Le Parlement européen a unanimement demandé mardi au gouvernement néerlandais de condamner la création par son allié d’extrême droite d’un site internet incitant à la délation vis-à-vis des immigrés d’Europe de l’Est. Le site, mis en ligne le 8 février par le Parti pour la liberté (PVV), invite les Néerlandais à signaler les « nuisances » qu’ils subissent au quotidien de la part de ressortissants d’Europe de l’Est ou centrale, membres de l’Union européenne.
« Le racisme et la xénophobie ont conduit aux plus atroces pages de notre histoire. Pouvons-nous rester silencieux, ne pas répondre à l’incitation à la haine de certains partis ? Le groupe PPE réitère son appel à condamner clairement et rapidement le site », a déclaré le président français du Parti populaire européen (PPE, conservateurs) Joseph Daul. « Le silence du gouvernement néerlandais est inacceptable », a renchéri le Belge Guy Verhofstadt, chef de file des libéraux de l’Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe (ALDE). M. Verhofstadt a rappelé qu’il avait « parlé au Premier ministre Mark Rutte », dont le parti est affilié à l’ALDE, et a incité M. Daul à faire de même avec les ministres issus de l’Appel démocrate-chrétien (CDA), rattaché au PPE. Le gouvernement dirigé par Mark Rutte, qui a besoin du soutien du PVV pour détenir une majorité parlementaire, a dit à plusieurs reprises qu’il ne condamnerait pas l’initiative de Geert Wilders, arguant qu’il s’agissait « du site d’un parti » et non d’un site gouvernemental.
Pour la députée néerlandaise Verte Marije Cornelissen, M. Rutte s’est « coincé dans les cordes » en choisissant cette direction, mais ne pas condamner le site représenterait une « défaite encore plus cuisante (…) pour le Premier ministre, pour le prestige des Pays-Bas et pour l’ensemble des Européens ». La Commission européenne et le Conseil de l’Europe ont également dénoncé le site. La vice-présidente de la Commission en charge de la Justice Viviane Reding a rappelé qu’il appartenait aux autorités néerlandaises d’examiner la légalité du site, notamment au regard des législations nationale et européenne sur le racisme et la xénophobie, la protection des données individuelles et la libre circulation des citoyens européens. Affirmant que « plus de 100.000 personnes (avaient) répondu à l’appel du site », le député néerlandais Auke Zijlstra, membre du PVV et « non inscrit » à Strasbourg, a dénoncé une « menace de censure » et soutenu que le site n’avait pas pour objectif d’inciter à la violence, mais de permettre aux Néerlandais d’exprimer leurs sentiments. « Les Néerlandais en ont marre, et ils ne sont pas les seuls. La France connaît le même problème, et maintenant le président Nicolas Sarkozy lui-même menace de suspendre la participation de la France à l’espace Schengen », a-t-il expliqué, faisant allusion aux propositions de M. Sarkozy lors de son meeting de Villepinte (près de Paris) dimanche.
Un rapprochement également effectué par les députés socialistes du Groupe de l’Alliance progressiste des Socialistes & Démocrates (S&D), les Verts et les libéraux. « Ce qui se passe en Hollande n’est pas un fait unique, (cela renvoie à) quelque chose de plus grave en Europe », a déclaré M. Verhofstadt, qui s’est une nouvelle fois demandé « qui (était) le véritable candidat de l’extrême droite » en France de M. Sarkozy ou de la candidate du Front national Marine Le Pen.
Tous les partis politiques, du PPE à la Gauche européenne (communiste), se sont associés dans une résolution commune soumise au vote jeudi 15 mars afin de presser Mark Rutte de condamner le site du PVV.
La résolution a été adoptée à main levée : les députés estiment que le site Internet porte atteinte à la libre circulation des personnes et incite ouvertement à la discrimination à l’encontre des travailleurs de l’UE issus des pays d’Europe centrale ou orientale. Les députés affirment également que le site va à l’encontre des valeurs fondamentales européennes que sont la dignité humaine, la liberté, l’égalité, l’état de droit et le respect des droits de l’homme et que la plateforme du PVV est une « initiative mal intentionnée » qui vise à créer des clivages dans la société et à en tirer un profit politique. La Parlement appelle instamment le Premier ministre, Mark Rutte, à condamner cette initiative « déplorable » et à s’en désolidariser. Le gouvernement hollandais ne devrait pas fermer les yeux sur les politiques du PVV qui contredisent les valeurs fondamentales de l’UE, soulignent les députés.
Selon le texte adopté, l’engagement du gouvernement néerlandais dans le sens d’une intégration européenne s’est nettement amoindri au cours des dernières années, comme l’illustre la position de l’actuel gouvernement sur des questions telles que l’élargissement de l’Espace Schengen et la libre circulation des travailleurs.
Les travailleurs des pays qui ont rejoint l’UE en 2004 et 2007 ont eu un impact positif sur les économies des Etats membres et ont sensiblement contribué à une croissance économique soutenue dans l’UE, souligne le Parlement. Les députés rappellent également que de nombreux citoyens, partis politiques, médias, employeurs et représentants de la société civile ont condamné le site du PVV, et que de nombreuses actions sont menées pour contrer cette initiative, notamment la création d’un site Internet permettant de rendre compte d’expériences positives vécues avec des Polonais.
Non aux comportements xénophobes : le Parlement européen invite la Commission et le Conseil à faire leur possible afin d’enrayer la propagation de comportements xénophobes tels que ceux qui s’expriment sur ce site et à garantir la mise en œuvre effective de la décision cadre sur le racisme et la xénophobie.