Un nouvel Agenda pour l’intégration des migrants légaux. Aura-t-il plus de succès que le précédent ? La réussite est un impératif : la non intégration des migrants a un coût économique ! Ne pas gaspiller les talents existants !

La Commission vient de transmettre une communication pour l’intégration des « ressortissants étrangers », curieuse terminologie du titre pour parler, dans les faits, des immigrés légaux. La Commission s’en tient, non sans raison à son concept central de l’intégration comme moteur de développement économique et de la cohésion social.

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Cette communication se veut « une contribution au débat », mais tout n’a-t-il pas déjà était dit ? Cette communication, bonne dans son contenu et couvrant de façon exhaustive tous les aspects du problème et parfois de façon détaillée, n’apporte rien qui ne soit déjà connu. Il existait déjà un cadre adopté par le Conseil en 2004 : « toutes les actions présentées par la Commission dans l’agenda commun ont été menées à bien », nous dit-on. Formule audacieuse qui ne va convaincre personne : ni  les lecteurs de Nea Say qui ont lu la présentation du dernier rapport (SEC (2010) 357 final), ni la Commission elle-même qui dans la même phrase  reconnait  que « les mesures d’intégration n’ont pas toutes atteintes leurs objectifs » et le document de travail, annexé à la communication (SEC(2011)957 final) riches en informations de toutes natures, confirme selon la Commission elle-même la persistance des « défis les plus pressants ».

Ces défis les plus pressants ne sont pas mineurs à en juger par la liste donnée :

      -. le faible taux d’emploi actuel des migrants, en particulier les femmes ;

      -. l’augmentation du chômage et les niveaux élevés des surqualifications ;

      -. l’augmentation des risques d’exclusion sociale ;

      -. les écarts grandissants des niveaux d’éducation ;

      -. les inquiétudes de la population quant au manque d’intégration des migrants.

Les recommandations et suggestions des domaines d’action contenues dans la communication vont-elles connaître à l’avenir un sort meilleur que celles formulées dans le passé ? Souhaitons le tant leur permanence  lancinante dans la vie de tous les jours perturbe gravement notre bien être, notre bien vivre, la sérénité des débats politiques, la croissance de nos économies. La réussite n’est pas garantie.  L’introduction dans le Traité de Lisbonne d’une nouvelle disposition juridique concernant le soutien  par  l’UE de l’action visant à favoriser l’intégration des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans les Etats membres, ne constitue pas  en soi une assurance.

 Ne rassure pas davantage l’appel à trouver « le moyen de mieux s’accommoder de la diversité et du multiculturalisme  de ses sociétés en rendant l’intégration  des migrants plus efficace » pour tirer pleinement patrie des avantages des migrations. Or c’est là que se trouve la pierre d’achoppement que souligne bien l’excellent Eurobaromètre conduit par la Commission entre mars et avril de cette année sur ce même sujet. Il signale bien la difficulté fondamentale : citoyens européens et migrants sont d’accord pour faire un effort et  cet effort est nécessaire ; mais l’ordre des priorités n’y est pas : pour les citoyens européens la première priorité  est parler la langue, puis avoir un travail, respecter les cultures locales, enfin avoir un statut légal, pour les immigrés la première priorité est identique, parler la langue, mais les autres ont un ordre différent , d’abord avoir un statut légal, puis avoir un travail, enfin respecter les cultures légales. Par ailleurs l’enquête révèle que les européens d’origine ont peur que les immigrants prennent leur travail et de leur côté les migrants redoutent de n’avoir comme travail que celui que les européens ne veulent pas. L’enquête révèle aussi une grande confusion et méconnaissance entre migrants légaux et immigrants illégaux. Les stéréotypes négatifs concernant les deux communautés ont une emprise forte au point de bloquer toute évolution. Les uns et les autres s’accordent pour rendre responsables les médias de créer et entretenir ces stéréotypes négatifs. Or c’est  cet aspect qui est le plus mal traité dans la communication et le document de travail annexé.

L’intégration  des migrants légaux est une pièce importante de la Stratégie Europe 2020, rappelle la communication. La Stratégie Europe 2020 reconnaît pleinement le rôle positif que pourraient jouer les migrations dans l’émergence d’une économie  compétitive et durable, el le définit comme objectif politique clair la bonne intégration des migrants en situation régulière, sur la base du respect et de la promotion des droits de l’homme. Leur succès commun est lié et la bonne intégration des migrants constituerait une contribution importante pour la réalisation des objectifs fixés : porter à 75% le taux d’emploi, réduire les taux de décrochage scolaire à moins de 10%, augmenter la proportion des personnes diplômées de l’enseignement supérieur, sortir 20 millions de personnes de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

La Commission insiste à juste titre sur la nécessité d’un plus grand nombre d’actions locales : « les politiques d’intégration devraient être formulées et mises en œuvre avec la participation active des autorités locales. Celles-ci sont responsables d’un large éventail de services et d’activités, et elles jouent un rôle important dans la forme que revêtent les interactions entre les migrants et la société d’accueil ».

