La Cour de Justice européenne remet en cause le règlement « Dublin II » pour les demandeurs d’asile

Ce que les États ont refusé de faire, la Cour de Justice leur impose donc sans ménagement au nom du respect de la Charte de l’UE qui s’impose à la législation européenne depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Un demandeur d’asile ne peut pas être transféré vers un Etat de l’UE où il risque d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants a jugé la Cour le 21 décembre (aff. C-411/10 et C-493/10)

La Grèce, c’est bien connu, est la porte d’entrée dans l’Union européenne de 90 % des immigrants illégaux qui, soit cherchent de meilleures conditions de vie, soit veulent obtenir l’asile parce qu’ils sont persécutés dans leur pays d’origine. Mais la Grèce  n’a ni les moyens, ni les infrastructures, ni la volonté politique également  pour traiter seule cet afflux et l’immigration est encore moins une priorité depuis que la crise de la dette souveraine ravage le pays. Résultat : les étrangers subissent souvent des « traitements inhumains et dégradants » et les demandes d’asile se voient opposées la plupart du temps un refus pur et simple. Nea say a décrit à plusieurs reprises la situation et les tentatives pour y remédier.

Les étrangers, une fois entrés dans l’Union par la Grèce,  se dépêchent de se rendre dans un autre pays, généralement avec lequel ils ont des liens culturels ou familiaux, pour y déposer leur dossier de demande d’asile. Mais, rappelons le,  le règlement de Dublin II du 18 février 2003, qui transcrit dans le droit communautaire la convention de Dublin de 1990, prévoit que le pays responsable du traitement de la demande d’asile est le pays de premier accueil : l’idée est à la fois d’éviter le « forum shopping », le réfugié choisissant le pays le plus généreux en la matière, et que chaque pays se renvoie indéfiniment la responsabilité du traitement de la demande.

Les partenaires de la Grèce appliquent Dublin II à la lettre en renvoyant systématiquement    tous ceux qui ont qui sont passés par là. Seule la Suède refuse de se livrer à cette pratique car elle est bien consciente (comme les autres pays d’ailleurs) qu’un renvoi en Grèce signifie détention dans des conditions désastreuses, rejet quasi certain de la demande d’asile, reconduite à la frontière turque où la police  locale leur fait  subir une série de mauvais traitements destinés  notamment à les dissuader de récidiver.

La Commission européenne a bien proposé, en décembre 2008, d’amender Dublin II afin de le rendre plus humain. L’idée était  la demande puisse être examinée dans le pays dans lequel le demandeur se trouve à condition qu’il puisse faire état de liens familiaux, de connaissances ou d’une forte présence de sa communauté. Ainsi s’instaurerait  un mécanisme de suspension de Dublin décidée à la majorité qualifiée des États sur proposition de la Commission qui sera déclenché si un pays connaît un fort afflux de demandes. Ainsi, on ne pourra plus lui renvoyer les demandeurs qui sont entrés dans l’Union par son territoire, à condition qu’il s’engage à examiner toutes les  demandes. Ce projet est depuis bloqué par plusieurs pays qui comme, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni . Pour eux, c’est à la Grèce de régler  ce problème et de surveiller efficacement ses milliers d’îles, notamment. La commission a tenté à plusieurs reprises d’en appeler à la solidarité communautaire et au partage du fardeau. Elle a apporté son aide, y compris sur le plan financier, et sommé la Grèce de s’organiser et de faire preuve d’un peu plus de bonne volonté sans grand résultat, la Grèce restant dans l’état que chacun connait. Cette situation bien connue constitue un point important du « paquet asile » dont le sommet de juin dernier a reconnu qu’il devait trouver sa solution pour 2012.

La Cour de Justice a donc pris les devants.

A l’origine, la Cour devait se prononcer sur le cas de demandeurs d’asile afghans, iraniens, algériens arrêtés au Royaume-Uni et en Irlande après y être entrés illégalement en transitant par la Grèce. Conformément  au Règlement 343/2003, les autorités des deux pays avaient transférés  les intéressés vers la Grèce, pays désigné comme compétent pour traiter leurs demandes. Les intéressés ont fait appel en alléguant que leurs droits fondamentaux risquaient de ne pas y être respectés. La Cour leur a donc donné raison.

Elle a estimé notamment que les Etats membres ont l’obligation de ne pas transférer un demandeur d’asile vers un Etat membre désigné comme responsable par le règlement lorsqu’ils « peuvent avoir des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants » au sens de la Charte des droits fondamentaux. Et d’ajouter que sous réserve d’examiner lui-même la demande, l’Etat membre qui devait transférer le demandeur vers l’Etat membre responsable et qui de trouve dans l’impossibilité de le faire, doit examiner les autres critères du règlement « afin de vérifier si l’un des critères ultérieurs permet d’identifier un autre Etat membre comme responsable de l’examen de la demande d’asile ». Cet examen ne doit pas avoir « une durée déraisonnable »  qui aggraverait la situation de violation des droits fondamentaux du demandeur et, au besoin, l’Etat membre devra examiner lui-même la demande.

 

 

 

      -. Texte du Règlement 343/2003 (FR) http://eur-lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexplus!prod!CELEXnumdoc&lg=FR&numdoc=32003R0343

(EN) http://eur-lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexplus!prod!CELEXnumdoc&lg=EN&numdoc=32003R0343

      -. Texte de l’Arrêt (FR) http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-411/10&language=fr (EN) http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-411/10&language=en

      -. Texte des Conclusions (FR) http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d0f130de4932159599924523966aac9027fc96ff.e34KaxiLc3eQc40LaxqMbN4NchuLe0?docid=109961&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&cid=283095

 (EN) http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d0f130de4932159599924523966aac9027fc96ff.e34KaxiLc3eQc40LaxqMbN4NchuLe0?docid=109961&pageIndex=0&doclang=en&mode=lst&dir=&occ=first&cid=283095

      -.Articles de Nea say http://www.google.be/#sclient=psy-ab&hl=fr&rlz=1R2ADFA_frBE462&source=hp&q=gr%C3%A8ce%20asile%20site%3Aeu-logos.org&rlz=1R2ADFA_frBE462&pbx=1&oq=&aq=&aqi=&aql=&gs_sm=&gs_upl=&bav=on.2,or.r_gc.r_pw.,cf.osb&fp=4c8627cb739bb176&biw=1280&bih=577&pf=p&pdl=3000

      -. Communiqué de presse de la Cour de justice (FR) http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2011-12/cp110140fr.pdf

 (EN) http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2011-12/cp110140en.pdf

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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