Construire l’Europe, ce n’est pas le thème pour l’enthousiasme d’un jour….
Une citation tronquée d’un grand philosophe, sociologue, grand analyste aussi de la chose politique et plus particulièrement de la guerre froide et de la division du continent européen, Raymond Aron. Celui que l’on présentait alors comme un grand professeur d’hygiène morale et intellectuelle a eu une influence considérable, mort en 1983, il est aujourd’hui bien oublié ( provisoirement sans doute). Dans ses Mémoires il rapporte les propos qu’il avait tenus au soir de sa vie à des étudiants allemands à Francfort : « l’homme d’action est celui qui garde le sens d’une tâche grandiose à travers les médiocrités quotidiennes. La communauté européenne ou la communauté atlantique, ce n’est pas le thème pour l’enthousiasme d’un jour, c’est le thème final de l’effort qui donne un sens à la vie ou fixe un objectif à une génération ».
Il n’est pas facile de trouver une pensée plus opportune à livrer pour les vacances d’été à la méditation de ceux qui sont engagés dans l’action publique ou plus simplement intéressés par les ressorts profonds de l’action publique, autre mot pour dire simplement la politique. A la réflexion, on peut sans doute aussi y trouver une explication du désamour actuel à l’égard de l’Europe. En ces temps où l’immédiateté, une pseudo urgence l’emportent sur tout, comme l’emporte la mode éphémère (« l’enthousiasme d’un jour), proposer « l’effort d’une vie », » l’objectif pour une génération » n’offre rien qui puisse séduire les contemporains.
C’est ce qui explique aussi tant de sévérités dans le jugement à l’égard de quasiment tout, tout ce qui tombe sous la main en oubliant le sens de la durée, l’appel à « l’effort qui donne un sens à la vie ou fixe un objectif à une génération ». A ces détracteurs permanents et aux dons d’ubiquité si remarquables, on est tenté de leur jeter à la face les paroles de Goethe qui dans son Faust fait dire à Méphistophelès : « je suis l’esprit qui toujours nie et c’est avec raison, car ce qui existe mérite d’être anéanti et il vaudrait beaucoup mieux que rien n’existât »
Ce sont là de pauvres réflexions pour faire évoluer les mentalités, me fera-t-on remarquer. L’Union européenne ne se mesure pas à l’aune de critères comptables, financiers, c’est un système moral en ce sens qu’il s’enracine dans l’histoire et porte la marque des plus grands conflits mondiaux (dictatures, totalitarismes, glaciation soviétique), il a son parler et sa façon d’agir d’où son goût pour l’équilibre, un processus de construction, une lente maturation, fait d’arbitrages et de compromis qui viennent se heurter aux attitudes péremptoires et aux propos hâtifs.
Bonnes vacances