« L’Italie, c’est moi aussi » est le titre d’une campagne promue au niveau national par 19 organisations de la société civile italienne, nous révèle l’excellent CafeBabel. L’objectif de cette campagne était de recueillir 50.000 signatures afin de présenter au Parlement deux propositions de loi : une réforme du droit à la citoyenneté italienne pour les enfants nés en Italie de parents étrangers en situation régulière, ainsi qu’une extension du droit de vote aux élections locales pour les travailleurs étrangers résidant en Italie depuis 5 ans au moins. Les signatures recueillies seront remises le 6 mars prochain à la Chambre des Députés. Quand auront-nous une campagne dans chaque pays de l’Union européenne et une campagne : « l’Europe, c’est moi aussi ».
L’Italie est une terre d’immigration. Et cela depuis plus 20 ans : la composition de la population s’est considérablement modifiée et avec elle l’identité d’une société qui devient de plus en plus plurielle. Un fait que les institutions et les médias ont du mal à reconnaître. Et pourtant, entre 1990 et 2011 le pourcentage de personnes étrangères présentes sur le territoire italien est passé de 1,4% à 7,5% de la population. Ce taux prend en compte aussi les 933 693 mineurs nés en Italie de parents étrangers (ou arrivés en Italie durant leur enfance), pour lesquels la loi en vigueur ne prévoit pas l’ouverture d’un droit à la citoyenneté italienne.
Un million d’invisibles : pour eux l’Etat italien n’existe tout simplement pas. Ils ont grandi dans une tension permanente, due à la difficulté de trouver sa place dans un pays qui est pourtant le leur et à la difficulté de faire face aux contrôles occasionnels de la police, qui comportent le risque d’être rapatriée dans un pays qu’ils ne connaissent pas.
Mais, une fois les études terminées, sans aucun doute, il leur faudra présenter des papiers, des reçus des visas d’entrée dans le pays. Le problème, est qu’ils n’y sont jamais entrés, ils y sont nés et l’ont jamais quitté. Etrangers pour toujours ?
La présence étrangère en Italie a augmenté considérablement, tout comme dans d’autres pays européens. Toutefois, le retard culturel italien en la matière est évident. Durant la décennie qui a précédé l’élargissement de l’UE, entre 1995 et 2005, l’Italie présentait des taux d’acquisition non-automatique de la citoyenneté parmi les plus bas en Europe. Le premier rapport sur les immigrés en Italie, publié en décembre 2007, rappelle quelques-unes des conclusions les plus importantes du projet Natac (Acquisition on Nationality in EU Member States), financé par l’UE, au sujet des normes relatives à l’accès à la citoyenneté dans les 15 pays de la « vieille » Europe.
En croisant les deux principes sur lesquels se basent les naturalisations, les années de résidence et le droit du sol, il est possible de classer les juridictions européennes en 4 blocs : les restrictives (Allemagne, Autriche, Danemark, Grèce), les semi-restrictives (Espagne, Portugal, Irlande, Belgique), les semi-libérales (Luxembourg, Suède, Finlande) et les libérales (Grande-Bretagne, France, Hollande). En suivant ce schéma, l’Italie fait partie du premier groupe, en raison d’un cadre juridique relativement fermé et d’un système fondé sur la primauté du droit du sang sur le droit du sol.
Les réformes de la loi proposées par la campagne « L’Italie, c’est moi aussi » pourraient inverser cette tendance, inaugurant ainsi une importante période d’évolution législative. Cela permettrait de suivre la vague réformiste entreprise depuis les années 90 en Allemagne, patrie historique du droit du sang, en mettant ainsi l’Italie dans un positionnement plus cohérent par rapport au contexte européen contemporain.
L’affiche de la campagne, « L’Italie, c’est moi aussi »Le processus de développement et adaptation aux évolutions sociétales a été en effet difficile et controversé en Italie. Un des problèmes principaux des 20 dernières années a été l’absence d’une perception généralisée du changement profond que le pays était en train de vivre, qui n’a pas été suivi au niveau médiatique. Les grands supports d’information ont pour la plupart parlé du phénomène de l’immigration uniquement en relation à un contexte politique marqué par le changement de la majorité au pouvoir, ou en mettant l’accent sur un binôme immigration – criminalité ainsi que sur les bateaux clandestins. Ils n’ont donc aucunement favorisé la création d’une place de vie pour les habitants venus d’ailleurs. Avec des variantes parfois importantes, c’est le schéma qui domine dans tous les pays de l’Union européenne
Ce processus a malgré tout été supporté par le tissu associatif et les mouvements sociaux initiés par les citoyens, qui ont été capables de donner une forme concrète à des politiques autonomes, mises en place localement, anticipant une évolution des lois et de l’information. Ce même tissu a permis une nouvelle prise de conscience, en partant d’initiatives populaires qui adressent aux institutions une demande bien précise : que l’Europe ne devienne pas une occasion perdue, mais un nouveau point de départ pour concevoir de nouvelles formes, un nouveau vécu en matière de multiculturalisme. Ce rôle décisif des mouvements associatifs a bien été perçu par le Haut conseil à l’intégration dans son rapport annuel (cf.autre article) leur disparition qu’il signale est un phénomène inquiétant.
Résultats de l’étude Natac sur l’acquisition de la nationalité http://www.eif.oeaw.ac.at/downloads/projekte/NATAC_summary.pdf