Demander à un fournisseur d’accès à Internet de filtrer ou bloquer des communications électroniques pour protéger des droits d’auteur viole le droit communautaire, a affirmé la Cour de justice de l’Union européenne ce jeudi 24 novembre. Une telle injonction à un fournisseur d’accés lui imposerait d’exercer une surveillance active de l’ensemble des données des clients, en violation de la directive sur le commerce électronique et des droits fondamentaux des clients. Par ailleurs une telle injonction contreviendrait à l’exigence d’assurer un juste équilibre entrte, d’une part, le respect du droit de propriété intellectuelle et, d’autre part, la libre entreprise, la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir et de communiquer des information.
Les opposants au filtrage vont se réjouir de la décision prise par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) ce jeudi 24 novembre. En substance, cette dernière affirme qu’une telle mesure a des conséquences drastiques sur la liberté d’expression et la vie privée des internautes et qu’elle représente une atteinte aux droits fondamentaux des citoyens européens.
La CJUE a été sollicitée pour trancher dans une affaire opposant le fournisseur d’accès à Internet (FAI) belge Scarlet à la société de gestion des droits d’auteur Sabam, l’équivalent belge de la Sacem. En 2004, la Sabam a constaté que des internautes clients de Scarlet téléchargeaient sur Internet, sans autorisation et sans paiement de droits, des oeuvres reprises dans son catalogue en passant par des réseaux «peer-to-peer». A la demande de la société de gestion des droits d’auteur, un tribunal belge a donc ordonné à Scarlet de bloquer les échanges de fichiers chez ses clients qui téléchargeaient des œuvres musicales du répertoire de la Sabam. Scarlet a fait appel, et le juge belge a renvoyé l’affaire à la Cour de justice de l’Union européenne, qui a déclaré ce jeudi illégales les obligations faites aux FAI de surveiller les communications de leurs clients pour bloquer les échanges de contenus piratés.
La Cour s’oppose ainsi au filtrage global de la Toile qui «imposerait une surveillance générale» et «ne respecterait pas les droits fondamentaux» des internautes, à savoir «leur droit à la protection des données à caractère personnel ainsi qu’à leur liberté de recevoir ou de communiquer des informations, ces droits étant protégés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.» Si le droit d’auteur a été reconnu par la CJUE, il n’est pas supérieur aux autres droits fondamentaux, a estimé la justice européenne.
Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net, organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet et à la pointe du combat contre Hadopi notamment au niveau du Parlement européen, a salué la décision de la CJUE, qu’il qualifie d’«historique». «A l’heure d’une large offensive contre le partage de la culture en ligne, cette décision montre que les mesures de censure exigées par l’industrie du divertissement sont un moyen disproportionné et illégitime de faire appliquer un droit d’auteur dépassé, a-t-il déclaré dans un communiqué. Cet arrêt rappelle qu’au lieu d’encourager une escalade répressive, les décideurs publics européens doivent engager une véritable réforme du droit d’auteur, à même de protéger les libertés des citoyens.» http://www.laquadrature.net/node/4887
-.Communiqué de presse de la Cour : http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2011-11/cp110126fr.pdf
-. Texte de l’arrêt (FR) http://curia.europa.eu/jurisp/cgi-bin/gettext.pl?where=&lang=fr&num=79888875C19100070&doc=T&ouvert=T&seance=ARRET