Le Sénat français a adopté dans la nuit du 8 au 9 novembre la création d’une « retenue » de 16 heures pour remplacer la garde à vue des étrangers sans-papiers qui était devenue illégale. Présentée par le ministre français de l’Intérieur Manuel Valls pour gérer « avec efficacité » les expulsions, ce texte doit encore être voté par l’Assemblée nationale. Il supprime par ailleurs le « délit de solidarité » qui conduisait à poursuivre des personnes, physiques ou morales, ayant porté assistance à des étrangers en situation irrégulière. Aucune condamnation d’aucune sorte n’a été prononcée depuis l’adoption de la loi. Un vote de large consensus au sein du Sénat où socialistes et ministre se sont exprimés avec beaucoup de précaution et de façon équilibrée recherchant le consensus le plus large et l’apaisement, notamment à l’égard d’une opinion publique facilement inflammable comme on le voit avec « le vote des étrangers ».
Le texte a été voté par le parti socialiste au pouvoir et certains partis de gauche, mais également par l’UMP (droite) et les centristes. Pour les socialistes et leur porte-parole Jean-Pierre Michel, « ce texte a seulement pour objet de mieux définir le cadre juridique dans lequel l’administration est amenée à contrôler la régularité de la situation d’un étranger ».De son côté l’opposition a précisé : « Nous voterons ce texte à la fois parce qu’il est nécessaire mais aussi parce qu’il correspond à ce qu’il faut faire pour que l’Etat de droit soit respecté par tous », a déclaré pour la droite Jean-Jacques Hyest (UMP). Le groupe communiste républicain et citoyen a voté contre. En revanche les écologistes se sont abstenus, trouvant insuffisantes les garanties apportées aux sans-papiers, et le groupe communiste républicain et citoyen a voté contre. « Nous attendions bien plus qu’un projet minimaliste (.. .) oubliant de garantir les droits essentiels des personnes en position irrégulière », a dit pour le groupe Laurence Cohen. Elle a jouté que le vote du groupe « dépendra de l’évolution du texte au cours de l’examen des amendements pendant le débat ». Plusieurs amendements ont en effet été rejetés, dont l’un demandant la suppression de l’article créant la retenue judiciaire : Laurence Cohen a qualifiée cette procédure de « très floue et hybride ayant une connotation judiciaire, mais avec une finalité administrative : l’éloignement ».
Rappelons (cf. Nea say sur le sujet) que la Cour de cassation, tirant les conclusions de la jurisprudence européenne, avait interdit en juillet le recours à la garde à vue pour vérifier la régularité du séjour des étrangers. Depuis, les forces de l’ordre ne peuvent pas retenir les sans-papiers plus de quatre heures, délai maximal prévu par la procédure de vérification d’identité.
Quelles sont les différences ?
La retenue est-elle une garde à vue qui ne dit pas son nom? Non pas vraiment si l’on retient une différence fondamentale : être sans-papiers n’est plus considéré comme un délit et seule une personne soupçonnée d’un délit ou d’un crime peut être placée en garde à vue.
Souhaitée par Manuel Valls, «cette retenue est bien évidemment assortie de garanties pour la personne interpellée», a précisé le ministre de l’Intérieur. La «retenue ne se confond pas avec une garde à vue et offre à l’étranger un certain nombre de droits», a aussi souligné le sénateur radical Jacques Mézard lors de l’examen du texte. En réalité, les droits de la personne retenue et gardée à vue sont assez similaires: droit à un avocat, à la visite d’un médecin et à contacter une personne de son choix. Quelques différences, le sans-papiers peut prévenir lui-même sa famille, alors qu’un gardé à vue doit s’en remettre à l’officier de police. Le gardé à vue doit se séparer de son téléphone, de sa ceinture et de ses lacets, quand rien n’est prévu à ce sujet pour l’étranger retenu. L’étranger quitte le commissariat avant le gardé à vue, puisque le premier ne peut y rester plus de 16 heures contre 48 heures pour le second.
Le texte précise que le sans-papiers retenu peut être menotté, entravé et fouillé. Au sein du commissariat, les retenus et les gardés à vue ne sont pas censés être placés «dans le même local», précise le texte de loi. Cette mesure semble difficile à mettre en œuvre sur un plan purement pratique, mais la différence de traitement est de taille sur le plan de la symbolique pour celui qui est « retenu ». Enfin, si l’étranger est relâché, la police efface toutes les informations le concernant, alors que le gardé à vue rejoint certains fichiers de la police.
Quant au ministre de l’intérieur, Manuel Valls,il a surtout cherché à mettre en valeur la suppression du délit de solidarité et à donner les apaisements nécessaires à la majorité comme à l’opposition. Il a estimé que « les expulsions seront gérées avec plus d’efficacité (…) une retenue d’une durée maximale de seize heures sous le contrôle continu de l’autorité judiciaire permettra de mener les vérifications nécessaires (…) cette retenue est bien évidemment assortie de garanties pour la personne interpellée » . Il a assuré « qu’il n’y aura pas de régularisations massives comme en 1981 ou 1997 », il a également jugé nécessaire de mener une réflexion quant aux droits de séjour pour les étrangers malades les plus vulnérables.