Conséquences de la justice européenne : en France, les gardes à vue passées menacée d’être frappées d’irrégularité.

 La plus haute juridiction française, la Cour de Cassation,  a jugé, le 31 mai, irrégulière la garde à vue policière, ouvrant la voie à une contestation de presque tous les dossiers de petite délinquance. Détention policière coercitive qui peut aller jusqu’à 48 heures en droit commun, quatre jours en matière de trafic de drogue, crime organisé et terrorisme, la garde à vue s’est banalisée ces dix dernières années, passant de 336.000 en 2001 à plus de 792.000 en 2010, sans compter les infractions routières. (cf .Nea say)

Dans une série d’arrêts, la Cour de cassation déclare que cette méthode policière, fondement quasi unique de plus de 95% des dossiers pénaux en France, n’est pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour de cassation sanctionne le fait que, jusqu’à l’entrée en vigueur anticipée d’une réforme le 15 avril dernier, les suspects ne pouvaient être assistés d’un avocat et ne se voyaient pas notifier le droit de garder le silence. C’est une décision d’une importance capitale et c’est l’aboutissement du mouvement entamé depuis des mois, voire quelques années. L’ensemble des dossiers pénaux en cours de traitement vont donc pouvoir être revus et des demandes d’annulation être soulevées un peu partout en France.

Elles ne seront pas recevables de manière générale, puisque les dossiers criminels faisant déjà l’objet d’une ordonnance de renvoi devant la cour d’assises ne sont pas touchés. Les dossiers déjà jugés en première instance et devant être revus en appel ne sont pas concernés non plus. De plus, les annulations directes sont limitées aux procès-verbaux d’audition des suspects et ne touchent pas, par exemple, les perquisitions. Mais si des éléments d’enquête découlent des auditions, ils pourront aussi être déclarés nuls. La quasi-totalité des dossiers de petite délinquance appelés à être jugés en première instance devant les tribunaux correctionnels sur le seul fondement d’enquêtes de police et donc de gardes à vue vont donc pouvoir être contestés.

Cette décision intervient à la veille de l’entrée en vigueur définitive de la réforme de la garde à vue rendant obligatoire la présence de l’avocat, avec présence aux interrogatoires et accès au dossier. Jusqu’ici il ne pouvait voir son client que trente minutes au début de la garde à vue, sans accès au dossier. Dans ce système français qui fait exception en Europe, la contestation des procès-verbaux d’audition et des aveux est une figure très classique des procès pénaux et les avocats ont entamé une guérilla juridique sur le sujet devant les tribunaux. Depuis son application par anticipation le 15 avril, la réforme a connu des débuts timides, seul un tiers des personnes placées en garde à vue demandant l’assistance d’un avocat, selon le ministère de la Justice. A partir du 1er juin, la présence de l’avocat sera en théorie obligatoire, mais la réforme est déjà remise en cause, d’autant que les moyens font défaut pour les justiciables les plus pauvres. Les syndicats de magistrats et d’avocats critiquent les dérogations qui laissent beaucoup de latitude aux procureurs pour tenir les avocats à l’écart, ainsi que l’insuffisance des moyens financiers pour l’aide aux justiciables pauvres.

Déjà se profile une autre bataille dont l’issue est à plus long terme : le fait que l’autorité de contrôle de la garde à vue soit le procureur, magistrat lié au pouvoir politique par son statut, est aussi critiqué. Là encore on peut apercevoir l’ombre portée de la Cour européenne. Un premier aperçu du rapport des forces juridiques en présence sera donné lorsque le Conseil constitutionnel se prononcera sur la saisine des députés socialistes qui estime que la récente loi « immigration, intégration et nationalité » est inconstitutionnelle car trop de pouvoir d’appréciation est donné au juge du parquet.

      -. Cf. les cinq plus récents documents de Nea say consacrés à la garde à vue http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?q=garde+%E0+vue&Submit=%3E

      -. Les cinq arrêts de la Cour de cassation consacrés à la garde à vue

– Arrêt n° 3107 du 31 mai 2011 (11-81.412) – Cour de cassation – Chambre criminelle http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/3107_31_20187.html

– Arrêt n° 3049 du 31 mai 2011 (10-88.293) – Cour de cassation – Chambre criminelle http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/3049_31_20184.html

– Arrêt n° 2674 du 31 mai 2011 (10-80.034) – Cour de cassation – Chambre criminelle http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2674_31_20182.html

– Arrêt n° 2673 du 31 mai 2011 (10-88.809) – Cour de cassation – Chambre criminelle http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2673_31_20180.html

– Arrêt n° 529 du 26 mai 2011 (10-14.495) – Cour de cassation – Première chambre civile http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2673_31_20180.html

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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