Le rapport de Tineke Strik (Pays-Bas, SOC), est rendu public un an après ce tragique mais fréquent fait divers dont Nea say avait alors rapporté le déroulement. Le rapport est le fruit d’une enquête de neuf mois lancée à la demande de 34 membres de l’Assemblée à la suite d’un tragique accident survenu en mars 2011, au cours duquel 63 personnes tentant de fuir le conflit en Libye auraient péri en mer, après que leurs appels de détresse eurent été ignorés, notamment par des forces armées opérant dans le secteur. Depuis le début de 2011, on sait qu’au moins 1500 personnes ont perdu la vie en Méditerranée alors qu’elles tentaient de gagner le territoire européen – sachant que cette mer est l’une des plus fréquentées et des mieux surveillées au monde. L’ enquête s’est concentrée sur un accident particulièrement tragique au cours duquel 63 personnes ont trouvé la mort, visant à établir qui est responsable de ces morts. Le rapport, un rapport détaillé, précis de 26 pages a été établi. Accablant ! Il sera officiellement présenté à la plénière de l’Assemble parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) le 24 avril prochain. Il a été adopté le 29 mars à Bruxelles par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.
Au cours de l’enquête, Tineke Strik a mené des entretiens approfondis avec des survivants, avec les autorités italiennes et maltaises chargées des recherches et des secours en mer, ainsi qu’avec des responsables de l’OTAN et de l’Union européenne. Elle a également adressé des questions écrites précises à plusieurs gouvernements, y compris ceux dont des bâtiments équipés d’aéronefs se trouvaient dans le secteur au moment du drame. Elle a en outre obtenu une reconstitution du trajet des victimes établie par des océanographes spécialisés.
Les conclusions du rapport sont sans appel : l’absence de réaction aux appels de détresse et l’« absence de responsabilité » pour la recherche et le sauvetage font partie d’un « ensemble de défaillances » ayant conduit à la mort de 63 personnes qui fuyaient par la mer le conflit en Libye, au cours d’un tragique périple de 15 jours en mars 2011. La responsabilité de ces morts est imputable notamment aux autorités italiennes chargées des opérations de recherche et de sauvetage en mer, à l’Otan, aux pays dont les navires battaient pavillon dans la zone en question, aux autorités libyennes et aux trafiquants sans scrupules.
Le bateau, qui avait quitté Tripoli avec 72 personnes à bord une semaine après le début des frappes aériennes internationales sur la Libye, s’est échoué sur la côte libyenne 15 jours plus tard avec seulement neuf survivants – alors même que des messages de détresse donnant sa dernière position connue étaient régulièrement émis à l’intention de tous les navires présents dans le secteur. L’Otan « n’a pas réagi aux signaux de détresse » dans une zone militaire qu’elle contrôlait, déclare la commission. L’OTAN a tenté de répondre en minimisant sa responsabilité et rappelant que l’OTAN a participé au sauvetage de plusieurs centaines de personnes en détresse.(Cf. infra la lettre de l’OTAN du 27 mars dernier). L’OTAN a fait remarquer que la frégate de la marine espagnole Méndez Núñez, sous commandement de l’Otan, se serait trouvée à 11 milles seulement, bien que les autorités espagnoles contestent cette distance. Un bâtiment militaire italien, le Borsini, se trouvait, quant à lui, à une distance de 37 milles marins. Chacun de ces deux navires peut accueillir un hélicoptère. Seul un débat contradictoire permettra de clarifier les zones d’ombre ou les points contestés. A ce stade et compte tenu des informations dont dispose le rapporteur, la conclusion est tout à fait clair dans la détermination des responsabilités : « l’OTAN doit donc endosser la responsabilité pour le bateau qui n’a pas répondu aux appels au secours du bateau cercueil ».
La commission estime , en le soulignant, « crédibles » les témoignages des neuf survivants de l’incident, qui ont déclaré qu’un hélicoptère militaire leur avait jeté de l’eau et des biscuits et indiqué qu’il allait revenir, mais il ne l’a jamais fait. D’après les survivants, le dixième jour de la traversée – alors que la moitié des passagers avaient péri – « un gros vaisseau militaire » s’était approché, suffisamment près pour qu’ils puissent voir l’équipage muni de jumelles, mais ce bâtiment s’était éloigné sans se porter à leur secours.
La commission en conclut que « maintes occasions de sauver les vies des personnes à bord du bateau ont été perdues ». Elle demande à l’Otan de mener une enquête sur l’incident et de fournir des réponses détaillées aux questions qui sont encore sans réponses, et elle invite le Parlement européen à s’efforcer d’obtenir des informations supplémentaires, y compris les clichés pertinents pris par satellite. Les parlements nationaux des Etats concernés devraient aussi mener des enquêtes. Il devrait y avoir en outre une révision complète de la réglementation maritime afin, d’une part, de combler l’« absence de responsabilité » quand un Etat ne peut pas effectuer d’opérations de recherche et de sauvetage dans la zone qui lui est assignée et, d’autre part, de régler le conflit entre l’Italie et Malte quant au point de savoir quel est le pays qui doit être responsable du débarquement des personnes secourues en mer.
