Après cinq ans de fonctionnement parfois controversé, l’Agence des Droits fondamentaux va bientôt être dotée d’un nouveau cadre pluriannuel pour ses initiatives. La Commission européenne a lancé en décembre dernier sa proposition relative à une future Décision du Conseil établissant un cadre pluriannuel pour l’Agence des Droits fondamentaux de l’Union européenne pour la période 2013-2017. Sur le plan de la procédure, le Parlement européen devra simplement donner son assentiment et ce sera exclusivement au Conseil (avec l’obligation d’unanimité) d’adopter les mesures appropriées.
Cadre proposé : les domaines thématiques proposés sont plus nombreux, mieux étoffé s.Certains éléments du Cadre pluriannuel actuellement en vigueur seront conservés : le nouveau Cadre devra être en accord avec les priorités de l’Union, en tenant compte des orientations données en matière de droits fondamentaux par les Résolutions parlementaires européennes et les conclusions du Conseil. Ce n’est qu’à la demande du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission que l’Agence des Droits fondamentaux pourra travailler en dehors des domaines thématiques déterminés dans le nouveau Cadre.
Les domaines thématiques que l’Agence va couvrir seront renforcés. Un certain nombre de thèmes sont naturellement reconfirmés, tels que l’accès à la justice ; les droits de l’enfant ; le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui s’y rapporte ; la migration et l’asile ; la protection des données personnelles. Il y aura aussi une référence positive plus large à la situation des victimes. Le thème de la non-discrimination est également reconfirmé et la formulation en la matière sera mise en conformité avec l’article 21 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne. D’importantes références au caractère novateur portent sur trois thèmes : l’intégration des communautés Roms, la coopération policière et la coopération judiciaire. En premier lieu il faut observer que le Considérant 8 contient une référence encourageante à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Le cadre pluriannuel précédent ne l’avait pas retenu malgré les efforts de « lobby » mené par l’intergroupe parlementaire du Parlement européen et de son président Inigo Mendez de Vigo. Le considérant 8 dit : « au vu de l’importance que revêt la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale pour l’Union européenne-qui a fait de ce thème l’un des cinq objectifs de sa stratégie de croissance « Europe 2020 »-l’Agence devrait examiner les conditions économiques et sociales indispensables pour permettre un réel respect des droits fondamentaux lors de la collecte et de la diffusion des données dans le cadre des domaines thématiques définis par la présente décision ».
Autre domaine sensible et prioritaire celui de la non-discrimination, les conséquences délicates des diverses sensibilités et approches existant en Europe exigent que l’Agence assume en toutes circonstances un rôle d’équilibre, en particulier sur les questions moins consensuelles. Il faudrait aussi tenir pleinement compte de la spécificité évidente du handicap, qui mérite une attention accrue, même par rapport à d’autres motifs de discrimination. Enfin, la situation des personnes âgées pourrait être incorporée dans le champ d’action de l’Agence en tant que thématique spécifique, compte tenu des dispositions de l’article 25 de la Charte.
Certains acteurs réfléchissent également à la question de la liberté religieuse, en se demandant si elle doit être complètement intégrée dans les actions de l’Agence, étant donné que cette liberté est largement considérée comme l’un des droits humains les plus fondamentaux. Mais avant d’y songer il faut sérieusement s’interroger sur la nature d’une contribution positive de sa part tout en empêchant toute dérive vers une instrumentalisation ou une interprétation partielle.
C’est l’occasion pour réfléchir sur l’avenir de l’Agence, l’impact de ses orientations et de ses actions après quelques années d’existence. Année après année , les critiques ont pris progressivement de l’ampleur : mieux choisir les partenaires, donner réellement la priorité à ce qui touche le plus directement le plus grand nombre de citoyens, enfin et surtout fournir des résultats directement utilisables par les décideurs politiques. Chaque jour on assiste à des dérives importantes qui dressent les citoyens les uns contre les autres sans contribuer à un débat apaisé. La prudence et le recul s’imposent.
Des signaux clairs ont été envoyés à cet égard par des organismes importants. Dans sa Résolution sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2009), le Parlement européen , toujours un peu critique et pas totalement convaincu, met en évidence la nécessité que l’Agence des Droits fondamentaux fournisse des prestations caractérisées par la qualité, l’objectivité, l’impartialité effective et la transparence. L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) souligne de son côté, dans sa Résolution 1756 (2010), que les Etats membres et les Institutions de l’Union européenne devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter la duplication inutile des tâches du Conseil de l’Europe par l’Agence des Droits fondamentaux.
L’Agence doit elle également envisager de jouer un rôle actif de sensibilisation des citoyens de l’Union européenne au sujet des possibilités offertes par les compétences de l’Union et les droits protégés par la Charte, tout en indiquant les limites et les frontières de ces compétences et de ces droits ? c’est un terrain difficile sur lequel elle ne doit pas trop s’aventurer : des compétences existent ailleurs, il faut vérifier qu’elles s’y exercent correctement et remédier aux défaillances plutôt que de revendiquer un élargissement du mandat. A cet égard, l’Agence doit éviter de créer de fausses attentes.
La proposition de décision de la Commission rappelle aussi les contrainte à travers les quelles l’Agence devra trouver sa voie, contraintes financières et contraintes institutionnelles. Le projet de décision indique que le cadre pluriannuel doit tenir dûment compte des ressources financières et humaines dont elle dispose. Elle doit agir également en pleine complémentarité avec le mandat des autres organes, organismes et agences de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales. L’énumération des agences et organes de l’union les plus pertinents est à cet égard illustratif : Bureau européen d’appui en matière d’asile, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex), le réseau européen des migrations, l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, le contrôleur européen de la protection des données, l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne (Eurojust), l’Office européen de police (Europol), le Collège européen de police (Cepol) l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail.
-. Proposition de décision du cadre pluriannuel (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0880:FIN:FR:PDF (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0880:FIN:EN:PDF
-. Cadre pluriannuel actuellement en vigueur (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:063:0014:0015:FR:PDF (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:063:0014:0015:EN:PDF
-. Résolution du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0483+0+DOC+XML+V0//FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2010-0483+0+DOC+XML+V0//EN
-. Résolution 1756 le l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (FR) http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta10/FRES1756.htm
(EN) http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta10/ERES1756.htm