L’Europe prête à durcir les règles anticorruption pour les industries extractives ? Les Groupes miniers et pétroliers souvent accusés d’entretenir corruption et opacité financière dans les pays les plus pauvres mais riches en ressources naturelles et démocratiquement faibles, ont-ils perdu une bataille, mardi 18 septembre, au Parlement européen. La Commission des affaires juridiques a adopté un projet d’avis, mais la commission n’est pas chef de file et la commission du marché intérieur a un poids bien supérieur . Le débat sera animé.
Dans la foulée d’une décision américaine passée relativement inaperçue dans le courant de l’été, les eurodéputés de la commission des affaires juridiques ont adopté un texte très contraignant, qui vise à améliorer la transparence des transactions financières dans les secteurs pétrolier et minier, notamment. Les Etats-Unis avaient tracé la voie qui devrait faciliter l’adoption définitive des nouvelles règles européennes. Le 22 août, la commission de surveillance des opérations boursières à New York, la SEC, a approuvé un règlement qui a force de loi. Attendu de longue date, il oblige dorénavant les compagnies pétrolières, gazières ou minières cotées à Wall Street à déclarer annuellement toute somme supérieure à 100 000 dollars (77 000 euros) versée pour un projet à un gouvernement, une autorité locale ou une entreprise publique du pays dans lequel elles extraient les ressources.
Cette décision s’inscrit dans le cadre beaucoup plus large de la loi américaine dite « Dodd-Frank » adoptée en 2010 et destinée à réglementer le système bancaire et financier fortement ébranlé par la crise des subprimes. Les règlements de la SEC, combattus pendant deux ans par le puissant lobby pétrolier américain API, avaient, en revanche, été salués comme une avancée majeure par toute une coalition d’organisations de la société civile.
Mardi 18 septembre les eurodéputés sont allés encore plus loin que la SEC au moins pour ce qui concerne le champ d’application. Le seuil retenu de 80 000 euros est globalement le même. « Ce montant n’est rien pour des compagnies de ce genre », a expliqué Françoise Castex, eurodéputée française (PS) membre de la commission des affaires juridiques. En revanche, les eurodéputés ont élargi le champ d’application aux sociétés (cotées en Europe) présentes dans le BTP, les télécoms, les banques ou l’industrie du bois.
Autant de « secteurs particulièrement opaques et qui génèrent des revenus importants en Afrique », note Friederike Röder, de l’ONG ONE France, membre de la coalition internationale « Publiez ce que vous payez » qui se bat depuis dix ans pour que les revenus des industries extractives bénéficient aux populations concernées et pas seulement à l’enrichissement d’une petite élite locale. La publication de toutes ces informations « vise à faire la lumière sur les revenus générés par l’exploitation des ressources naturelles. [Elle permettra] à près de 1,5 milliard de personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans les pays riches en ressources naturelles de demander des comptes à leur gouvernement », se réjouissent, dans un communiqué conjoint, le Secours catholique, Oxfam France, ONE France et CCFD-Terre Solidaire.
Dans les prochaines semaines, le texte des eurodéputés fera l’objet de négociations avec les autres commissions et avec le Conseil européen qui avait adopté, il y a un an, une version beaucoup plus édulcorée des nouvelles règles de transparence financière applicables aux entreprises des Etats membres.Plusieurs observateurs ont alors fait remarquer que la position du Conseil avait été dictée par les gouvernements britannique et allemand, opportunément conseillés par des multinationales. Le message du Parlement aux Etats membres est clair : il ne sert à rien de vouloir passer en force, revoyez votre position. Les opposants font valoir que bien des compagnies échapperont à ces règles, que des distorsions de concurrence seront introduites, que la souveraineté des Etats sera violée.
L’objectif de l’Initiative pour la transparence des industries extractives est d’amener les compagnies pétrolières ou minières à publier le montant des impôts et redevances qu’elles paient aux Etats, et ces derniers à afficher leurs revenus. Action qui est censée mettre au jour les fraudes et les paiements suspects.
Le rapporteur pour avis, Raffaelle Baldasarre, a fait remarquer que en dépit du montant élevé des marchés publics, la législation de l’union ne prévoit pas de régime juridique défini pour l’attributions de concessions. L’absence de normes est la porte ouverte à l’inefficacité, de préjudices importants pour les parties prenantes, de conditions inégales pour les opérateurs économiques ce qui cause souvent des pratiques douteuses voire la corruption. Il estime nécessaire une intervention législative européenne. Il souligne la nécessité de règles claires (définition précise des contrats, des exigences d’attribution et de modifications des attributions ou de modification des concessions) et réclame plus de transparence et d’équité. Simplifier pour faciliter la transposition dans l’ordre juridique nationale et garantir l’équité. Et surtout il propose d’accorder la possibilité de choisir dans les critères d’attribution des critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l’innovation ainsi que, la cas échéant, la mise en œuvre de politiques visant à promouvoir de manière durable la croissance économique et la cohésion sociale. Etc 47 amendements sont proposés et réécrivent assez largement la proposition de la Commission.
-. Proposition de directive sur l’attribution de contrat de concession COM /2011/897 (FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2011)0897_/com_com(2011)0897_fr.pdf
-. Projet d’avis de la commission des affaires juridiques, rapporteur Raffaelle Baldassare http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2011)0897_/com_com(2011)0897_en.pdf
-. Communiqué de ONE France http://www.one.org/fr/blog/urgent-succes-de-campagne-a-bruxelles/
-.Soreide Tina : “risqs of corruption and collusion in the awarding of concession contracts”. Etude commandée par le Parlement européen (juin 2012) http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/note/imco/2012/475127/IPOL-IMCO_NT(2012)475127_EN.pdf
– Proposition de la Commission européenne, COM(2011)897 du 20.12.2011 (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0897:FIN:FR:PDF (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0897:FIN:EN:PDF