Conclusions
Ce drame fait ressortir tout un inventaire de défaillances : la responsabilité est collective ;. Les autorités libyennes sont responsables de ce qui fut une expulsion de fait de passagers sub-sahariens et elles n’ont pas assumé la responsabilité de leur zone SAR (Search and Rescue). Les trafiquants se sont montrés indifférents à la vie des passagers, ont surchargé le bateau et n’ont pas fourni le ravitaillement nécessaire. Si le centre de coordination de sauvetage maritime a vérifié la position de l’embarcation et diffusé, d’une manière générale, les appels de détresse, il n’a pas veillé à ce que le sauvetage des passagers soit assuré. Il a omis de contacter les navires proches de l’embarcation en détresse et de les charger du sauvetage des « boat people ». Comme il était notoire que la zone SAR libyenne n’était pas couverte, l’Italie en sa qualité de premier Etat à recevoir les appels de détresse, il aurait dû assumer la responsabilité d’une coordination des opérations SAR. L’OTAN avait déclaré le secteur zone militaire sous son contrôle, mais n’a pas réagi aux appels de détresse envoyés par le Centre de coordination de sauvetage maritime de Rome. Le rapport souligne qu’au moins deux navires participant aux opérations de l’OTAN se trouvaient dans les parages du bateau lorsque a été lancé l’appel de détresse : la frégate espagnole Mendez Nunez (à une distance de 11 miles) et L’ITS Borsini un navire italien (à 37 miles. Tous deux étaient équipés pour transporter des hélicoptères. Ces deux navires comme d’autres navires dans les environs ont manqué à leur obligation de mener des opérations de recherche et de secours. Un point trouble ^particulièrement le rapporteur est « l’absence inquiétante » d’intervention de la part d’un hélicoptère militaire et d’un gros bâtiment de la marine pour secourir le bateau après que ces unités l’aient croisé et soient entrés en contact avec lui. Ce constat vaut aussi pour au moins deux bâtiments de pêche. Mais aucune de ces unityés n’a encore été identifiées avec certitude. Autre défaillance , le cadre juridique maritime, car il n’établissait pas explicitement qui était responsable d’une zone SAR lorsqu’un pays se trouvait dans l’incapacité de remplir ses obligations. Enfin il y eu du côté de l’OTAN et des Etats membres impliqués dans la préparation de l’opération « Unified Protector » au large des côtes libyennes, défaillances d’autant plus condamnables qu’il était prévisible, notamment compte tenu de ce qui s’était passé au cour des dernières années, qu’il y aurait un exode de personnes fuyant la pays y compris par la voie maritime la plus dangereuse. « L’OTAN n’a pas assumé toutes ses responsabilité en l’espèce, car les communications relatives au navire en détresse n’ont pas été transmises par le quartier général de l’OTAN à Naples aux vaisseaux placés sous son contrôle. « Il devient manifeste que l’OTAN n’était pas très accessible pour entendre les demandes relatives des opérations SAR », alors qu’il était notoirement prévisible que de nombreux réfugiés quitteraient la Libye, aucun accord pour travailler ensemble n’était conclu entre les responsables des opérations SAR et le quartier général de l’OTAN à Naples, privant ainsi d’aide les personnes à bord du bateau en détresse.
Il convient de tirer tous les enseignements utiles pour l’avenir et s’imposent un certain nombre de recommandations :
-. combler l’absence de responsabilité pour une zone SAR abandonnée par un Etat en modifiant si nécessaire la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes (ConventionSAR) ;
-. veiller à ce qu’il existe des directives claires et simples sur ce qu’est un appel de détresse pour éviter toute confusion ;
-. éviter les divergences d’interprétation de la définition d’un navire en détresse ;
-.s’attaquer aux motifs pour les quels des navires marchands ne portent pas secours aux bateaux en détresse : questions économiques, nature et montant du dédommagement ;
-. régler le désaccord entre Malte et l’Italie sur le point de savoir si le débarquement doit se faire dans le port sûr le plus proche ou dans un port du pays de la zone SAR et il revient à l’Organisation maritime internationale de trouver une application harmonisée du droit maritime international ;
-. faire disparaitre la crainte de poursuites pénales pour trafic ou aide à la migration illégale pour ceux qui porteraient de l’aide à des migrants illégaux , clandestins ou demandeurs d’asile et réfugiés ;
-. ériger en infraction pénale le non respect des obligation dérivés du droit de la mer par des navires commerciaux ;
-. veiller au respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à ce que les personnes sauvées par des opérations de secours ne soient pas renvoyées dans un pays où elles risquent de mauvais traitements ;
-. s’attaquer à la question du partage des responsabilités et élaborer un protocole communautaire contraignant pour le secteur de la Méditerranée ;
-.respecter le droit des familles à connaitre le sort de ceux qui perdent la vie en mer ;
– . assurer le sui vi de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur l’interception et le sauvetage en mer des demandeurs d’asile, réfugiés et migrants en situation irrégulière ;
– . au vu de toute une série de défaillances de l’OTAN une série de recommandations concernent plus spécifique ment l’OTAN : répondre aux questions posées par le Conseil de l’Europe, prendre les mesures qui s’imposent à la lumière des conclusions de l’enquête du Conseil de l’Europe ,prépare ses opérations en tenant compte des mouvements des réfugiés.
-.Texte intégral du rapport http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/20120329_mig_RPT.FR.pdf
-.Dernière lettre de l’OTAN du 27 mars 2012 http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/20120329_mig_LET.APENDIX.EN.pdf
-. Dossier de l’APCE sur les boat people en Méditerranée http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Communication/MigrantsAfriqueDuNord/default_FR.asp