La commission du Parlement européen LIBE( Libertés civiles, justice et affaires intérieures) a retenu ce thème pour sa réunion de rentrée sur la base d’un projet de rapport de Monika Hohlmeier. Il sera adopté lors de sa prochaine réunion (19-20 septembre) et la Commission des budgets s’en saisira en octobre. Un consensus très large existe au sein de la Commission : seulement 16 amendements ont été mis sur la table. Cette phase finale qui doit conduire à l’adoption dans les prochains mois du futur cadre financier pluriannuel doit être vécue avec un état d’esprit nouveau : l’argent européen est un bouclier anticrise, un euro investi par l’UE peut en générer beaucoup plus, jusqu’à 14 fois dans certains cas. Pour cette rentrée M. Lewandowski, en charge du Budget au sein de la Commission européenne, a donné le ton : dans une interview accordée à EurActiv Bruxelles, le commissaire au Budget critique les Etats pour leur comportement. C’est cette problématique qui a dominé les débats de LIBE
Les discussions sur le budget de l’UE pour 2014-2020 vont occuper les Européens d’ici la fin de l’année 2013. Les Etats doivent d’abord se mettre d’accord sur le volume global, avant de préciser les dépenses attribuées à chaque politique : principalement agriculture et politique régionale, mais aussi énergie, recherche et innovation. Alors que les pays de l’UE cherchent des leviers de croissance, le budget de l’Union a un rôle à jouer, ont affirmé les dirigeants européens lors du sommet du 29 juin. Le commissaire a repris pour l’amplifier ce thème. Selon lui, le budget doit se concentrer sur les investissements dans les infrastructures, l’éducation, la science et la recherche. « C’est crucial pour résoudre la crise actuelle », estime-t-il. « Pour que le budget de l’UE soit pleinement un bouclier anticrise, il doit être suffisamment financé et orienté sur ces secteurs afin de promouvoir la croissance », ajoute le commissaire.
Mais, il trouve en face de lui les Etats et leur ambiguïté pour ne pas parler de double langage. En période de crise, la volonté des pays de l’UE de limiter leur participation au budget européen n’est pas nouvelle. Elle va en revanche à l’encontre de leur décision de favoriser la croissance en Europe, via la recherche et l’innovation.
Quinze jours après avoir affirmé que le budget de l’UE était l’une des solutions pour la croissance en Europe, les dirigeants européens ont refusé l’augmentation du budget pour 2013 demandé par la Commission. 5 milliards d’euros sont pourtant nécessaires pour financer les engagements pris par l’UE depuis 2007. Plus concrètement, si la décision est confirmée, la Commission devra retarder le paiement de certains projets.
« Je dois dire que nous sommes perplexes, explique Janusz Lewandowski. Comment les Etats membres peuvent-ils appeler à des investissements pour la croissance et l’emploi un jour et demander de réduire les investissements dans les mêmes secteurs deux semaines plus tard? »
Les circonstances actuelles ne facilitent pas les négociations sur ce dossier, reconnaît le commissaire. Mais trouver un accord sur un montant global d’ici la fin de l’année 2012 est indispensable. Car les budgets détaillés de chaque politique pourront seulement être discutés après. Or, tout doit être bouclé avant la fin de l’année 2013. Dans le cas contraire l’Union se trouverait sans budget.
Pour le moment, la Commission européenne a proposé un budget de 1025 milliards d’euros réparti sur 2014-2020.Or, les pays du Nord, adeptes de l’austérité, s’opposent à leurs partenaires européens qu’il s’agisse des Etats d’Europe de l’Est et du Sud comme des députés européens. Pour prouver les effets positifs du budget de l’UE sur la croissance, le commissaire explique que chaque euro investi dans la politique de cohésion sur la période 2000-2006 a permis de générer 2,1 euros dans l’UE. Dans le domaine de la recherche et de l’innovation, le ratio est encore plus important. « Dans certains cas, un euro investi peut générer jusqu’à 14 euros. » Selon lui, la fiabilité du budget de l’UE encourage tout d’abord les investisseurs privés à co-investir dans des projets. La perspective paneuropéenne permet par ailleurs des économies d’échelle et évite les doublons.
La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures s’est fait, à son tour, l’écho de cette insatisfaction fondamentale qui se reflète dans le projet d’avis qui reprend plusieurs propositions que la commission des budgets reprendra lors des discussions concernant son rapport.
