Le respect des « droits de l’Homme » est un des buts de l’Organisation des Nations Unies (ONU), inscrit dans sa Charte à l’article 1 (« les buts des Nations Unies ») (1).La Charteprévoyait la possibilité de créer des organes subsidiaires qui viendraient s’ajouter aux « organes principaux de l’Organisation des Nations Unies » (Chapitre 3 : « Organe) qui sont l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle,la Courinternationale de Justice et le Secrétariat. C’est dans ce cadre légal que le Conseil des Droits de l’Homme a été créé en tant qu’organe dela Charteet succède, depuis 2006, àla Commissiondes droits de l’homme.
L’Historique du Conseil des droits de l’homme :la Commission des droits de l’homme
La Commissiondes droits de l’homme a été établie par la résolution 5 (I) du Conseil économique et social du 16 février 1946.La Commissionse réunissait en session annuelle et, si nécessaire, en session spéciale et rapportait au Conseil économique et social (ECOSOC), qui était l’organe de rattachement dela Commission. En1947, un organe subsidiaire fut créé,la Sous- Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, composé d’experts indépendants qui avaient pour mission de réaliser des études à la lumière dela Déclaration Universelledes Droits de l’Homme, fruit du premier travail dela Commission. Cesétudes se rapportaient aux thèmes de la promotion et de la protection et certaines permirent des avancées considérables comme celles du Professeur Francesco Capotorti et du juge Jules Deschènes qui ont donné la définition désormais classique des minorités nationales, ou celle de Monsieur Whitaker sur la qualification de génocide, avec la reconnaissance du génocide arménien. Plus récemment, les principes directeurs sur la responsabilité des entreprises multinationales en matière de droits de l’homme ont été dégagés suite aux travaux de David Weissbrodt et à de nombreuses consultations des parties prenantes (2).La Commissions’est dans un premier temps tenue à l’élaboration d’un corpus normatif concernant les droits de l’Homme qui, dans les années60, adébouché sur l’adoption de deux textes rassemblant l’ensemble : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces deux Pactes etla Déclarationforment la « Charte Internationale des Droits de l’Homme » (3). Après cette première période de fixation de la norme,la Commissionsera autorisée par l’ECOSOC, sur encouragement de l’Assemblée Générale, à traiter des violations des droits de l’homme. Elle créera ainsi des mécanismes et des procédures pour s’assurer que les Etats respectent le droit international (via des missions d’enquête, des rapporteurs spéciaux et des groupes de travail). Vient ensuite un processus d’élargissement de la notion de « droits de l’homme » en intégrant les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que le droit au développement et le droit à un niveau de vie suffisant.
La politisation accrue de la Commission (qui rendait de plus en plus tendues ses relations avecla Sous Commission), la participation d’Etats ayant des rapports problématiques aux droits de l’Homme (la Lybie accéda à la présidence dela Commission en 2003, cela fit scandale et servira les détracteurs de l’organe pour demander sa suppression) donnèrent des arguments pour une réforme dont la première pierre viendra du Secrétariat Général. En effet, dans son rapport du 24 mars 2005 intitulé « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous », il appelle à la création d’un nouvel organe, le Conseil des droits de l’homme, et propose d’en faire un organe subsidiaire de l’AG/ONU.
La mise en place du Conseil des droits de l’homme et son fonctionnement
L’Assemblée Générale de l’ONU adopte, une année plus tard, le 15 mars 2006, la résolution 60/251 par laquelle elle « décide d’instituer le Conseil des droits de l’homme, siégeant à Genève en remplacement dela Commission des droits de l’homme, en tant qu’organe subsidiaire de l’Assemblée générale, cette dernière devant réexaminer le statut du Conseil d’ici cinq ans » (4). Ses organes subsidiaires sont le Groupe de travail sur l’examen périodique universel et le Comité Consultatif. Prenant acte des critiques, le Conseil a limité le nombre de membres à 47 contre 53 pourla Commission. C’est un chiffre de compromis également entre la vision dela France et de l’Allemagne pour qui les droits de l’homme ont une vocation universelle et qui entendaient élargir au maximum le nombre de membres, et la vision des Etats-Unis, plus pragmatique, qui espérait pouvoir compter sur un Conseil plus restreint et, dans l’hypothèse, plus efficace. Au terme d’un long processus de création qui a duré un an, le Conseil est né comme organe dela Charte. Quelques différences entre les deux organes (Commission et Conseil) peuvent être soulevées (5) :
– Le Conseil est directement rattaché à l’Assemblée générale de l’ONU. Son statut est donc plus élevé que celui dela Commission qui était un organe fonctionnel de l’ECOSOC de l’ONU ;
– Les États siégeant au Conseil sont maintenant élus à la majorité absolue. L’élection des membres du Conseil suit une représentation géographique équitable ;
– Élus pour un mandat de trois ans, les membres du Conseil ne sont pas immédiatement rééligibles après deux mandats consécutifs ;
– Les États candidats au Conseil sont tenus de rendre publics leurs « engagements volontaires » de respect des droits humains. Dansla Commission, les États membres n’avaient pas d’engagement particulier à prendre.
Le Conseil des Droits de l’Homme intègrela Charte, au même titre que l’ « examen périodique universel » (EPU). Ce dernier s’étend sur six semaines par an et se déroule pour l’essentiel en dehors des sessions du CDH. Chaque année, 48 États tirés au sort sont examinés par un groupe de travail constitué des 47 membres du CDH. Selon les Nations Unies, « il fournit à chaque Etat l’opportunité de présenter les mesures qu’il a pris pour améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire et remplir ses obligations en la matière » (6).
