MSF vient de publier dans plusieurs journaux européens (dont Le Monde, Le Soir, European voice…), une lettre ouverte à plusieurs dirigeants européens pour dénoncer le sort fait aux « boat people libyens ». L’association humanitaire y dénonce le double discours politique européen qui affirme, d’un côté, faire la guerre en Libye pour protéger les civils, mais qui, de l’autre, ferme ses frontières aux victimes de cette même guerre, au prétexte d’afflux de migrants illégaux ». « Ce cynisme politique est indigne. », explique le Docteur Marie-Pierre Allié, Présidente de Médecins Sans Frontières (France).
« Alors que la Tunisie et l’Egypte ont déjà accueilli plus de 630.000 (personnes fuyant la Libye) dans des conditions difficiles, les Etats européens se livrent actuellement à une concurrence des égoïsmes qui aboutit, en pratique, à restreindre l’accès du territoire européen à ces victimes de la guerre, au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière. » explique la lettre. « Plusieurs centaines d’hommes, de femmes et d’enfants cherchant à se rendre en Europe – ou poussés au départ par les autorités libyennes qui voient là l’occasion de montrer leur pouvoir de nuisance – ont déjà péri en mer suite au naufrage de leur embarcation. De plus, des milliers de personnes ont débarqué ces dernières semaines sur les côtes italiennes et sont accueillies, comme nos équipes à Lampedusa en témoignent , de manière totalement inadaptée au regard de leurs besoins ».
Et l’organisation humanitaire de demander « instamment de respecter les droits de tous les civils fuyant le conflit en Libye, en garantissant leur non-refoulement des eaux territoriales et du sol européens vers une zone de guerre ; en leur assurant des conditions d’accueil décentes en Europe, tout comme l’accès à la procédure d’asile, quand ils le demandent. » (*) « Les personnes que nous rencontrons à Lampedusa nous parlent des menaces et des violences dont elles ont été victimes en Libye : certaines ont été battues ou ont vu leurs amis mourir sous leurs yeux », témoigne Loris De Filippi, directeur des opérations MSF. « Elles arrivent exténuées, souvent en état d’hypothermie, après de longues heures de voyage au péril de leur vie. Ce qu’elles trouvent à leur arrivée en Europe, ce sont des conditions d’accueil inacceptables et l’incertitude la plus totale quant à leur avenir. »
On peut noter que cette non-réponse cache mal un embarras des dirigeants européens. Lors d’une réunion la semaine dernière (12 mai), en marge du conseil des ministres de l’Intérieur, avec le Haut commissariat aux réfugiés, il avait été demandé aux Etats européens de bien vouloir prendre en quelques centaines de réfugiés qui sont coincés entre les 2 frontières, en Egypte ou en Tunisie. Le résultat a été maigre. La France a par exemple estimé qu’elle avait déjà donné… La Suède a promis de prendre 200 réfugiés, la Finlande 100 personnes, le Portugal 30 personnes et la Belgique 25 personnes. Mais la plupart du temps, ces offres viennent en déduction des quotas déjà négociés par ces pays avec le HCR. La Roumanie a déjà accueilli une trentaine de personnes venant de Tunisie.
NB: Cette lettre a été envoyée aux dirigeants de 14 pays européens : A. Merkel (Allemagne), W. Faymann et M. Spindelegger (Autriche), Y. Leterme (Belgique), L. Løkke Rasmussen et L. Espersen (Danemark), J.-L. Rodríguez Zapatero (Espagne), N. Sarkozy (France), G. Papandréou (Grèce), M. Rutte (Pays-Bas), S. Berlusconi (Italie), J.-C. Juncker (Luxembourg), J. Stoltenberg (Norvège), Petr Nečas (République Tchèque), D. Cameron (Royaume-Uni), F. Reinfeldt (Suède) ainsi qu’aux quatre responsables européens : Herman Van Rompuy, Jerzy Buzek, José Manuel Barroso, Catherine Ashton.
Lettre de Médecins sans frontières http://www.msf.fr/cms/filemanager/files/Lettre_migrants.pdf