C’est l’attente : le 17 février dernier, la Hongrie a officiellement répondu aux questions posées par la Commission européenne, selon la procédure d’infraction accélérée ouverte un mois plus tôt, le 17 janvier 2012. Le mercredi 7 mars, la Commission a fait part de ses observations et elle attend les réponses dans un délai de un mois. La situation économique devient préoccupante, le volet économique s’alourdit et progressivement prend la première place. Inévitablement les relations se tendent : Viktor Orban déclenche une polémique verbale à laquelle le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a été contraint de répondre, sobrement.
La décision de la Commission de poursuivre la procédure d’infraction
Après analyse de l’argumentation formulée par le gouvernement hongrois, la Commission a décidé le mercredi 7 mars de ne pas clôturer la procédure d’infraction mais au contraire de franchir une étape supérieure en rédigeant deux avis motivés ainsi que deux lettres administratives. Rappelons que la formulation d’un avis motivé est la dernière étape avant la saisine de la Cour de justice. La situation est donc loin d’être apaisée.
Cette décision de la Commission fait consensus auprès des différents groupes parlementaires. Mais bien que certains groupes comme le PPE considèrent que la décision de la Commission de poursuivre le processus d’infraction est équilibrée parce que fondée sur une analyse juridique précise, d’autres groupes comme les Verts/Alde souhaitent que la Commission aille plus loin. En effet, ces derniers dénoncent l’attitude générale du gouvernement hongrois et invoquent toujours la nécessité de déclencher la procédure de l’article 7. On en revient à l’idée que toutes ces lois adoptées ne peuvent être analysées individuellement mais comme un tout, comme la concrétisation d’un certain climat politique.
Mais pour répondre à cet argument développé par certains, l’article 7 constitue une procédure purement politique et on peut se demander s’il est envisageable qu’à court terme le Conseil des ministres décide de sanctionner la Hongrie. Or, la procédure ouverte par la Commission, fondée sur une analyse juridique des faits et pouvant en dernier lieu déboucher sur un arrêt de la Cour de justice est beaucoup plus réaliste. Et c’est ce qui explique d’ailleurs que les avis motivés rédigés par la Commission s’appuient sur une argumentation juridique, comme pour mieux envisager une possible saisine de la CJUE.
Ainsi, le 1er avis motivé concerne la réforme de l’âge de départ à la retraite des juges et des procureurs. Alors que la Commission avait déjà émis des réserves à propos de cette loi, le gouvernement a apporté pour réponse que seraient mis en place certaines exceptions à ces départs et que cette réforme ne concernait pas uniquement le pouvoir judiciaire mais toute l’administration en général. La Commission n’est pas convaincue, et la mise en place d’exceptions ne suffirait pas à empêcher un traitement discriminatoire en fonction de l’âge.
Le 2ème avis motivé porte sur la loi modifiant l’autorité de protection des données personnelles et le fait que l’indépendance de cette institution ne soit pas suffisamment garantie par l’intermédiaire du mandat du commissaire de cette autorité. En effet, la nouvelle réforme met fin de manière anticipée au mandat du dernier commissaire de l’autorité. De plus, le Président hongrois peut, sur proposition du Premier ministre, décider de se séparer du haut fonctionnaire en charge de cette autorité et ce sans que de réels garde-fous ne soient imposés.
Les lettres administratives permettent à la Commission de faire part de ses inquiétudes quant à des domaines précis tout en offrant la possibilité à la Hongrie d’apporter des solutions avant que des avis motivés ne soient adoptés. Ainsi, la Commission a souhaité interpeller le gouvernement hongrois sur deux points.
La Commission exige toujours d’être rassurée quant à l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la banque centrale. Il est plus que primordial que le gouvernement hongrois réponde vite aux interrogations de la Commission, notamment en ce qui concerne la banque centrale car la Hongrie est en attente d’une aide financière préventive de plus d’un milliard d’euros de la part de l’UE et du FMI. Mais les négociations ne sont toujours pas ouvertes car tant que des doutes persistent quant à l’indépendance de la banque centrale, il n’est pas envisageable qu’un tel prêt soit versé. D’ailleurs, l’attente de ce prêt semble faire évoluer le discours de la Hongrie puisque que M. Orban a rédigé le 12 mars une lettre à M. Barroso, dans laquelle il se dit prêt à prendre les mesures nécessaires afin que les négociations débutent. C’est un changement de ton flagrant qui peut s’expliquer par la situation économique de la Hongrie, loin d’être florissante.
La situation économique de la Hongrie : publication du rapport de l’OCDE
A ce sujet, l’OCDE a récemment publié un rapport critique relatif à la situation économique de la Hongrie . Globalement, bien que le contexte économique international soit plus que morose, cela ne peut être l’unique explication au fait que la Hongrie soit sous la menace de la stagnation. Ainsi l’OCDE n’hésite pas à déclarer que « des politiques nationales controversées ont également contribué à l’incertitude en sapant la confiance des consommateurs, des entreprises et des marchés ». Il est donc clair que le contexte politique a une forte influence sur le contexte économique. C’est encore une pression supplémentaire quant au tournant politique adopté par l’actuel gouvernement. Toute la question est de savoir s’il pourra tenir encore longtemps dans cette direction. Car la Hongrie est visée par une autre procédure. En effet, suite aux lois dîtes « crises » adoptées par le gouvernement hongrois au début de sa législature, plusieurs entreprises internationales ont porté plainte auprès de la Commission car ces lois visent à taxer directement les entreprises et banques internationales.
A tous ces éléments, il faut ajouter la décision du Conseil de valider la proposition de la Commission décidant de geler une partie des fonds structurels de la Hongrie pour début 2013. Le Conseil a même décidé d’abréger le délai imparti au gouvernement hongrois pour présenter les mesures attendues afin de diminuer son déficit. Ainsi, la date butoir n’est plus pour septembre mais juin prochain.
Ces nouveaux éléments intervenus depuis le mois de février démontrent à quel point la situation de la Hongrie est critique. L’actuel gouvernement hongrois semble décider à poursuivre dans la voie qu’il a entamée, mais jusqu’à quel point ? Car on voit bien qu’il subit de plus en en plus de pression, notamment au niveau économique. Peut-on espérer que la lettre reçue par M. Barroso constitue les prémices d’une évolution de la position hongroise ? Les prochaines semaines nous éclairerons sur la réponse que donnera le gouvernement hongrois aux avis motivés et lettres administratives formulés par la Commission.
Chloé Fall, (Institut d’Etudes européennes, Master à finalité politique)
-.[1] Rapport de l’OCDE http://www.oecd.org/document/47/0,3746,fr_2649_34569_49833455_1_1_1_1,00.html