Après les sénateurs le 4 juillet, les députés ont entériné, le mercredi 6 juillet, le texte mis au point par une commission mixte paritaire. C’est une réforme paradoxale au regard de l’histoire et des traditions de la gauche politique comme de la droite. Les discussions se sont déroulées dans une relative indifférence (peu de discussions lors des réunions des commissions parlementaires par exemple). Les syndicats ont peu alimenté le débat sauf en ce qui concerne la justice des mineurs plus fortement contestée, notamment par les professionnels. Cette loi témoigne du fait que les juges ont progressivement acquis leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique (un peu partout en Europe), le juge jadis symbole de l’ordre, depuis quelques années, conteste la façon d’exercer le pouvoir. Il fait en conséquence l’objet de suspicion de la part d’une partie du personnel politique. Une tension est née entre les deux groupes dont a pu témoigner Nea Say à l’occasion d’affaires qui ont frappé l’opinion publique. La participation des jurés à l’exercice de la justice peut être perçue comme une tentative de décrédibiliser les magistrats, voire de les stigmatiser. Mais il n’est pas acquis d’avance que les jurés populaires se montreront plus sévères que des magistrats réputés plus laxistes. Expérimentale, la loi va-t-elle s’enraciner rapidement dans la tradition et les pratiques judiciaires ? C’est la justice pour les mineurs qui pose problème et les députés socialistes ont saisi le Conseil Constitutionnel dont un arrêt du 8 juillet vint compliquer la situation.
Les groupes UMP et du Nouveau centre (NC) ont voté pour. L’opposition a voté contre. Le groupe socialiste, qui estime que plusieurs dispositions sont contraires à la Constitution, a annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel. « Ce texte marque une nouvelle étape dans la volonté du gouvernement de définir une justice pénale plus ouverte, plus proche et plus réactive », a assuré le ministre de la Justice, Michel Mercier. Pour le député socialiste Dominique Raimbourg, en revanche, « c’est une réforme qui porte atteinte à l’égalité des citoyens devant la loi, qui porte atteinte à l’économie de l’ordonnance de 1945 (sur les mineurs), qui porte atteinte à la souveraineté populaire en matière d’assises, qui va rendre la justice plus lente, plus coûteuse, plus compliquée ». D’une façon générale la gauche y voit une opération de communication voulue par le président de la République qui a déclaré vouloir rapprocher les français de la justice.
Mais c’est la réforme de la justice des mineurs qui est la plus fortement attaquée, les députés socialistes saisissent le Conseil constitutionnel. Les dispositions « violent la jurisprudence du Conseil qui a introduit les trois grands principes de la justice des mineurs » font-ils valoir. Les députés socialistes, qui dénoncent « la nouvelle tentative du gouvernement de juger les mineurs délinquants comme des adultes », estiment que la partie du texte relative à la justice des mineurs est contraire à la Constitution. « Les dispositions du projet de loi violent la jurisprudence du Conseil, qui a introduit les trois grands principes de la justice des mineurs, des juridictions spécialisées, des procédures spécifiques et un but éducatif dans le bloc de constitutionnalité », affirme le groupe socialiste dans son communiqué. L’objectif affiché est de « réduire les délais de jugement ». Mais les moyens recommandés suscitent la colère des professionnels, qui regrettent de ne pas avoir été consultés et craignent une remise en cause du principe de la primauté de l’éducatif sur le répressif, instauré par l’ordonnance du 2 février 1945. (Cf. infra l’arrêt du Conseil Constitutionnel du 8 juillet dernier qui semble rapprocher justice des mineurs de la justice des adultes majeurs sur la composition du tribunal pour enfant alors que le recours socialiste souhaiterait que les « deux justices » soient distinctes.
Après les sénateurs le 4 juillet, les députés ont entériné, le mercredi 6 juillet, le texte mis au point par une commission mixte paritaire. C’est une réforme paradoxale au regard de l’histoire et des traditions de la gauche politique comme de la droite. Les discussions se sont déroulées dans une relative indifférence (peu de discussions lors des réunions des commissions parlementaires par exemple). Les syndicats ont peu alimenté le débat sauf en ce qui concerne la justice des mineurs plus fortement contestée, notamment par les professionnels, nous venons de le voir. Cette loi témoigne du fait que les juges ont progressivement acquis leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique (un peu partout en Europe), le juge jadis symbole de l’ordre, depuis quelques années, conteste la façon d’exercer le pouvoir. Il fait en conséquence l’objet de suspicion de la part d’une partie du personnel politique. Une tension est née entre les deux groupes dont a pu témoigner Nea Say à l’occasion d’affaires qui ont frappé l’opinion publique. La participation des jurés à l’exercice de la justice peut être perçue comme une tentative de décrédibiliser les magistrats, voire de les stigmatiser. Mais il n’est pas acquis d’avance que les jurés populaires se montreront plus sévères que des magistrats réputés plus laxistes. Expérimentale, la loi va-t-elle s’enraciner rapidement dans la tradition et les pratiques judiciaires ?
Le texte prévoit que deux « citoyens assesseurs », tirés au sort sur les listes électorales, siégeront avec les trois magistrats composant les tribunaux correctionnels. Il instaure également un tribunal correctionnel pour mineurs pour les délinquants récidivistes de plus de 16 ans encourant une peine supérieure de trois ans. A la demande de Michel Mercier, il a été décidé de réduire de 9 à 6 en première instance et de 12 à 9 en appel le nombre de jurés des cours d’assises afin de réduire le nombre de « correctionnalisations » et de permettre la tenue de davantage d’audiences. Comme le demandait le ministre de la Justice, un amendement a été rejeté qui, présenté par des députés UMP membres de la Droite populaire et voté en commission des Lois, permettait aux victimes de faire appel en cas d’acquittement du prévenu par la cour d’assises.
