Cet accord si controversé qui a enflammé le Parlement européen (cf.Dossier de Nea say) vient d’être signé, mardi 4 octobre, selon un communiqué conjoint. Les pays signataires (Etats-Unis, Australie, Canada, Corée du Sud, Japon, Maroc, Nouvelle-Zélande et Singapour) sont dans l’attente des trois autres acteurs des négociations (Union européenne, Mexique et Suisse) qui n’ont pas apporté leur signature. L’Union européenne doit rejeter de Traité pour violation des droits fondamentaux ont conclu les verts. Leur voix ne restera pas isolée.
L’objectif affiché de ce traité est, selon le communiqué, « [d’]améliore[r] la coopération internationale et [de] cont[enir] des standards internationaux efficaces pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle ». Ce respect passe par une plus grande sévérité envers la contrefaçon physique et numérique. Sur le plan numérique, l’objectif est de renforcer les sanctions contre la distribution d’œuvres protégées et le contournement de mesures techniques de protection par une législation plus stricte et une meilleure coopération internationale. Des versions précédentes, publiées en 2010, évoquaient notamment la surveillance des contenus par les fournisseurs d’accès Internet, piste abandonnée depuis.
Ce texte, accusé de porter atteinte aux libertés numériques, suscite la division au sein du Parlement européen. En septembre 2010, la déclaration no 12, signée par la majorité des députés européens, prenait le contre-pied des mesures répressives inscrites dans l’ACTA. Une déclaration de principe contredite deux mois plus tard par une résolution affirmant l’accord des parlementaires avec le projet international. Débuté en octobre 2007, le projet a nécessité plusieurs tours de négociation à huis clos. Le onzième et dernier, qui a eu lieu à Tokyo en septembre 2010, devait déboucher sur une version finalisée. Depuis, deux documents ont été rendus publics par l’Union européenne, en novembre 2010 (PDF) et mai 2011 (PDF). L’assouplissement des mesures apporté par les dernières versions serait fraîchement accueilli, autant par les ayants droit que par les organisations non gouvernementales.
Le caractère secret des négociations est également fortement critiqué. Menées hors de tout cadre international officiel, (l’OMC est entièrement en dehors du coup) elles impliquent à la fois des représentants nationaux et de groupes d’intérêts, avec une place minime pour les organisations de défense des citoyens. Une très large majorité des députés européens a d’ailleurs réclamé, en mars 2010, une plus grande transparence à la Commission européenne. Les signatures, selon la dernière version de l’accord publiée en mai 2011, sont ouvertes jusqu’en mai 2013. Pour l’Union européenne , cette signature s’annonce laborieuse : pour s’en convaincre il suffit de prendre connaissance des travaux du groupe des Verts
Désormais entré dans un long processus de ratification par les pays signataires, ce texte qui a déjà subi un revers important au Sénat mexicain en juin dernier, est loin d’avoir acquis un appui suffisant au Parlement européen qui devra donner son aval formel en vertu des pouvoirs que lui a donnés le traité de Lisbonne.. Bon nombre de députés, dont les Verts en première ligne, sont déterminés à obtenir son retrait. Ils n’hésiteront pas à recourir à la Cour de Justice
Alors que samedi 1er octobre s’est ouvert au Japon le processus de signature de l’Accord anti-contrefaçon ACTA, une nouvelle étude (réalisée à la demande du Groupe des Verts européens) dénonce aujourd’hui l’incompatibilité du texte avec le droit européen, cette fois au regard de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Rédigée par MM. Douwe Korff (Professeur de droit international à la London Metropolitan University) et Ian Brown (Senior Research Fellow à l’Oxford Internet Institute – University of Oxford), l’étude relève que les mesures, en matière de propriété intellectuelle, que contient le Traité ACTA sont disproportionnées et violent de nombreux droits fondamentaux. Notamment, le Traité ne garantit pas de procédure équitable, telle qu’exigée aux articles 6 et 47 de la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux. Au premier rang des combattants, toujours les mêmes, Sandrine Bélier et jan Philipp Albrecht qui soulignent dans un communiqué commun les arguments suivants :
« Cette étude montre encore que le traité ACTA viole les obligations en matière de droits fondamentaux. Encourager la coopération entre les fournisseurs d’accès à Internet et l’industrie des contenus va trop loin dans le développement de polices privées. Il viole le droit à une procédure judiciaire équitable. ACTA permet également la surveillance des utilisateurs d’Internet, sans soupçon initial, le transfert de leurs données personnelles à des ayants droits sur simple requête, ainsi que le transfert de ces données vers des pays tiers, dont certains ne disposent pas de politique adéquat de protection des données. »
« Violations au droit à un procès équitable, à la protection des données et de la vie privée, au libre accès à l’information et libre diffusion des connaissances : autant de violations qui rendent l’Accord incompatible avec le droit européen en matière de protection des droits de l’Homme. A ce stade, le Parlement européen doit apposer son veto à l’Accord et, a minima, saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne afin que celle-ci rende un avis définitif sur le texte. Et j »invite la Commission et le Conseil à suspendre toute négociation et mettre un terme à un processus indigne des valeurs de l’Union Européenne. »
-. Communiqué conjoint http://www.ustr.gov/about-us/press-office/press-releases/2011/october/joint-press-statement-anti-counterfeiting-trade-ag
-. Dossier Nea say (20 articles) http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?q=acta&Submit=%3E
-.Texte de l’étude (EN) http://www.greens-efa.eu/fileadmin/dam/Documents/Studies/ACTA_fundamental_rights_assessment.pdf