L’organe consultatif du Conseil de l’Europe pour les questions constitutionnelles a informé la commission des libertés civiles du Parlement européen de son avis sur la nouvelle constitution hongroise. Certains députés ne souhaitaient pas mener ce débat en commission, estimant que la constitution hongroise est du ressort de la souveraineté hongroise. Selon d’autres, le droit de la Hongrie d’adopter sa propre constitution n’est pas en jeu mais il faut débattre des droits fondamentaux au sein de l’UE. Nea say a déjà consacré des articles dont un sur un premier avis intérimaire de la Commission de Venise. Nous restons dans l’attente de l’avis qui sera rendu le 18 juin prochain.
Thomas Markert, secrétaire de la Commission de Venise, l’organe consultatif du Conseil de l’Europe pour les questions constitutionnelles, a présenté à la commission des libertés civiles l’état de la situation, dans un projet d’avis sur la constitution hongroise, qui a été adoptée par le parlement hongrois le 18 avril et qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2012. Deux demandes d’avis ont été adressées à la Commission de Venise: l’une du gouvernement hongrois lors du processus d’élaboration de la nouvelle constitution, et l’autre du chef de la commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Dick Martin.
Le premier avis, adopté en mars, concernait uniquement trois aspects spécifiques du processus constitutionnel. Le second, qui devrait être adopté les 17 et 18 juin, a une portée plus générale. Ce dernier document n’étant pas encore finalisé, M. Markert ne s’est pas exprimé largement mais il a attiré l’attention sur quelques points saillants. Une majorité des deux tiers requise pour approuver certaines lois.M. Markert a fait remarquer que les « lois cardinales », qui requièrent une majorité des deux-tiers pour pouvoir être adoptées ou modifiées, limitaient les pouvoirs de la Cour constitutionnelle (surtout en matière d’impôts et de questions de propriété) et réglementaient certains sujets importants (famille, pensions, fiscalité, etc.). Aux questions posées pendant le débat, M. Markert a répondu qu' »aucun autre pays de l’EU ne comptait un aussi large éventail de lois cardinales » et qu' »il est improbable que les futurs gouvernements obtiennent une majorité des deux-tiers » pour modifier ces lois s’ils le souhaitent. « De nombreuses institutions européennes stipulent que certains lois et amendements requièrent une majorité des deux-tiers, ce qui nécessite un consensus parmi les partis politiques. Cette sauvegarde habituelle ne peut pas fonctionner dans la situation politique hongroise actuelle, où un seul parti a une majorité des deux-tiers. La solution serait que ceux qui détiennent tant de pouvoirs se modèrent, mais ce n’est pas le cas pour l’instant », a déclaré M. Markert.
M. Markert a également mentionné que le préambule de la Constitution « est trop long et comprend de nombreuses références historiques », dont certaines « pourraient être comprises comme une exclusion des minorités », et que l’article sur la protection des Hongrois expatriés « pourrait être vu comme une ingérence dans les affaires d’autres pays ».
La nouvelle constitution hongroise protège également « la vie avant la naissance« , définit le mariage comme l’union entre un homme et une femme, et ne mentionne pas explicitement l’orientation sexuelle dans la clause contre la discrimination, a-t-il ajouté.
En outre, M. Markert a souligné que l’âge de la pension pour les juges passera de 70 à 62 ans, ce qui entraînera la nomination de nombreux nouveaux juges en une seule fois.
La commission des libertés civiles doit-elle débattre de la constitution hongroise? C’est le point qui a le plus retenu l’attention des députés. Kinga Gál (PPE, HU), vice-présidente de la commission des libertés civiles, a exprimé son inquiétude sur la tenue de ce débat. « Je ne pense pas qu’il soit du ressort de cette commission d’aborder la constitution hongroise », a-t-elle déclaré, faisant remarquer que certaines des inquiétudes soulevées pourraient également s’appliquer à d’autres constitutions. « Les constitutions sont du ressort de la souveraineté de chaque État membre », a-t-elle souligné. « Bien sûr, elles doivent respecter les obligations internationales et européennes, mais je ne pense pas que la constitution hongroise les enfreigne », a-t-elle ajouté. Simon Busuttil (PPE, MT) l’a rejointe dans ses propos. « Le PPE n’était pas favorable à la tenue de ce débat, car nous pensons que ce n’est pas du ressort de la commission des libertés civiles ». Faisant part de commentaires sur certains points, M. Busuttil a déclaré qu’il ne voyait « aucune violation des droits fondamentaux » dans le fait que le processus d’adoption de la constitution ait abouti après cinq semaines. Il a également fait remarquer que si la protection de la « vie avant la naissance » était source d’inquiétude, « alors nous devons aussi examiner la constitution irlandaise » – et de façon similaire, la définition du mariage comme l’union entre un homme et une femme est également présente « dans d’autres constitutions ». « Des peuples et des pays différents ont des valeurs différentes » a déclaré M. Busuttil, faisant référence au slogan de l’Union européenne, « Unie dans la diversité ». « Unie dans la diversité, mais garantissant les droits fondamentaux de nos citoyens » a rétorqué Emine Bozkurt (S&D, NL).
Débat sur les droits fondamentaux. « Le S&D n’est pas contre la Hongrie, mais cette commission doit débattre des droits fondamentaux » a déclaré Monika Flašíková Beňová (S&D, SK). « Nous respectons le droit de la Hongrie d’adopter sa propre constitution, mais les valeurs européennes, les droits fondamentaux et les droits des minorités doivent être respectés » a-t-elle ajouté. « Si nous ne menons plus de débat sur nos valeurs, à quoi sert l’Europe? » a demandé Sophia in ‘t Veld (ADLE, NL), et d’ajouter « si nous ne sommes pas capables d’être critiques les uns envers les autres, comment pouvons-nous l’être envers les pays candidats? ». Pour elle, « c’est davantage le processus, qui a abouti si rapidement, qui inquiète, ainsi que la manière dont les éléments de la constitution sont liés les uns aux autres ». « Personne ne s’offusque lorsque nous débattons des règles de concurrence, pourquoi devrions-nous nous opposer à un débat sur les droits fondamentaux? » a-t-elle conclu. « Les constitutions peuvent servir d’instruments de souveraineté, mais elles ne sont pas imperméables aux critiques extérieures » a déclaré Rui Tavares (GUE/NGL, PT), et d’ajouter « nous devons accorder une attention particulière à l’esprit de ces règles », et la clause actuelle de non-discrimination « n’est pas suffisante ».
« Ce gouvernement a été élu pour une période de quatre ans » a noté Judith Sargentini (Verts/ALE, NL), mais « il a trouvé des astuces », comme l’obligation d’avoir une majorité des deux-tiers pour approuver ou modifier certaines lois. En fin de compte, ce gouvernement essaye de prolonger son mandat de manière non démocratique » a-t-elle conclu.
Un débat sur la constitution hongroise est prévu le 8 juin lors de la prochaine session plénière à Strasbourg, ainsi qu’un vote sur une résolution. Malheureusement il interviendrait avant l’adoption de l’avis de la Commission de Venise .
Avis de la Commission de Venise (FR) http://www.venice.coe.int/docs/2011/CDL-AD(2011)001-f.pdf
(EN) http://www.venice.coe.int/docs/2011/CDL-AD(2011)001-e.pdf
Avis sur différents principes directeurs de la constitution hongroise http://www.venice.coe.int/site/dynamics/N_Opinion_ef.asp?L=E&OID=6
Site de la Commission de Venise http://www.venice.coe.int/