La Commission européenne connait bien ses limites : il n’est pas question de légiférer ou d’harmoniser. Comment d’ailleurs pourrait-on le faire dans la pratique ? Il n’appartient pas « à l’Union européenne de déterminer les stratégies d’intégration, elle peut établir un cadre pour le suivi, l’évaluation comparative et l’échange des bonnes pratiques et créer des incitations à l’aide des instruments financiers européens. »  C’est là tout le problème, le même que celui qui a affecté la gouvernance économique : comment obtenir des résultats mesurables ou non dès lors qu’il n’y a pas de contraintes ou de sanctions ?

Subsiste un sentiment diffus de retrait par rapport au « pacte européen pour l’immigration » qui avait fait le choix de « l’immigration concertée », la formule de  « l’immigration choisie », n’ayant pas été retenue par les chefs d’Etat ou de gouvernement. La Charte qui est apparue alors comme une avancée significative, n’est jamais citée, comme ne sont jamais citées les deux conférences  de Vichy et Saragosse sur l’intégration des migrants organisées par la présidence française et présidence espagnole.

Certes la participation des pays d’origine n’est pas perdue de vue, mais elle ne semble pas avoir la même ampleur et la même visibilité qu’il y a quatre ans au moment du lancement et de la tenue des grandes conférences. La Commission rappelle que les pays d’origine peuvent jouer un rôle pour favoriser le processus d’intégration, et ce, de trois manières :

      -. en préparant l’intégration avant même le départ des migrants ;

      -. en soutenant les migrants lorsqu’ils sont dans l’UE, par l’intermédiaire des ambassades et consulats ;

      -. en préparant le retour temporaire ou définitif des migrants ayant acquis de l’expérience et des connaissances.

Les migrations circulaires, le développement des pays d’origine par les contacts bénéfiques entre les communautés issus de la diaspora et leur pays d’origine ne sont pas passés sous silence. Pour aider les personnes désirant émigrer vers l’UE à accéder aux informations nécessaires sur les procédures de demandes, la Commission lancera cette année un « portail de l’Union européenne sur l’immigration ». Il s’agit là de la simple réitération d’une annonce déjà faite dans le passé.

Plus significatif, sans doute, est la création d’un boîte à outils » annonce à laquelle la Commission semble attacher beaucoup d’importance. Pour renforcer la coordination et l’échange des connaissances, elle annonce «  une panoplie flexible d’outils » pour permettre aux autorités des Etats membres de choisir les mesures qui ont le plus de chance de donner de bons résultats. Des modules sont entrain d’être conçus. Ils s’appuierons sur les expériences de tous les acteurs et devront s’adapter aux besoins spécifiques de chacun : Etat, région, ville. Ils constitueraient le cadre de référence pour la conception et la mise en œuvre de pratiques d’intégration dans trois domaines : langues, engagement massif de la société d’accueil, participation active des migrants à tous les aspects de la vie collective.

Au bout du compte ce sera le contrôle des résultats  qui fera la décision. Des indicateurs existent mais encore faut-il qu’ils soient utilisés. Education, emploi, inclusion sociale, citoyenneté active reste les maître-mots.

Pour en savoir plus :

http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/index_en.htm

      -. Communication de la Commission (FR) http://ec.europa.eu/home-affairs/news/intro/docs/110720/1_FR_ACT_part1_v3.pdf

 (EN) http://ec.europa.eu/home-affairs/news/intro/docs/110720/1_EN_ACT_part1_v10.pdf

     -. Document de travail de la Commission (EN) http://ec.europa.eu/home-affairs/news/intro/docs/110720/1_EN_autre_document_travail_service_part1_v5.pdf

      -. Portail européen sur l’intégration:  http://ec.europa.eu/ewsi

      -. Enquête qualitative Eurobaromètre :  http://ec.europa.eu/public_opinion/whatsnew2011_fr.htm

      -. Rapport du réseau européen des migrations: «Répondre à la demande de main-d’œuvre par l’immigration» (Satisfying Labour Demand through Migration) http://ec.europa.eu/home-affairs/policies/immigration/docs/Satisfying_Labour_Demand_Through_Migration_FINAL_20110708.pdf

 

      -. Résumé de la communication par les services de la Commission.

Les immigrés bien intégrés sont un enrichissement économique et culturel pour l’Union :  la Commission a adopté l’«Agenda européen pour l’intégration des ressortissants de pays tiers» en vue de valoriser davantage les apports économiques, sociaux et culturels des migrations en Europe. Cet agenda insiste sur la pleine participation des migrants à tous les secteurs de la vie des collectivités et souligne le rôle crucial des autorités locales à cet égard.

