Le leader du parti xénophobe néerlandais PVV, Geert Wilders, a lancé un site invitant ses concitoyens à dénoncer les « nuisances » causées par ces populations établies aux Pays-Bas. Selon la commissaire Viviane Reding, l’intolérance n’a pas sa place dans l’UE. Depuis son lancement début février, le nouveau portail web du Parti de la Liberté néerlandais (PVV) a déjà recueilli plusieurs milliers de dénonciations en tout genre. Les citoyens des Pays-Bas sont invités par le leader populiste Geert Wilders à rapporter les « nuisances» occasionnées par les populations originaires de Bulgarie, de Pologne et de Roumanie, notamment en matière de logement ou de concurrence sur le marché du travail. Leurs plaintes seront ensuite examinées avant d’être transmises au ministère des affaires sociales et de l’emploi.Le parti xénophobe s’ est toujours fermement opposé à l’ouverture du marché du travail aux citoyens d’Europe de l’Est. Les Polonais jouissent d’un accès total au marché du travail néerlandais, contrairement aux derniers entrants Bulgares et Roumains qui ne disposeront de ce privilège qu’à partir du 1er janvier 2014. Selon le PVV, troisième plus grand parti des Pays-Bas soutien extérieur de la coalition gouvernementale au pouvoir, ces populations venues d’Europe centrale sont entre 200 000 à 350 000 à vivre et travailler aux Pays-Bas.« Vous causent-ils des problèmes ? Avez-vous perdu votre emploi au bénéfice d’un Polonais, d’un Bulgare, d’un Roumain ou d’un autre citoyen d’Europe centrale ou orientale ? », sont les questions ouvertement posées sur le site.
Il s’agit manifestement d’une incitation à la haine et la xénophobie. Cette initiative a suscité l’émoi des trois pays concernés. Un porte-parole de l’ambassade polonaise aux Pays-Bas a déclaré que la manière dont M. Wilders qualifiait les travailleurs polonais de « pollueurs du marché du travail néerlandais » était insultante. En Roumanie, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé le « caractère discriminatoire du site qui va à l’encontre des valeurs européennes » et demandé à son ambassade à La Haye d’exprimer son mécontentement et de presser les autorités du pays à réagir. Même indignation côté bulgare, où la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Vessela Cherneva, a déclaré que son pays ne pouvait pas accepter que l’un des membres fondateurs de l’UE tolère des incitations à la haine, à la discrimination et à la xénophobie. Elle a également pressé le gouvernement néerlandais de se démarquer de l’initiative du PVV et de prendre les « mesures qui s’imposent ». Certains citoyens originaires de ces trois pays ont comparé l’extrême droite néerlandaise à leurs propres partis populistes et xénophobes. Ils regrettent que la presse nationale ait vivement dénoncé le site du PVV tandis qu’elle se montre beaucoup plus discrète lorsqu’il s’agit de rapporter des cas de discriminations envers les minorités en Pologne, en Roumanie ou en Bulgarie, sans parler de la Hongrie.
« L’intolérance n’a pas sa place dans l’Union européenne ». La vice-présidente de la Commission Viviane Reding, en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, a invité les citoyens néerlandais à ne pas céder à l’intolérance : « elle n’y pas sa place [dans l’UE] ». « Les citoyens des 27 Etats membres doivent se sentir chez eux où qu’ils décident de migrer », a-t-elle déclaré, estimant par ailleurs que les problèmes que l’Europe traversent actuellement devaient être résolus en instaurant davantage de solidarité. La commissaire en charge du numérique, la Néerlandaise Neelie Kroes, proche politiquement du Premier ministre Mark Rutte a quant à elle pris ses distances par rapport à cette initiative de Geert Wilders en déclarant sur son blog, que s’il est « toujours facile de blâmer les autres, [cela] ne résout que rarement les problèmes ». « C’est ridicule de penser que dénoncer les autres sur un site internet va permettre aux Pays-Bas d’avoir une meilleure place au sein de l’UE. »
Geert Wilders a annoncé avoir reçu déjà 32 000 plaintes et n’a pas l’intention de fermer de lui-même le site. Il se réjouit de la publicité faite au site. Selon les médias néerlandais, le premier ministre Mark Rutte s’est quant à lui refusé à tout commentaire, sous prétexte qu’il n’a pas son mot à dire sur les positions adoptées par les différents partis politiques. Cette affaire et l’intense polémique qui en est résulté en Europe menace de déstabiliser le gouvernement néerlandais. Et le gouvernement néerlandais pourrait en faire les frais. Le mutisme du premier ministre recèlerait surtout la crainte de voir son gouvernement être renversé.
