La liberté des médias d’informer les citoyens sur les sujets le plus variés, comme par exemple les actions de l’Etat, est l’un des droits les plus élémentaires de l’Union européen. La liberté de la presse est la base d’une société démocratique telle que l’Union européenne. Ce droit constitue une condition sine qua non de la préservation de toutes les autres libertés politiques.(1) Au niveau international, la liberté d’opinion, d’expression et d’information trouve son assise dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que dans l’article 19 du Pacte internationale relatif aux droits civils et politiques. Une place centrale occupe l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans son article 11 paragraphe 2, se réfère directement à la liberté des médias et au respect du pluralisme. Ce texte bénéficie de la même valeur contraignante que le Traité de Lisbonne. Ainsi l’article 2 du Traité sur l’Union européenne pose la liberté et la démocratie à la base de ses valeurs. Une violation ce ces valeurs pourrait entraîner un mécanisme de suspension de droit d’un Etat membre(2).
A plusieurs reprises, les acteurs institutionnels européens ont signalé la méconnaissance, de la part des Etats membres, de ces principes et valeurs fondamentales médias. Ainsi le Parlement la Commission et le Conseil, se sont posés la question de savoir si et dans quelle mesure l’Union est compétente pour créer des lois à ce sujet. Les affrontements avec Silvio Berlusconi comme avec la Hongrie de Orban (dont Nea say a relaté en détail les épisodes) ont constitué des éléments importants de cette volonté, mais les résultats n’ont pas été au rendez-vous, notamment en ce qui concerne le Parlement européen.
Le Parlement européen vient de relancer ce débat sur l’opportunité d’une intervention de l’Union dans le domaine de la liberté de la presse. Le 20 juin la commission Libe ( Libertés civile, Justice et affaires intérieures Le point est de nouveau d’actualité suite à l’adoption par l’Hongrie, en janvier 2011 d’une nouvelle loi imposant un régime strict de supervision des médias. Cette législation étant considérée par beaucoup comme liberticide. Plusieurs Etats membres, ont exprimé leurs inquiétudes(3). La Commission européenne, en février, a émis des doutes sur la législation en question. En effet la vice-présidente de la Commission, Neelie Kroes a déclaré : «de profondes inquiétudes sur la situation actuelle en Hongrie persistent. Et ces inquiétudes se basent sur des faits, non des mythes ».
Dans sa Résolution sur la loi hongroise sur les médias(4), le Parlement européen, a invité les autorités hongroises à rétablir l’indépendance de la gouvernance des médias, à faire cesser les ingérences de l’État dans la liberté d’expression et prôné une «couverture journalistique équilibrée». Dans ce contexte, le Parlement et la Commission envisagent la thématique de façon différente. Le premier regrettant que « la Commission se soit limitée à examiner uniquement trois aspects de la mise en œuvre de l’acquis par la Hongrie, et l’absence de référence à l’article 30 de la directive «services de médias audiovisuels», limitant de la sorte sa propre compétence de contrôle du respect par la Hongrie de la Charte des droits fondamentaux dans la mise en œuvre de la législation de l’Union (5)
Deux documents de Travail pour relancer l’opportunité d’une initiative législative en matière de liberté de la presse viennent d’être examinés par la Commission LIBE.
Le 20 juin 2012 , la commission LIBE a discuté du rapport intitulé « Charte de l’UE: ensemble de normes pour la liberté des médias à travers l’UE ». Ce dernier se compose de deux documents de travail qui pourraient permettre au Parlement européen de prendre part au débat plus large sur la liberté́ des media Ce débat permettrait au parlement de demander à la Commission de soumettre une proposition.
La rapporteure, Renate Weber (ADLE) met l’accent sur l’importance des acteurs institutionnels ainsi que sur les ONG, ceux-ci devant permettre de collecter des données sur la situation réelle dan les pays membres. La députée a présenté le résultats du rapport annuel de Reporters sans frontières sur le classement de la liberté de presse(6) : « la situation dans certains pays d’Europe est dramatique ». En effet selon l’ONG française, au sein de l’Union européenne,certains pays comme la Bulgarie (80e dans le classement mondiale), la Grèce (70e) et l’Italie (61e), ne résolvent pas leurs problèmes d’atteintes de liberté de la presse, essentiellement par absence de volonté politique en la matière.
Les ONG et l’OSCE signalent les diverses formes d’ingérence de l’Etat dans la liberté d’expression de la presse, parmi lesquelles on peut citer le contrôle politique direct ou indirect, ainsi que la limitation d’accès de certaines entreprises de presse au marché par le moyen de distribution de licences et d’autorisations de diffusion. De plus, les gouvernements utilisent abusivement les règles concernant la sécurité de l’Etat. Et encore : des lois concernant la concentration des médias sont inexistantes(7).
D’où l’importance du dialogue entre institutions et organisations non gouvernementales afin de contribuer à la protection de la liberté et le pluralisme des médias. C’est pour ces raisons qu’il faut instaurer un dialogue entre la Commission, le Parlement, le Conseil de l’Europe et des organismes comme l’OSCE, les ONG ainsi que les citoyens. Ce dialogue permettra de pouvoir mieux mener des études, encadrer le problème afin de trouver une solution.(8). De plus, le rapport suggère de consolider les normes de droit international, notamment la Convention européenne des droit de l’homme (ainsi que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg) , ou encore les normes crées par l’OSCE, l’ONU et l’UNESCO. Ces normes ne doivent pas passer inaperçues des Etats membres.(9).
