France et droit à la vie privée: le fichier des identités biométrique inconstitutionnel. La décision du Conseil constitutionnel est un renfort précieux pour le Parlement européen.

La nouvelle carte d’identité biométrique  est jugée  inconstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel. Nea say dans son N° 119 avait laissait entendre  qu’il y aurait des difficultés, le verdict est tombé le 22 mars. Cette décision constitue une jurisprudence majeure. Le projet aura du mal à rebondir sans des modifications importantes. Une décision qui s’inscrit, une fois de plus dans la logique des cours européennes. Il n’y aura donc  pas de fichier unique rassemblant les données biométriques des détenteurs de la nouvelle carte d’identité : l’article 10 de la loi a été annulé. C’était le point qui avait soulevé le plus d’oppositions, mais il n’y aura pas que cela si on lit attentivement le texte de la décision.

Il n’y aura pas de fichier unique rassemblant les biométries (taille, couleur des yeux, deux empreintes digitales et une photographie) de tous les détenteurs de la carte nationale d’identité – potentiellement des dizaines de millions de Français. Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 22 mars, la création de cette base de données géante prévue par l’article 5 de la loi relative à la protection de l’identité pour une raison  simple : le respect de la vie privée.  La lutte contre le terrorisme ne justifie pas tout. L’évocation de la lutte contre le terrorisme permettait et permet encore beaucoup (cf. l’accord PNR Union européenne/Etats-Unis) mais elle vient de trouver ses limite : l’article 10 de la loi, qui permettait la consultation dérogatoire du fichier dans ce but, est annulé. Le Conseil était saisi d’un recours de parlementaires du parti socialiste, beaucoup d’alarmes ont été agitées, nombreuses ont été les critiques durant les nombreux débats  à l’Assemblée nationale et au Sénat – pas moins de cinq lectures dans chaque chambre.

Le Conseil constitutionnel émet souligne  que « la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et doivent être mises en œuvre de manière proportionnée ». La sécurisation de la délivrance des titres d’identité et l’amélioration de l’efficacité de la lutte contre la fraude sont  des motifs d’intérêt général incontestables pour le Conseil  Constitutionnel.

Mais aux yeux du Conseil constitutionnel, c’est le principe de proportionnalité qui n’est pas respecté, c’est ce même argument qui est le plus souvent mis en avant par certains députés européens qui s’opposent au Conseil. Ils trouveront là un renfort précieux dans leur combat. « Eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions de l’article 5 portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi. » Les « sages » rejoignent la position de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La CNIL avait estimé, fin octobre 2011, que « la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée de données biométriques, au regard de l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire, n’est pas à ce jour démontrée ».

L’argumentation de la lutte contre la fraude à l’identité par usurpation notamment, argument peu contesté, m’a pas pesé aussi lourd qu’on l’estimait, faute de chiffres incontestables. L’avis de la CNIL (cf. Nea say ) n’a pas été suffisamment pris en compte, même si un effort avait été fait pour aller à la rencontre de son opinion.

En fait, le Conseil constitutionnel  rejoint  la jurisprudence très protectrice de la Cour européenne des droits de l’homme. En décembre 2008, la CEDH avait condamné le Royaume-Uni pour « atteinte au droit au respect de la vie privée », après la création d’un fichier rassemblant toute personne impliquée d’une manière ou d’une autre dans un délit, qu’elle soit témoin, victime, simple suspect ou coupable. La Cour avait jugé que « la conservation d’empreintes digitales peut en soi donner lieu à des préoccupations importantes concernant le respect de la vie privée et constitue donc une atteinte au droit au respect de la vie privée » et estimait « essentiel de fixer des règles claires et détaillées ».

Le Conseil a également censuré la création d’une deuxième puce, « permettant de s’identifier sur les réseaux de communication électroniques et de mettre en oeuvre sa signature électronique ». Cette puce à visée commerciale était destinée à assurer le succès de la carte, en offrant un service supplémentaire. Les députés socialistes et les sénateurs dénonçaient le mélange des genres : ils ont été entendus.  Par manque de précision sur ce plan, « le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence », a estimé le Conseil.

Il va  falloir trouver une solution acceptable, elle,  car la création d’une nouvelle carte d’identité n’est pas censurée. Des solutions techniques existent. Par contre, un autre projet reçoit un coup sévère : le  projet de création d’une carte Vitale biométrique, pour lutter contre la fraude à la Sécurité sociale.

      -.Communiqué de presse du Conseil constitutionnel http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2012/2012-652-dc/communique-de-presse.105166.html

      -. Texte de la décision du Conseil constitutionnel http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2012/2012-652-dc/decision-n-2012-652-dc-du-22-mars-2012.105165.html

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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