Première idée simple, les Etats ne peuvent pas vivre au-dessus de leurs moyens pendant des années (plusieurs décennies pour la France) et l’équilibre budgétaire n’est pas un objectif vague, une déclaration rituelle et platonique mais une impérieuse nécessité. Deuxièmement un Etat qui a emprunté (beaucoup) doit rembourser ses dettes, restent à définir la part des dettes à rembourser, le rythme, le taux d’intérêt, les mécanismes, c’est la part négociable légitime. Le système bancaire joue un rôle vital dans l’économie et son affaiblissement constituerait un frein à la croissance, mais il doit avoir un comportement responsable et contribuer au financement de l’économie réelle, sa rétribution doit être modéré et son imposition à la hauteur des autres acteurs. Il doit supporter sa part du coût de la crise. Particuliers, agents économiques, puissance publique ne doivent plus être placés en permanence sous le feu de la spéculation.
La crise de la dette a éclaté avec son prix à payer : le redressement des finances publiques, la réduction des dépense publiques et l’augmentation des recettes fiscales. Théoriquement, cette « austérité » devait , pensait-on,renforcer la compétitivité, stimuler les exportations et à la longue ramener la croissance qui permettrait de rembourser les dettes, créer des emplois, augmenter le pouvoir d’achat, bref remettre en marche les cercles vertueux du développement économique. A ce jour cela n’a pas fonctionné comme espéré et il faut constater que forcément il y a quelque chose qui n’a pas tourné rond.
Obnubilé par les dettes souveraines, il a été perdu de vue que pendant des décennies, en fait pour un pays comme la France (et d’autres) depuis le second choc pétrolier, la croissance a été chétive et les années de réelle croissance, l’exception. Il faudrait un taux annuel de 3% pour avoir un peu de répit. Pari difficile dans des économies qui font face à d’autres problèmes comme le vieillissement, la diminution de la population active, la nécessité de payer des retraites, une compétitivité en berne, une innovation timorée, les bases industrielles minées et la nécessité du « redressement productif », l’éducation et la formation en échec. De tout cela il faut tirer les leçons. Encore timidement mais de façon de plus en plus impérative apparait le mot de « réformes structurelles ». Nous y sommes enfin arrivés. Il faut se réformer.
Jacques Delors et Antonio Vitorino viennent de le rappeler dans un court appel particulièrement vigoureux : « on ne saurait confondre « protocole additionnel » (au pacte budgétaire) et manne providentielle et se dispenser de réformes structurelles qu’il convient d’adapter aux traditions et situations des économies et sociétés de l’UE. Tout comme on ne saurait occulter la nécessité de traiter plus résolument les fragilités des systèmes bancaires, ce qui suppose à la fois la poursuite des mouvements de recapitalisation et de consolidation en cours et le renforcement des mécanismes de régulation . (…) Pour l’ensemble des pays européens, et notamment la France, l’important est de réaffirmer la nécessité de telles réformes, en les appliquant selon un rythme compatible avec le maintien de la cohésion sociale et des perspectives de croissance » .
Il n’y a pas de sortie de la crise sans renforcer la solidarité collective, qui elle ne va pas sans un sens de la responsabilité individuelle accrue. La confiance est à ce prix, elle légitime les intrusions grandissantes dans la souveraineté des Etats. L e ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble l’a déclaré très clairement : « tant qu’un pays mène sa propre politique budgétaire, il est exclu de mettre en commun la garantie pour les obligations (…) Chaque pays qui paie des taux d’intérêt élevés veut payer moins. Pour cela il faut convaincre les marchés en faisant des réformes structurelles, créatrices de croissance, renforcer la compétitivité, reculer les déficits. »
Un constat difficile à accepter, forces syndicales et politiques s’insurgent et, il faut les convaincre qu’ils confondent austérité, rigueur et réformes structurelles. Aucune baguette magique, quel qu’en soit le nom, euro obligations, pacte budgétaire… ne va résoudre la crise et rapidement, seuls des efforts solides, à long terme permettront de sortir de l’impasse. Déficit budgétaire et croissance faible ont accompagné pendant des années notre quotidien, il est surprenant que ce ne soit qu’aujourd’hui que la note est présentée, un retard qui rend encore plus difficile d’honorer cette facture douloureuse. L’heure de vérité approche à grand pas. Nous aurons un premier aperçu le 30 mai quand la Commission présentera ses recommandations aux Etats membres dans le cadre du « Semestre européen ». Plus certainement encore, au sommet de la fin juin. Le président du Conseil en liaison étroite avec la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le président de l’Eurogroupe présentera un rapport reprenant les différentes options pour le renforcement de l’union économique et la relance de la croissance. Nous vivons un moment crucial dans l’histoire de l’union européenne dont la crise des dettes souveraines n’a fait que révéler les faiblesses intrinsèques. Nous sommes désormais arrivés au point où le processus d’intégration européenne a besoin d’un saut courageux d’imagination politique. L’union politique est en filigrane partout et ce n’est pas un hasard si Wolfgang Schäuble vient de lancer un appel en faveur de l’élection d’un « président de l’Union ».
La dure réalité est qu’il n’y a aucune solution magique pour résoudre la crise. Nous devons maintenir nos dépenses sous contrôle, rembourser nos dettes et introduire rapidement des réformes. Une Union économique et budgétaire, une Union budgétaire, oui certes et aussi d’une certaine façon une « union bancaire » plus régulée avec des fonds de garantie communs des dépôts, oui, certes encore mais s’appuyant sur une union politique renforcée, démocratique et légitime ce qui implique une participation plus grande des parlements nationaux conjointement avec le Parlement européen. La crise a dores et déjà débouché sur un surcroît d’intégration (six pack, two pack , semestre européen , euro Plus etc ., une Commission renforcée ).Il convient de prolonger tout cet acquis obtenu dans des délais exceptionnellement rapide.