Les réfugiés renvoyés en Libye ont obtenu réparation : le petit groupe de ces migrants refoulé, 13 Erythréens et 11 Somaliens, ont obtenu gains de cause, non sans mérite car ils avaient poursuivi l’Etat italien devant la CEDH. L’Etat italien va devoir retrouver les plaignants pour leur remettre 15 000 euros en « réparation du dommage moral, une réparation faible au regard des horreurs endurées que rappelle l’arrêt de la Cour. Selon le Conseil italien pour les réfugiés, certains sont morts en tentant de joindre à nouveau l’Italie, un autre y est parvenu et obtenu le statut de réfugié preuve supplémentaire que ses droits avaient été bafoués.
En 2009 l’Italie avait reconduit un groupe de migrants somaliens et érythréens en provenance de Libye et les avoir reconduits dans ce pays au mépris des risques élevés de traitements dégradants et inhumains, pour ne pas employer le mot de torture. L’Italie a notamment violé la Convention européenne des droits de l’homme et le principe de non-refoulement qui interdit le retour vers des pays où ils peuvent être confrontés à des persécutions. L’Italie est également condamnée pour ne pas avoir assuré leur droit de recours effectif.
A l’arrière plan, et les lecteurs de Nea say s’en souviennent, ce sont les accords conclus entre l’ancien gouvernement de Silvio Berlusconi et celui de Khadafi, ce sont ces accords que la CEDH a condamnés. Les deux pays s’étaient entendus dans un « traité d’amitié » sur un contrôle renforcé de l’immigration de la part de la Libye et un rapatriement de ceux qui étaient parvenus sur les côtes libyennes ; en échanges de compensations financières lesquelles commençaient à devenir exorbitantes, extravagantes de la part de Khadafi dans les derniers mois de sa dictature.
Implicitement c’est cette politique qui est condamnée. Les requérants somaliens et érythréens( 14 personnes en tout) faisaient partie d’un groupe d’environ 200 personnes qui avaient quitté la Libye dans l’intention de rejoindre les côtes italiennes. Le 6 mai 2009 alors que les embarcations se trouvaient à 35 miles au sud de Lampedusa, c’est-à-dire à l’intérieur de la zone maritime de recherche et de sauvetage relevant de Malte, elles furent approchées par des navires de la garde fiscale et des gardes côtes italiens. Les occupants furent interceptés et alors transférés sur des navires militaires italiens et reconduits à Tripoli. Aucune précaution d’aucune sorte ne fut prise : les autorités italiennes n’ont procédé à aucune identification, ni à aucun interrogatoire. Or rappelle la Cour, si la pression que fait subir sur un Etat l’arrivée inopinée de nombreux migrants ne peut être contestée, en revanche l’Italie ne pouvait ignorer que les personnes qu’elle renvoyait seraient soumises à de mauvais traitements.
A cet époque, la situation des migrants en Libye était parfaitement connue (cf. Nea say) rappelle la Cour et notamment sur la base de nombreux rapports comme ceux du Comité pour la prévention de la torture ou ceux du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies. La pression migratoire dur l’Italie ne la dispensait donc pas de « l’obligation de ne pas éloigner une personne risquant de subir des traitements dégradants » y compris et à commencer par son pays d’origine.. La Cour a également rappelé que les expulsions collectives d’étrangers sans examen des situations individuelles, sont interdites par le droit humanitaire.
La Commission européenne a pris acte de l’arrêt et indiqué qu’elle allait l’analyser en détails. Le porte parole de la Commissaire Cecilia Malmström a indiqué que des contacts avaient été pris à l’époque avec l’Italie, la Commission ayant eu des doutes sur l’application du principe de non-refoulement. Ces contacts ont continué en 2011 et depuis 2009 aucun cas de ce type n’a été observé. Cependant en mars de l’année dernière, en plein « printemps arabe la Commission avait à nouveau saisie par des doutes, notamment sur le sort de 1800 migrants d’origine marocaine dont le ferry avait été intercepté par la marine italienne ; La Commission avait demandé des explications et avait fini par conclure qu’il ne s’agissait pas d’une violation du principe de non refoulement.. C’est une preuve supplémentaire de la pratique tatillonne et confuse de la Commission, laissant la porte ouverte aux interprétations divergentes et multiples qui génèrent à leur tour des pratiques répréhensibles.
Cet arrêt a été salué comme on l’imagine par les associations (ECRE, AMNESTY INTERNATIONAL) ou par plusieurs députés européens. Cet arrêt devrait fournir une bonne occasion pour mener à bien un screening approfondi des pratiques y compris de la part des organisations officielles comme Frontex, régulièrement mis en cause au point de provoquer des réformes substantielles en matière de droit humanitaire. Autre question : cet arrêt est-il compatible avec les accords passés avec plusieurs pays tiers pour lutter contre l’immigration illégale.
-.Texte de l’arrêt de la grande chambre http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=open&documentId=901571&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649
-.Fiche thématique de CEDH sur les expulsions collectives y compris les affaires pendantes http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/4C39B9C3-7726-4386-9245-AA96748B601C/0/Expulsions_collectives.pdf
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