Bien que le parti de Geert Wilders, ne fasse pas partie de la coalition au pouvoir, il reste un appui décisif de l’actuel gouvernement. Dans le cadre d’un « accord de soutien », le PVV s’est engagé à appuyer la formation conservatrice du premier ministre. En contrepartie, il a obtenu notamment la mise en place de règles plus strictes sur l’immigration. M. Rutte préfère donc fermer les yeux sur l’initiative raciste et discriminatoire du parti de M. Wilders.
Quel est le rôle de l’UE ? La parole est aux députés européens et aux citoyens. Depuis quelques jours, les réactions fusent sur les réseaux sociaux et les blogs, où de nombreux citoyens européens s’interrogent sur l’état de la démocratie en Europe et posent la question du rôle des gouvernements et des institutions européennes dans la préservation des valeurs de l’UE et la lutte contre les populismes. La plupart montrent leur scepticisme sur la possibilité pour l’UE d’intervenir dans cette affaire et amener l’actuel gouvernement à prendre les mesures nécessaires.
Le groupe S&D du Parlement européen a demandé au gouvernement néerlandais de condamner l’initiative. Pour le groupe socialiste le mutisme gouvernemental néerlandais pose problème puisque le PVV étant un soutien de la coalition minoritaire de centre-droit, il a un impact direct sur les politiques mises en œuvre par le gouvernement. Et en ne condamnant pas l’initiative de son allié, il soutient indirectement son caractère discriminatoire. Pour le S&D le gouvernement Rutte a l’obligation d’apporter tout apaisement aux européens qu’ils ne seront pas discriminés, ni stigmatisés aux Pays-Bas. Il doit agir pour faire respecter la libre circulation des travailleurs et les dispositions européennes sur la lutte contre les discriminations fondées sur la race ou l’ethnie. Le chef de file du groupe PPE, Joseph Daul, s’est dit dans un communiqué « consterné par le contenu de ce site, en colère qu’on puisse attaquer des concitoyens européens (…) Ce site est contre tous les principes européens et les valeurs humaines (…) il encourage la haine et la discrimination ». Le PPE a invité le chef du gouvernement, Mark Rutte, à prendre position sur cette initiative et, comme les groupes S&D et Alde, a demandé que M. Rutte vienne s’expliquer devant les eurodéputés à propos de son silence. Guy Verhofstadt, président du groupe libéral ALDE avait aussi demandé sur les ondes de la radio néerlandaise de ne pas rester silencieux. Finalement le Parlement européen tiendra un débat le 13 mars prochain en plénière suite à la demande du groupe PPE.
Et les citoyens européens ? La fédération néerlandaise des bureaux contre la discrimination (LBA) a dit avoir reçu près de 3000 plaintes pour discrimination contre le site du parti VVV. Les plaintes émanaient de ressortissants d’Europe orientale et centrale vivant aux Pays-Bas, mais aussi de néerlandais en colère. La majorité d’entre elles demandent la fermeture du site. Certaines plaintes ont même été déposées depuis l’étranger via des sites de soutien. La LBA a toutefois renoncé à saisir la justice néerlandaise estimant qu’il y avait peu de chance que la procédure aboutisse. Pourtant c’est la seule voie imaginable, que les citoyens portent plainte auprès de leur justice nationale : le juge de proximité(on l’oublie trop souvent) est parfaitement habilité à instruire toute plainte en matière de violation du droit européen quitte à ce que le Cour de justice de l’Union ou la Cour européenne des droits de l’homme soit saisie à titre de recours préjudiciel ou d’appel en appel comme cour souveraine fixant la jurisprudence en la matière. La décision de l’Union européenne en matière de lutte contre le racisme et la xénophobie (adoptée après plus de dix ans de discussions) est d’un maniement trop incertain et délicat, Nea Say s’en est ouvert à deux reprises, elle mérite d’être confortée et éclairée par des décisions des Cours souveraines européennes. C’est ce que Matthew Newman, le porte- parole de Mme Reding, a fait valoir devant la presse : il revient aux citoyens de se tourner vers leurs tribunaux nationaux pour faire valoir les dispositions du droit européen et en dernier recours de faire appel à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.