Il devrait y avoir, à titre expérimental d’abord, dans un certain nombre de cours d’appel, des tribunaux correctionnels ouverts à des « citoyens assesseurs » qui pourront participer au jugement des délits punis d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement. Tout citoyen français de plus de 23 ans inscrit sur les listes électorales, à l’exception des personnes ayant été condamnées pour un délit, pourra être citoyen assesseur. Les citoyens assesseurs devront par ailleurs présenter des garanties « d’impartialité, d’honorabilité, de probité » établies à partir d’un questionnaire d’informations qu’ils devront remplir. Un courrier de leur mairie informe les intéressés que leur nom a été tiré au sort et qu’ils figurent sur une liste annuelle d’assesseurs. Un autre tirage au sort permet d’affecter chacun aux différentes sessions des tribunaux.
La participation des citoyens assesseurs sera limitée à dix journées dans l’année, sauf si un procès excède cette durée. On ne peut être assesseur qu’une fois tous les cinq ans. Avoir plus de 70 ans, ne plus habiter dans le département de la juridiction, invoquer une maladie, un impératif professionnel ou familial peuvent permettre de se faire dispenser, sur avis d’une commission. Toute absence non justifiée aux audiences est passible d’une amende de 3 750 euros. « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire » parce qu’il est citoyen assesseur, dit la nouvelle loi.
Les jurés d’assises ont actuellement droit à quatre types d’indemnités rémunérant leur présence : indemnité journalière de session, de séjour, de transport, indemnité pour perte de revenu professionnel. En correctionnelle, les citoyens « toucheront entre 108 et 180 euros par jour d’indemnité », avait indiqué au printemps Michel Mercier. Ce montant sera précisément fixé par un décret ultérieur, tout comme les modalités de formation des assesseurs.
Comme les jurés, les citoyens assesseurs pourront être récusés. A l’ouverture de l’audience, ils prononceront un serment. Les citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels pourront poser des questions directement au prévenu, à la partie civile, aux témoins et aux experts. Aux assises, les jurés doivent passer par l’intermédiaire du président.
Intervention du Conseil constitutionnel français sur la composition du tribunal pour enfants. C’est une décision fondamentale qu’a rendue le Conseil constitutionnel le 8 juillet dernier. Les tribunaux pour enfants (TPE) au nombre de 145 rendent chaque année un peu moins de 40 000jugements chaque année. Les principes d’organisations remontent à 1945 et sont fondés sur les principes de protection de l’enfance et de recherche de la réponse éducative. En pratique c’est toujours le même juge qui instruit l’affaire dont il est saisi par le procureur puis qui juge le mineur, cette continuité devant permettre une meilleure connaissance du mineur délinquant ou criminel le mettant en position d’apporter la meilleure réponse une réponse individualisée, éducative ou pénale. C’est une protection supplémentaire a-t-on jugé. La justice des mineurs repose donc sur deux principes fondamentaux : l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher le « relèvement éducatif et moral » des enfants délinquants par des mesures adaptées à son âge et à sa personnalité. Lors de l’examen de la loi LOPSI ( loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure) le Conseil constitutionnel a le 10 mars dernier censuré deux articles (peines planchers) au nom de la spécificité de la justice des mineurs et des protections particulières auxquelles ils ont droit.
Mais dans sa décision du 8 juillet le Conseil constitutionnel estime que les mineurs ont droit à d’autres protections: principe d’impartialité des juridictions. Au nom de ce principe le juge d’instruction « ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de jugé ». Le cumul des fonctions d’instruction et de jugement n’est pas compatible avec le principe d’impartialité des juridictions et cela est vrai pour le renvoi du mineur devant un tribunal pour enfant ce qui va nécessiter l’abrogation de l’ordonnance de 1945, mais le Conseil constitutionnel, prudent, donne une échéance conduisant à 2013.
Quelle incidence cette décision peut avoir sur la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice et le jugement des mineurs dont le Conseil constitutionnel vient précisément d’être saisi par les parlementaires socialistes ? Dans leur recours ces derniers estiment que la loi adoptée deus jours plus tôt fait exception à l’exigence d’une juridiction spécialisée pour les mineurs. A cette occasion est crée un tribunal correctionnel pour mineurs de 16 ans composé d’un président juge pour enfants et de deux magistrats non spécialisé dans l’enfance, auxquels s’ajoutent, dans sa formation citoyenne, deux citoyens assesseurs. C’est là appliquer à la procédure de jugement de mineurs la procédure applicable aux majeurs, contestent les parlementaires socialistes. Or la décision du Conseil constitutionnel vient de franchir un pas sur la voie du rapprochement des deux procédures s’agissant de mineurs ou de majeurs.
Tout cela se terminera, peut-être, devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui donnera le ton comme dans le cas de la garde à vue, relayée maintenant par la Commission européenne. (cf. autre information)
En savoir plus :
– . Schéma de la procédure législative http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/fonctionnement_justice_penale.asp
-. Communiqué de presse du Conseil Constitutionnel http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2011/2011-147-qpc/communique-de-presse.98418.html
-. Décision du Conseil constitutionnel concernant la composition du tribunal pour enfants http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2011/2011-147-qpc/decision-n-2011-147-qpc-du-08-juillet-2011.98417.html
-. Dossier documentaire http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2011147QPCdoc.pdf