Le parlement hongrois a adopté vendredi matin 30 décembre le projet de loi sur l’encadrement de la banque centrale, en dépit des objections formulées par l’Union européenne et la Banque centrale européenne, qui y voient une remise en cause de l’indépendance des autorités monétaires. La lettre du président José Manuel Barroso s’est vu opposé une fin de non-recevoi r( Pour l’historique de ces dernières semaines cf. Nea say N° 116 http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2328&nea=116&lang=fra&lst=0&arch=0 ) Le texte a été adopté par 293 voix contre quatre. L’opposition socialiste et le parti écologiste LMP n’ont pas pris part au scrutin.
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, avait opposé une fin de non-recevoir aux autorités européennes, qui lui demandaient de renoncer à ce projet, en déclarant que son pays n’avait pas d’ordres à recevoir de Bruxelles. Une reprise des négociations avec le FMI et l’UE en janvier n’est désormais plus assurée: mercredi dernier 28 décembre, le FMI a déclaré que le gouvernement, s’il voulait voir les discussions avancer, devait résoudre ses problèmes politiques, parmi lesquels le statut de la banque centrale. La Hongrie a besoin d’un nouvel accord de financement pour rassurer les investisseurs internationaux et s’assurer un accès aux marchés en 2012: elle aura en effet besoin de refinancer 4,8 milliards d’euros de dettes en devises au cours des prochains mois, un montant qui intègre le remboursement d’aides de l’UE et du FMI reçues en 2008.L’adoption du texte pourrait accroître la pression sur le forint, la monnaie nationale, tombée jeudi à son plus bas niveau depuis un mois après l’annulation d’une adjudication obligataire.
Le Fidesz a certes amendé le projet de loi pour répondre à des objections formulées par la Banque centrale européenne (BCE) mais il n’a pas renoncé aux articles augmentant le nombre des membres du comité de politique monétaire et des vice-gouverneurs de la banque centrale, considérés par les critiques comme des moyens détournés de rogner l’indépendance de l’institut d’émission hongrois. »C’est une tendance européenne d’attribuer à la Banque centrale une indépendance sacrée », a dénoncé le Premier ministre à la radio publique mr1.
Le gouvernement et la Banque centrale sont en conflit ouvert depuis plusieurs mois. Le gouverneur de la banque centrale, Andras Simor, a lui-même exprimé des réserves, jugeant superflu de nommer de nouveaux membres du conseil et estimant qu’un nouveau vice-gouverneur ne serait rien d’autre qu’un « commissaire politique ». De son côté, le gouvernement Orban a critiqué les dernières hausses de taux décidées par la banque centrale et lui a reproché de ne pas soutenir suffisamment l’économie du pays, menacée d’une récession en 2012. Le parlement a en outre ouvert la voie à une possible fusion entre la banque centrale et l’autorité des marchés financiers hongrois, ce qui permettrait au gouvernement de limoger Andras Simor. Il y a dix jours, l’agence de notation Standard & Poor’s avait cité la politique de Budapest envers la banque centrale parmi les raisons justifiant la dégradation de la note souveraine du pays en catégorie spéculative, quelques semaines après une décision similaire de Moody’s.
Pour les observateurs, la réforme de la banque centrale est emblématique à la fois du désaccord entre la Hongrie et ses partenaires internationaux et de la politique peu orthodoxe du gouvernement Orban dans de nombreux domaines. Pour ne s’en tenir qu’au domaine financier et monétaire, citons parmi les mesures contestées mises en oeuvre ces derniers mois par Budapest figurent une taxation exceptionnelle des banques et d’autres grands secteurs ainsi qu’une nationalisation des actifs de plusieurs fonds de pension privés. L’adoption du texte pourrait conduire la BCE à riposter sur le terrain judiciaire. La BCE pourrait bien annoncer qu’elle va ouvrir un dossier à la Cour européenne de justice contre la Hongrie. La BCE pourraient prendre diverses mesures de rétorsion : retrait de lignes de swaps avec la Hongrie, modification des règles en vigueur en matière d’acceptation des dettes hongroises comme garantie. Etc
Tous les éléments d’une confrontation rude avec l’UE sont réunies. Ce serait une première de ce type et l’issue durable est difficile à imaginer si les autorités hongroise restent sur leur ligne de confrontations et de provocations en tout genre.