Pour Cecilia Malmström, membre de la Commission et commissaire chargée des affaires intérieures,  «La réussite de l’intégration implique que les migrants aient la possibilité de participer pleinement à la vie de leur nouvelle communauté. Apprendre la langue du pays d’accueil, avoir accès à l’emploi et à l’enseignement, avoir la capacité socioéconomique de subvenir à ses besoins sont autant d’éléments primordiaux contribuant à une intégration réussie. Or, jusqu’ici, l’intégration des migrants en Europe n’est pas très concluante. Nous devons tous faire davantage d’efforts, par égard pour les personnes qui arrivent ici, mais aussi dans notre intérêt, car des immigrés bien intégrés constituent un atout pour l’Union européenne, compte tenu de l’enrichissement culturel et économique qu’ils apportent à nos sociétés.»

Une enquête qualitative Eurobaromètre consacrée à l’intégration, réalisée au printemps dernier, a également été présentée . Elle a permis des échanges de vues entre les citoyens de l’Union et les migrants et révèle qu’ils partagent certains avis en matière d’intégration. Un large consensus se dégage quant à l’importance d’une interaction au travail et dans les écoles et quant à l’apport positif des immigrés à la culture locale. Les deux groupes interrogés s’accordent sur les éléments qui favorisent l’intégration: être capable de parler la langue du pays, trouver un travail et comprendre la culture locale. Les citoyens de l’Union et les migrants qui ont participé à l’enquête conviennent également qu’il faut redoubler d’efforts, de part et d’autre, pour tirer parti de l’immigration. Les connaissances linguistiques insuffisantes des migrants et la ségrégation qu’ils subissent dans les quartiers défavorisés sont considérées comme les principales entraves à leur intégration. Ces questions appellent une action résolue et cohérente de la part de tous.

Si elle est bien gérée, la diversité qui résulte des migrations peut constituer un avantage concurrentiel et une source de dynamisme pour les économies européennes. Si l’Union veut atteindre son objectif, à savoir relever le taux d’emploi à 75 % d’ici 2020, elle doit impérativement supprimer les entraves qui empêchent les migrants d’accéder à l’emploi, et ce d’autant plus que la main-d’œuvre européenne s’amenuise en raison du vieillissement de la population, qui constitue un défi pour l’Union. La main-d’œuvre de l’Union diminuera d’environ 50 millions de travailleurs d’ici 2060 par rapport à 2008: en 2010, on comptait 3,5 personnes en âge de travailler (20-64 ans) pour une personne de 65 ans ou plus. En 2060, ce ratio devrait être de 1,7 pour 1. En ce qui concerne la demande future de personnel soignant pour les personnes âgées, dans la stratégie qu’elle a présentée en 2010 pour des compétences nouvelles et des emplois nouveaux, la Commission estime ainsi que, d’ici 2020, le secteur de la santé connaîtra une pénurie d’environ un million de praticiens, voire deux millions si l’on tient compte du personnel des services auxiliaires.

L’élément fondamental de ce processus consiste à faire en sorte que les migrants bénéficient des mêmes droits et assument les mêmes responsabilités que les citoyens de l’Union. Les discriminations et l’absence de reconnaissance des diplômes et expériences acquis en dehors de l’Union comptent parmi les obstacles qui exposent les migrants au chômage, au sous-emploi et à l’exploitation.

L’intégration doit débuter là où les personnes se rencontrent tous les jours (sur le lieu de travail, dans les écoles, les lieux publics, etc.). Les mesures destinées à renforcer la participation démocratique devraient consister à dispenser des formations et à recourir au tutorat, à faciliter le vote des migrants aux élections locales, à créer des organes consultatifs locaux, régionaux et nationaux, ou à encourager l’entrepreneuriat, la créativité et l’innovation.

L’acquisition de compétences linguistiques permet de décrocher un meilleur emploi, contribue à l’établissement de contacts sociaux et rend les migrants indépendants. Elle revêt une importance particulière pour les femmes immigrées qui, faute de ces connaissances, peuvent être très isolées. L’Agenda européen pour l’intégration souligne que les cours de langue et les programmes d’introduction doivent être abordables financièrement et accessibles géographiquement.

Le processus d’intégration requiert une étroite collaboration entre, d’une part, les administrations nationales, qui restent chargées de définir leurs politiques d’intégration, et, d’autre part, les autorités locales ou régionales et les acteurs non gouvernementaux, qui mettent en œuvre les mesures d’intégration sur le terrain. L’Union soutient ces mesures en recourant à ses instruments actuels et ses financements futurs devraient être davantage axés sur la promotion de l’intégration à l’échelon local.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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