ouest. Selon les autorités frontalières tunisiennes du point de passage frontière de Dehiba, quelque 1.620 Libyens ont traversé la frontière durant la seule journée de mercredi. Plus de 3.000 personnes au total ont traversé la frontière cette semaine pour rejoindre cette zone. A 47 kilomètres à l’ouest, dans la ville de Remada, le HCR a établi un camp où environ 350 personnes sont désormais hébergées. La plupart des familles libyennes ayant traversé la frontière dans cette région sont hébergées par des familles de la communauté locale ou dans des centres de jeunesse à Tataouine. Un hôtel assure également l’hébergement gratuit. Des Bédouins libyens ont traversé la frontière avec leur bétail qui est pris en charge par des familles tunisiennes. Parallèlement, quelque 8.000 personnes sont accueillies dans des camps situés près du point de passage frontière de Ras Adjir entre la Tunisie et la Libye. Un tiers de la population est composé de réfugiés somaliens et érythréens qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays d’origine et pour lesquels d’autres options doivent être examinées. « De plus, nous avons besoin de fonds pour venir en aide aux communautés locales dans et autour de Ras Adjir, Dehiba, Remada et Tataouine, ainsi que dans d’autres régions où la communauté locale offre une assistance aux personnes fuyant les violences en Libye », a dit le porte-parole du HCR. Parallèlement, en Egypte, le personnel du HCR s’apprête à débuter une évaluation des besoins des Libyens vivant à Marsa Matrouh, une ville située à environ 200 kilomètres de la frontière entre l’Egypte et la Libye. On compte par ailleurs plus de 1.000 personnes bloquées à la frontière, y compris 567 réfugiés et demandeurs d’asile. Selon les autorités frontalières, alors que les Libyens continuent à fuir la Libye au rythme de plus de 2.000 personnes par jour, quelque 1 000 Libyens rentrent également dans leur pays depuis l’Egypte chaque jour.
Sur les 513 129 personnes qui ont fui la Libye, 1372 vers l’Italie et 815 vers Malte.
Au 13 avril, 513.129 personnes ont fui le conflit en Libye. Ce chiffre comprend 209.173 personnes ayant rejoint l’Egypte (84.419 Egyptiens, 63.747 Libyens et 61.007 ressortissants d’autres pays), 245.009 ayant rejoint la Tunisie (20.617 Tunisiens, 57.221 Libyens et 167.171 ressortissants d’autres pays), 33.615 vers le Niger (31.066 Nigériens et 2.549 ressortissants d’autres pays), 14.126 vers l’Algérie (1.078 Algériens, 3.599 Libyens et 9.449 ressortissants d’autres pays), 6.219 vers le Tchad (6.113 Tchadiens et 106 ressortissants d’autres pays), 1.372 vers l’Italie, 815 vers Malte et 2.800 vers le Soudan.