Pour rendre une tutelle effective des médias, il faudrait surveiller les normes en vigueur dans les Etats membres. Ainsi, le rapport signale que l’Agence des droits fondamentaux en relation avec les ONG pourraient bien effectuer la tâche au travers de ses différents rapports.(10)
L’approche de la Commission européenne est différente face à la tutelle des médias. La Commission européenne a toujours maintenu les distances en thème de protection du pluralisme. Après l’échec de la proposition de directive sur la protection du pluralisme en 1997, la Commission entreprend en 2007 une « approche en trois étapes »(11). Malheureusement la troisième étape de ce projet a été abandonnée.
Certes, depuis la crise en Hongrie la Commission a accompli davantage d’efforts pour préserver le pluralisme au sein de l’Union. A cet effet, la commissaire Kroes a crée un groupe à haut niveau sur la liberté et le pluralisme des médias qui a pour objectif final d’ analyser la situation actuelle des médias afin de proposer les moyens concrets pour faire face aux atteintes au le pluralisme et donc à la démocratie. Les résultats du groupe sont attendus avec impatience avant la fin de l’année.
Pendant la réunion LIBE du 20 juin, les membres de la Commission ont relevé qu’il est de la compétence des Etats Membres de garantir la liberté d’opinion, d’expression et d’information. L’Union intervient exclusivement en cas de menace sérieuse et d’atteinte à l’ordre juridique européen. « la charte limite les pouvoirs de la commission avec le principe de la subsidiarité. La charte ne donne pas des nouvelles compétences a la Commission », a déclaré la porte- parole de Neelie Kroes. Effectivement, le rapport de la commission LIBE invite à une réflexion sur l’argument, sans apporter des véritables réponses.(12)
Quelle devrait être la nature de l’intervention de l’union européenne ? Le rapport n’apporte pas une véritable réponse sur la nature de l’intervention des acteurs européens dans le domaine de liberté des médias.(13) Faut-il prévoir une initiative législative de l’UE ou plutôt des initiatives d’auto-règlementation ou tout simplement une intervention de sauvegarde en cas de violation de la liberté et du pluralisme des médias dans les Etats membres?
Selon la rapporteure Renate Weber (ADLE) il ne s’agit pas de réglementer la profession de journaliste mais de créer des normes qui garantissent l’actions des médias de fournir aux citoyens les informations nécessaires sur l’action des gouvernants. Monsieur Busuttil (PPE) préconise des lois précises : certes les Etats membres doivent être responsables de légiférer mais l’Union doit intervenir en cas de violation des droits fondamentaux. Le député de la gauche Rui Tavares (GUE/NGL) signale que, dans cette période de crise, l’Union pourrait accroître ses compétences au sujet des médias : « l’information ne connaît pas de frontières ». Il estime qu’il serait opportun prévoir des normes minima au sein de l’Union. Ainsi les Etats membres pourraient affiner ces règles dans leur territoire : cela ne comporterait pas violation du principe de subsidiarité.
En ce qui concerne la préservation de l’indépendance des organismes nationaux de régulation ainsi que des journalistes, il serait opportune, au niveau national, d’harmoniser le statut des organismes de régulation. Ils devraient être indépendants, impartiaux et transparents et coopérer à l’échelle de l’UE. Dans ce but, le rapport propose de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA), notamment l’article 29 sur le «comité de contact» et l’article 30 sur la «coopération entre les organismes de régulation des États membres».(14). Enfin, une dernière question à débattre concerne la protection de l’indépendance des journalistes. Ces derniers doivent être protèges contre les pressions internes des éditeurs ou des propriétaires et les pressions externes du pouvoir politique ou d’autres groupes d’intérêt. Il fraudait que les journalistes aient un plus large accès aux documents et à l’information, et leurs sources doivent être protégées. De plus, il faut accorder une place aux nouveaux médias, comme l’internet. Enfin il faut promouvoir le « journalisme éthique » qui évite les propos racistes, xénophobes, homophobes, anti-Tziganes ou sexistes.(15 )
La suite de ce débat, est encore largement inconnue. Les documents de Travail de la commission LIBE sont sensés devenir une Résolution. Cela permettrait au Parlement de stimuler la proposition d’un texte législatif de la part de la Commission. La prochaine réunion LIBE aura lieu les 9 et 10 juillet. Il est sans doute opportun que la question de la liberté des médias fasse partie de l’ordre du jour de cette réunion. Pour examiner ce point particulièrement sensible, le Parlement européen se réunira en plénière le 10 décembre prochain, pour adopter la Résolution sur de la liberté d’informer les citoyens dans une société démocratique.
Roberta Gualtieri
(Université Paris XII)
Pour en savoir plus :
-. 2 Article 7 TUE.
-. 3 http://www.euractiv.fr/texte-loi-hongroise-medias-article.
-. 4 Il s’agit de la Résolution du 10 mars 2011 sur la loi hongroise sur les médias http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-0094+0+DOC+XML+V0//FR.
-. 5 Point 3 de la Résolution.
-. 6 Voir le site de Reporters sans frontières. http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2011-2012,1043.html
-. 7 Document de Travail 1 : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bCOMPARL%2bPE-491.182%2b03%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fEN
-. 8 Document de Travail 2, point a): http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/libe/working-documents.html?linkedDocument=true&ufolderComCode=LIBE&ufolderLegId=7&ufolderId=07291&urefProcYear=&urefProcNum=&urefProcCode=#sidesForm
-. 9 Document de Travail 2, point b)
-. 10 Document de Travail 2, point c)
-.11 Http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/07/52
12Document de Travail 2, point d)
13Document de Travail 2, point e)
14Document de Travail 2, point f)
15Document de Travail 2, point g)
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