Une famille de Roms en rétention administrative a été libérée le dimanche 21 août par un juge des libertés et de la détention (JLD). Il avait estimé « inhumain et dégradant » le traitement que cette famille a subi. A nouveau le tribunal de Rouen confirmait la décision du tribunal de Lille, mais qu’importe, l’administration préfectorale prenait de vitesse la justice et expulsait le 5 septembre les familles, aux premières heures de la matinée !
Arrêtés à Clermont-Ferrand, le 17 août, la mère de famille enceinte de plus de quatre mois après avoir perdu un enfant mort-né en février, son mari et leurs trois enfants, avaient été transférés au centre de rétention de Lesquin (Nord) près de Lille, après un voyage long (une dizaine d’heures) et pénible. Le juge a estimé que le risque pour le bébé « est totalement disproportionné, au regard de l’objectif de l’éloignement poursuivi par les autorités françaises ».
A nouveau, le tribunal administratif de Rouen a annulé , le lundi 5 septembre jour de rentrée scolaire, les arrêtés préfectoraux de placement en rétention. Une décision sans effet , le recours n’étant pas suspensif, l’administration préfectoral a pris de cours la justice en expulsant par avion des familles vers la Serbie aux premières heures de la matinée. Le contrôle juridictionnel sur la rétention administrative n’est pas efficace, la loi Besson qui vient d’être adoptée aurait-elle été faite pour empêcher les juges de faire leur travail ?
Pour annuler la première décision préfectorale la tribunal administratif de Lille s’était fondée sur la directive européenne, notant que les deux familles avaient un domicile, quatre enfants étaient scolarisées et le tribunal avait jugé les garanties de représentation suffisantes et le placement en rétention « disproportionné au regard des objectifs poursuivis », en l’occurrence une obligation de quitter le territoire.. C’est le signe d’un durcissement de l’Etat que l’administration utilise toutes les possibilités de la loi Besson. C’est d’ailleurs le sens d’une intervention récente du Ministre de l’intérieur Claude Guéant déclarant le 8 août « grâce aux instruments nouveaux que donne la loi immigration-intégration (…) nous pouvons être plus efficaces ». Sur ce point la loi française est plus dure que la directive européenne.
Une fois de plus : qu’attend le Parlement européen pour forcer la Commission à se prononcer sur la validité de la transposition de la directive européenne. Une fois de plus va-t-on se cacher derrière une tradition qui veut qu’en période électorale on ne demande pas des explications à un Etat membre ? Ce serait une curieuse conception de l’Etat de droit ! Pas de commentaires du côté des autorités françaises si non qu’un recours n’est pas suspensif de la mesure contrairement à ce que prévoit la directive européenne dite « directive retour ». La CIMADE parle d’une justice d’exception. Le juge judiciaire est considéré comme un obstacle. La loi vise à éviter le contrôle du juge judiciaire, soit à restreindre ses possibilités de sanctionner des irrégularités dans le déroulement des procédures, afin d’éviter la remise en liberté d’étrangers dont les droits n’auraient pas été respectés. La loi Besson complique et entrave l’intervention du juge judiciaire.
L’intervention des autorités européennes devient urgente comme en témoigne l’affaire du tramway réquisitionné en région parisienne pour expulser de force une communauté Rom bulgares et roumains de 150 personnes. Les conditions dans lesquelles la réquisition est intervenue restent controversée s quant à la responsabilité du donneur d’ordre, mais cela est secondaire par rapport à son aspect choquant car rappelant aussi de sombres souvenirs (la rafle dit du Vel d’Hiv qui vit en 1942 les autobus parisiens être réquisitionnés pour déporter la population parisienne d’origine juive pour être ensuite déportée) comme l’a souligné l’ensemble de la presse. Deux députées européennes, Catherine Trautmann et Sylvie Guillaume ont saisi au travers d’une question écrite Viviane Reding. Pour les deux députées « les transports publics ne doivent en aucun cas être utilisés pour déplacer des familles contre leur gré (…) ce que nous voulons indiquer c’est que des actions uniquement répressives ne règlent absolument rien et ne font que repousser ailleurs des populations précaires et discriminées. Nous demandons une nouvelle fois à la Commission de prendre ses responsabilités après que Viviane Reding ait fait preuve de fermeté l’an dernier et présenté un plan d’action (…) L’intégration sociale des Roms est un sujet éminemment européen et des solutions existent. En lieu et place de telles stigmatisations, c’est bien d’accès à l’emploi, au logement et à l’école dont les Roms ont besoin ».
Ces deux cas sont de nature différente, mais tous les deux appellent une réaction rapide des institutions européennes et une clarification définitives de ces situations .