C’est le titre d’un ouvrage qui vient de paraitre (1), c’est un thème abordé à plusieurs reprises par Nea say. Un premier constat : il s’agit d’un thème que les européens répugnent à aborder, de façon inexplicable. Leur réflexion cale lorsqu’elle est mise en présence d’une telle problématique. Or cette perspective devrait être un précieux stimulant : le monde a besoin de l’Europe, tout autant l’Europe a besoin du monde. A ce jour les européens ne se sont pas investis avec suffisamment d’énergie et leurs considérations sur la mondialisation (les premières remontent à octobre 2007(2), sans parler de la déclaration de Copenhague de 1973 sur l’identité de l’Europe) ont vite fait long feu. Une telle réflexion ne saurait d’ailleurs se confondre complètement avec celle concernant la mondialisation qui se concentre pour l’essentiel sur les échanges commerciaux, financiers, les investissements et la production de biens et services. « Un monde sans Europe ? » relève plus de la géopolitique, mais cette réflexion ne peut ignorer les données économiques comme celle-ci, par exemple, la croissance économique dépendait pour 20% , il y a plus ou moins 15 ans, des pays émergents. Aujourd’hui c’est 50% ! et le phénomène s’accélère.
Les tentatives comme celles de Nicole Gnesotto (oui l’Europe a un avenir stratégique !) n’ont pas rencontré les réactions qu’elles méritaient. Dommage ! Pourtant l’Europe a un potentiel politique, culturel, historique pour tenir pleinement son rôle. Avec le Traité de Lisbonne elle a une magnifique boîte à outils, certes un peu surréaliste ou baroque, mais cela n’a pas d’importance puisqu’il fonctionne et comble ses besoins pour au moins les dix ans à venir. Commençons par épuiser toutes les possibilités contenues dans le Traité de Lisbonne.
L’Union européenne ignore la perception qu’on les autres de ce qu’elle est. Or cette perception est largement positive, tout comme les Nations Unies. La perception des grandes organisations supranationales comme l’Union européenne et les Nations Unies est positive, très favorable : c’est la récente enquête du Pew Research Center qui souligne le fait (Favorability Ratings) et rapprocher ces deux grandes organisations, pourtant si différentes, est significatif. Leur capacité à structurer la vie internationale est importante. Mais en Europe, qui le sait et surtout qui en tirera les conséquences ?
Le vrai problème, aujourd’hui, est sans doute que pour les Européens, ni la nécessité ou l’utilité, ni la définition de la puissance ne sont clairement perçues. La réaction britannique de refus violent et renouvelé, apparemment définitif, d’un quartier général militaire européen à Bruxelles, en est un exemple parmi d’autres. Du même ordre, le refus de se doter des ressources budgétaires appropriées ce qui fait dire à Alain Lamassoure que si les Etats vivent au-dessus de leurs moyens, par contre l’Europe vit en-dessous de ses moyens. C’est la perte de vue qu’un euro dépensé au niveau européen rapporte plus qu’un euro dépensé au niveau national et par ailleurs l’euro dépensé au niveau européen peut entraîner des économies sur le plan national. Les exemples ne manquent pas et les Cours des comptes nationales devraient être plus attentives à ce phénomène. Parallèlement « les autres » augmentent leurs efforts et leurs ambitions. Or l’Europe possède un potentiel important, sinon de contrainte, du moins de persuasion, de dissuasion et d’influence, de séduction qu’elle néglige alors qu’ils sont censés être les points forts de l’Europe.
Beaucoup de réflexions utiles et pertinentes ont été produites sur la capacité normative de l’Union européenne. Le temps est passé où elle pouvait déterminer, seule avec les Etats-Unis, les règles du jeu multilatéral, mais ce n’est pas une raison pour se les laisser imposer par d’autres ou pire pour se résigner à l’absence de règles internationales. Avec les sommets du G20, un effort (un peu désordonné) est fait mais bien insuffisant, la pleine mesure du phénomène n’est pas encore prise en considération.
L’Europe a incontestablement une identité propre, d’ailleurs plus intensément perçue pas ceux qui n’en font pas partie que par les européens eux-mêmes. Mais il lui manque l’élan vital, la confiance en soi, l’ambition et paradoxe des paradoxes, la conscience de son unité. C’est une ambition européenne qu’il faut faire revivre. Sans doute cette Europe sera celle de quelques uns, ceux qui le veulent et qui le peuvent pour reprendre une formule récemment consacrée. Chercher à exister, seul, fragilise le pays le mieux intentionné. La stratégie « Europe 2020 » saura-t-elle libérer et faire converger les énergies européennes ? Peut-être, à condition d’avoir les ressources budgétaires. La marche en avant et résolue vers un certain fédéralisme budgétaire sera révélateur à cet égard. Cette marche est engagée, mais se poursuivra-t-elle et à quel rythme ? L’Europe sera-t-elle vite essoufflée ? L’habitude de coopérer, les contraintes économiques peuvent à long terme faire évoluer les mentalités, fussent-elles britanniques. Les problèmes liés au climat, à l’énergie, à la crise du nucléaire, aux migrations, à la transition démocratique sur la rive sud de la Méditerranée, à la volatilité des prix des matières premières, à la sécurité alimentaire, d’autres encore sont autant d’incitations puissantes, d’opportunités exceptionnelles.
Un constat les démocraties pluralistes sont lentes et à fortiori lorsqu’on est 27 et cette lenteur, dont il faut prendre son partie, entre en collision avec la durée tolérée par les opinions publiques. C’est toute une pédagogie à entreprendre que nos médias sont bien incapables de pratiquer.
Bonnes vacances
(1) Un monde sans Europe ? préface de Pierre Hassner ED. Fayard
(2) L’intérêt européen réussir le défi de la mondialisation. Contribution de la Commission à la réunion d’octobre 2007 des chefs d’Etat et de Gouvernement ;