Trois sessions ordinaires, au minimum, sont prévues par année ainsi que la possibilité d’organiser des réunions extraordinaires sur proposition d’un des membres ayant le soutien du tiers des membres du Conseil (7). C’est le lieu d’une discussion sur de nombreuses questions entre les Etats mais également avec la société civile (un espace sur le site Internet est d’ailleurs réservé à l’information à destination des ONG (8)).
Dernière session et investissement du Parlement Européen
La dernière session ordinaire se tint à Genève du 27 février au 23 mars 2012. Cette session revint sur les questions d’actualité : les situations dans les pays du « Printemps Arabe »,la Syrieetla Libyemais également les avancées et les progrès concernant les droits de l’homme au Myanmar. Les institutions de l’UE sont également représentées au sein du CDH notamment viala Sous Commissiondes Droits de l’Homme du Parlement Européen qui entend « renforcer sa coopération avec les autres institutions européennes, ainsi qu’avec ses partenaires internationaux que sont l’ONU et son Conseil des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe et les différentes ONG » (9). Le Parlement Européen, en février, avait adopté une résolution sur les positions à tenir lors de cette session du CDH. Cette position s’inscrivait pleinement dans la stratégie de relance de leadership de l’UE en matière des droits de l’homme et devait « contribuer à faire de sa politique extérieure une force plus active, plus cohérente et plus efficace dans le monde ». Pour ce faire, le Parlement réaffirme que la promotion et la sauvegarde de l’universalité des droits de l’homme est le fondement de la politique européenne en la matière. En effet, le Parlement appelait « à nouveau les Etats membres de l’Union à s’opposer fermement à toute tentative visant à porter atteinte au concept d’universalité, d’indivisibilité et d’interdépendance des droits de l’homme et à encourager activementla CDHà accorder la même attention à toutes les discriminations, quel que soit le motif sur lequel elles se fondent ». Il se réjouit, dans cette perspective, quela CDHentende appliquer les droits de l’homme à caractère universel et indivisible « indépendamment de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre » (10). Sur cette question des discriminations faites à l’encontre des homosexuels, deux camps se firent face : les pays occidentaux et latino-américains qui soutenaient le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon pour qui « le moment d’agir est venu » et les pays dits « islamiques » (par la voix de l’Organisation dela Coopération Islamique, OCI) qui demandèrent, eux, que ce débat « soit le dernier » (11). La remise sur le devant de scène de l’universalité des droits de l’homme par l’UE intervient alors qu’il est nécessaire pour cette dernière de se montrer irréprochable vis-à-vis des pays du pourtour Méditerranéen après des décennies de soutien à l’ « autoritarisme modernisateur ». Or, au sein dela CDH, la redistribution des sièges est devenue défavorable aux pays occidentaux : pour constituer un organe quasi permanent, ces derniers ont dû faire des concessions, notamment celui de leur nombre. Il s’avère que, si les différents textes sur les droits de l’homme de par le monde s’inspirent dela Déclaration Universelle, des différences fondamentales existent (les Déclarations Islamiques par exemple) (12).
Mathieu Arnaudet (Master complémentaire Institut d’Etudes européennes –Université libre de Bruxelles)
Notes de bas de page :
(1) Charte des Nations Unies (français) : http://www.un.org/fr/documents/charter/pdf/charter.pdf
(2) Voir le témoignage de Emmanuel Decaux, membre de cette Sous Commission : Decaux Emmanuel, «La Sous-Commissiondes droits de l’homme des Nations Unies, de 1947 à nos jours », Relations internationales , 2007/4 n° 132, p. 59-77
(3) Informations provenant du site des Nations Unies sur les « organismes des droits de l’homme à Genève » : http://www.aidh.org/ONU_GE/Commission/Comm.htm
(4) Résolution 60/251 adoptée par l’Assemblée Générale : http://www2.ohchr.org/french/bodies/hrcouncil/docs/A.RES.60.251_Fr.pdf
(5) Ces différences sont choisies dans celles soulevées par le Journal suisse, Le Temps, du 16 mars 2006, http://www.letemps.ch/
(6) Site des Nations Unies : http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/UPR/Pages/UPRMain.aspx
(7) « Décide en outre que le Conseil se réunira régulièrement tout au long de l’année et tiendra au minimum trois sessions par an, dont une session principale, qui dureront au total au moins dix semaines, et pourra tenir au besoin des sessions extraordinaires si un membre en fait la demande appuyé en cela par le tiers des membres du Conseil », Résolution 60/251 créant le Conseil des Droits de l’Homme
(8) http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/NgoParticipation.aspx
(9) Mot de bienvenue sur le site de la Sous-Commission: http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/DROI/home.html
(10) Résolution du Parlement Européen du 16 février 2012 sur la position du Parlement pour la 19ème session du CDH des Nations Unies : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P7-TA-2012-0058&language=FR
(11) Site de la Libre Belgique: http://www.lalibre.be/societe/general/article/724483/l-homosexualite-fache-au-conseil-des-droits-de-l-homme.html
(12) Les instruments arabes des droits de l’homme : http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Arabe/inst_cons-decla81_1.htm
Pour en savoir plus :
-. Charte des Nations Unies :
(FR) http://www.un.org/fr/documents/charter/pdf/charter.pdf
(EN) http://www.un.org/en/documents/charter/
-. Résolution 60/251 adoptée par l’Assemblée Générale créant le Conseil des Droits de l’Homme :
(FR) http://www2.ohchr.org/french/bodies/hrcouncil/docs/A.RES.60.251_Fr.pdf
(EN) ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N05/502/66/PDF/N0550266.pdf?
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