Après les sénateurs le 4 juillet, les députés ont entériné, le mercredi 6 juillet, le texte mis au point par une commission mixte paritaire. C’est une réforme paradoxale au regard de l’histoire et des traditions de la gauche politique comme de la droite. Les discussions se sont déroulées dans une relative indifférence (peu de discussions lors des réunions des commissions parlementaires par exemple). Les syndicats ont peu alimenté le débat sauf en ce qui concerne la justice des mineurs plus fortement contestée, notamment par les professionnels. Cette loi témoigne du fait que les juges ont progressivement acquis leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique (un peu partout en Europe), le juge jadis symbole de l’ordre, depuis quelques années, conteste la façon d’exercer le pouvoir. Il fait en conséquence l’objet de suspicion de la part d’une partie du personnel politique. Une tension est née entre les deux groupes dont a pu témoigner Nea Say à l’occasion d’affaires qui ont frappé l’opinion publique. La participation des jurés à l’exercice de la justice peut être perçue comme une tentative de décrédibiliser les magistrats, voire de les stigmatiser. Mais il n’est pas acquis d’avance que les jurés populaires se montreront plus sévères que des magistrats réputés plus laxistes. Expérimentale, la loi va-t-elle s’enraciner rapidement dans la tradition et les pratiques judiciaires ?
Les groupes UMP et du Nouveau centre (NC) ont voté pour. L’opposition a voté contre. Le groupe socialiste, qui estime que plusieurs dispositions sont contraires à la Constitution, a annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel. « Ce texte marque une nouvelle étape dans la volonté du gouvernement de définir une justice pénale plus ouverte, plus proche et plus réactive », a assuré le ministre de la Justice, Michel Mercier. Pour le député socialiste Dominique Raimbourg, en revanche, « c’est une réforme qui porte atteinte à l’égalité des citoyens devant la loi, qui porte atteinte à l’économie de l’ordonnance de 1945 (sur les mineurs), qui porte atteinte à la souveraineté populaire en matière d’assises, qui va rendre la justice plus lente, plus coûteuse, plus compliquée ». D’une façon générale la gauche y voit une opération de communication voulue par le président de la République qui a déclaré vouloir rapprocher les français de la justice.
Le texte prévoit que deux « citoyens assesseurs », tirés au sort sur les listes électorales, siégeront avec les trois magistrats composant les tribunaux correctionnels. Il instaure également un tribunal correctionnel pour mineurs pour les délinquants récidivistes de plus de 16 ans encourant une peine supérieure de trois ans. A la demande de Michel Mercier, il a été décidé de réduire de 9 à 6 en première instance et de 12 à 9 en appel le nombre de jurés des cours d’assises afin de réduire le nombre de « correctionnalisations » et de permettre la tenue de davantage d’audiences. Comme le demandait le ministre de la Justice, un amendement a été rejeté qui, présenté par des députés UMP membres de la Droite populaire et voté en commission des Lois, permettait aux victimes de faire appel en cas d’acquittement du prévenu par la cour d’assises.
Il devrait y avoir, à titre expérimental d’abord, dans un certain nombre de cours d’appel, des tribunaux correctionnels ouverts à des « citoyens assesseurs » qui pourront participer au jugement des délits punis d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement.Tout citoyen français de plus de 23 ans inscrit sur les listes électorales, à l’exception des personnes ayant été condamnées pour un délit, pourra être citoyen assesseur. Les citoyens assesseurs devront par ailleurs présenter des garanties « d’impartialité, d’honorabilité, de probité » établies à partir d’un questionnaire d’informations qu’ils devront remplir. Un courrier de leur mairie informe les intéressés que leur nom a été tiré au sort et qu’ils figurent sur une liste annuelle d’assesseurs. Un autre tirage au sort permet d’affecter chacun aux différentes sessions des tribunaux.
La participation des citoyens assesseurs sera limitée à dix journées dans l’année, sauf si un procès excède cette durée. On ne peut être assesseur qu’une fois tous les cinq ans. Avoir plus de 70 ans, ne plus habiter dans le département de la juridiction, invoquer une maladie, un impératif professionnel ou familial peuvent permettre de se faire dispenser, sur avis d’une commission. Toute absence non justifiée aux audiences est passible d’une amende de 3 750 euros. « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire » parce qu’il est citoyen assesseur, dit la nouvelle loi.
Les jurés d’assises ont actuellement droit à quatre types d’indemnités rémunérant leur présence : indemnité journalière de session, de séjour, de transport, indemnité pour perte de revenu professionnel. En correctionnelle, les citoyens « toucheront entre 108 et 180 euros par jour d’indemnité », avait indiqué au printemps Michel Mercier. Ce montant sera précisément fixé par un décret ultérieur, tout comme les modalités de formation des assesseurs.
Comme les jurés, les citoyens assesseurs pourront être récusés. A l’ouverture de l’audience, ils prononceront un serment. Les citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels pourront poser des questions directement au prévenu, à la partie civile, aux témoins et aux experts. Aux assises, les jurés doivent passer par l’intermédiaire du président.
En savoir plus :
– . Schéma de la procédure législative http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/fonctionnement_justice_penale.asp