commission des budgets, compétente au fond, à incorporer dans son rapport les suggestions
suivantes:
1. Tout d’abord concernant la nouvelle structure de la rubrique 3 « Sécurité et citoyenneté »; le projet d’avis considère que l’intégration de la « sécurité alimentaire », de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, de l’Office communautaire des variétés végétales et de l’Agence européenne des médicaments dans la nouvelle rubrique 3 est discutable et ne répond pas à l’objectif général de la rubrique « Sécurité et citoyenneté »; suggère de modifier le titre de cette
rubrique, conformément à la résolution du Parlement européen, du 8 juin 2011, « Investir
dans l’avenir: un nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) pour une Europe compétitive,
durable et inclusive » en l’intitulant « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice »;
2. le montant global consacré à l’espace de liberté, de sécurité et de justice ne
reflète pas de manière adéquate son renforcement prévu par le traité de Lisbonne, ainsi
que les missions et les défis croissants et nouveaux qui lui incombent;
3. le projet d’avis se félicite de la simplification des structures de financement par la mise en place du Fonds pour l’asile et la migration et du Fonds pour la sécurité intérieure, ainsi que de règles d’application générale en matière de programmation, de gestion, de contrôle et de rapport. C’est une bonne chose, il souligne également que l’enveloppe prévue pour le Fonds pour l’asile et la migration répond aux objectifs qui y sont liés et il prend note de l’attention particulière accordée aux mesures de réinstallation, de relocalisation et de retour. Cependant ; attire l’attention sur la nécessité d’une valeur ajoutée européenne pour les activités financées et d’un équilibre approprié entre les objectifs d’action ;
4. par contre réaffirme que de nouvelles tâches telles que le système de dossiers passagers de l’Union (PNR) ou les frontières « intelligentes », déjà planifiées, est d’avis que le montant prévu
pour le Fonds pour la sécurité intérieure ne répond pas aux objectifs qui y sont liés, il demande donc de prévoir un budget qui permette de s’attacher à ces priorités de manière
adéquate;
5. de son point de vue, le programme concernant la justice bénéficie d’un financement adéquat mais nécessite un meilleur équilibre entre les fonds affectés à la réalisation des
différents objectifs;
6. globalement il marque son accord avec la proposition concernant le programme « Droits et citoyenneté » tout en soulignant nécessité d’une valeur ajoutée européenne manifeste pour les activités financées;
7. déplore vivement l’approche statique adoptée pour le financement des agences dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice qui ne reflète pas l’évolution des tâches de ces agences;
8. le mécontentement et particulièrement vif concernant le budget de FRONTEX, du Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA) et de l’Office européen de police (Europol) : ils ne correspondent pas à l’accroissement considérable des tâches. Le projet d’avis attire l’attention sur la modification récente du mandat de FRONTEX, le démarrage des activités et les prévisions du BEA et la création du centre européen de la cybercriminalité au sein d’Europol.
Le débat n’ a pas révélé d’antagonismes significatifs comme en témoigne le petit nombre d’amendements déposés. Le débat s’est concentré sur les concepts de valeur ajoutée, d’économies réalisées et chacun a plus ou moins reconnu que globalement il s’agit de mieux dépenser plutôt que de réaliser à proprement parler des économies purement comptables, mieux dépenser dans une économie plus solidaire, sans oublier le fait que certains projets ne peuvent exister qu’au niveau transnational. Le représentant de la Commission a recommandé la lecture des fiches d’impact où ces notions sont bien développées.
Mais il ne faut pas se cacher que la réalité du débat se situe ailleurs et l’espace de liberté, sécurité et justice, n’est pas la première préoccupation des ministres comme en témoigne le « negotiating box » laissé en héritage par la présidence danoise : sur 47 pages, quelques lignes insignifiantes lui sont consacrées. Il apparaît clairement de la réunion informelle des ministres à Nicosie le 30 août que la présidence chypriote à préparé le terrain à une baisse des montants initiaux proposés par la Commission et cette coupe doit concerner toutes les rubriques. Lors de la conférence de presse, le ministre chypriote Andreas D. Mavroyianniis a rappelé qu’un groupe de pays a demandé à ne pas dépasser 1% du RNB alors que les propositions de la Commission atteignaient 1,11% du RNB. C’est 100 milliards d’euros en moins que réclament Allemagne, Pays-Bas,Royaume-Uni, Suède, Danemark et Finlande. A l’inverse les « amis de la cohésion » ont demandé plus d’argent, la France et l’Irlande ont défendu le maintien des crédits agricoles . Dans le document de travail soumis aux ministres, la présidence reconnaît qu’il est inévitable de revoir à la baisse le niveau total des dépenses proposées par la Commission. Le volet recettes est un élément auquel le Parlement européen est traditionnellement sensible : il insiste sur la nécessité de créer de nouvelles ressources propres afin de réduire le montant des contributions des Etats membres et ainsi de faire disparaître ou réduire les dérives engendrées par ce système (juste retour, chèque anglais etc…) et de disposer de davantage de flexibilité dans l’utilisation des crédits. Est-ce que le Conseil Affaires générales du 24 septembre disposera d’une nouvelle version de la boîte de négociations ou faudra-t-il attendre la réunion en novembre du Conseil européen.
Pour en savoir plus :
-. Interview à Euractiv du commissaire en charge du budget ; M. Lewandowski http://www.euractiv.com/euro-finance/lewandowski-euro-invested-eu-lev-interview-514566
-. Documents de la présidence du Conseil et de la Commission suite à la réunion informelle des ministres à Nicosie le 30 août http://www.cy2012.eu/index.php/en/file/t4OXQzwQKPz2nxXo9+AUZw
-. Retrouver tous les documents du Conseil et de la Commission européenne dans le cadre des négociations du cadre financier pluriannuel (MFF) dont le « negotiating box » (FR) http://www.consilium.europa.eu/special-reports/mff/documents?lang=fr
(EN) http://www.consilium.europa.eu/special-reports/mff/documents#0
-. Negotiating box (EN) http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/12/st10/st10753.en12.pdf
-.Proposition modifiée de la Commission(com/2012/388 final) (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2012)0388_/com_com(2012)0388_fr.pdf
-. Proposition de Règlement du Conseil de la Commission (Com /2011/398 final) (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2011)0398_/com_com(2011)0398_fr.pdf
-. Amendements (16) au projet d’avis de Monika Hohlmeier (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/908/908863/908863fr.pdf
(EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/am/908/908863/908863en.pdf
-. Site de la Commission consacré aux documents sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020(FR) http://ec.europa.eu/budget/biblio/documents/fin_fwk1420/fin_fwk1420_fr.cfm
(EN) http://ec.europa.eu/budget/biblio/documents/fin_fwk1420/fin_fwk1420_en.cfm