Répondant à l’appel pressant du Parlement européen la Commission vient, finalement vient de faire sa proposition législative. La lenteur des progrès avait incité 11 Etats membres de l’UE à prendre des initiatives dispersées. Au rythme actuel il faudrait encore quarante ans pour se rapprocher d’un équilibre acceptable. Les compétences et le mérite demeureront les critères déterminants. La compétence de l’UE pour légiférer dans ce domaine existe de façon incontestable : elle remonte à 1957, date de la signature du Traité de Rome.
Le dispositif finalement retenu est moins ambitieux que ne l’aurait voulu la commissaire à la Justice et aux Droits fondamentaux, Viviane Reding. Contrairement à ce que souhaitaient les pays les plus libéraux, il s’agit toujours d’une directive, c’est-à-dire d’un texte contraignant. Mais elle ne comporte qu’une obligation de moyens. Viviane Reding avait été forcée, le mois dernier, de retirer la première version de son texte, qui comprenait une obligation de résultat. Plusieurs commissaires (dont des femmes), soutenus par des Etats comme le Royaume-Uni, avaient estimé que l’Union ne devait pas intervenir dans la gouvernance des entreprises. En «politique, il faut faire un peu machine arrière pour ensuite faire vingt pas en avant», devait confier Reding. Elle par ailleurs invité ceux qui faisait la fine bouche à relire attentivement le texte. Mais à quand un directive européenne sur la diversité et la présence des minorités ?
Le texte actuel reste, cependant, loin d’une simple recommandation. Pour atteindre le quota de 40% de femmes à l’horizon 2020 (2018 pour les entreprises publiques), la directive oblige les sociétés cotées en Bourse à adopter une procédure de sélection des candidats basée sur des «critères préétablis, clairs, univoques et formulés en termes neutres». A compétences égales, les femmes devront être choisies. En revanche, si les postulants masculins sont plus compétents, les entreprises ne seront pas tenues de respecter le plancher de 40%.
Afin de rendre possible un contrôle, les sociétés devront communiquer aux candidates éconduites les éléments précis et détaillés qui «ont fait pencher la balance en faveur d’un candidat de l’autre sexe». S’il s’avère qu’il y a eu discrimination, les firmes s’exposeront, au choix des Etats, soit à des amendes administratives qui devront être «efficaces, proportionnées et dissuasives», soit à l’annulation judiciaire de la nomination contestée.
La France ne sera pas concernée par la directive. Elle a en effet adopté en janvier 2011 une loi imposant 40% de femmes dans les sociétés cotées d’ici à 2017. En l’espace d’un an, ce texte a fait bondir de 11,4% à 24% la part des administratrices dans les entreprises tricolores. « La France est le moteur du changement » a reconnu la Commission européenne.En revanche, de nombreux pays européens, dont l’Italie (6% de femmes), vont devoir sérieusement réviser leurs pratiques.
La Commission elle-même devrait songer à donner l’exemple : si un tiers des commissaires sont de sexe féminins femmes, on n’en compte que deux parmi les chefs de cabinet et sept parmi les chefs de cabinet adjoints. Un déséquilibre que l’on retrouve parmi les hauts fonctionnaires européens. Après tout, l’Hexagone n’a-t-il pas adopté une loi en mars qui impose un quota de 40% de femmes parmi les hauts fonctionnaires d’ici à 2018 ? Ont fait remarquer certains journalistes, cependant à y regarder de plus près le bilan n’est pas si mauvais et témoigne d’une situation qui n’est pas encore totalement satisfaisante , mais de progrès réels et incontestable33% de femmes commissaires contre 5,6% en 1995, proportion supérieure à celle observée dans les gouvernements nationaux( un ministre de haut rang sur quatre est une femme). En décembre 2010 ?la Commission a adopté la stratégie d’égalité des chances en faveur des femmes et des hommes au sein de la Commission ((2010-2014), qui fixe des objectifs d’équilibre dans l’encadrement supérieur ainsi qu’à d’autres postes (encadrement intermédiaire et personnel hors encadrement). Au 1er octobre 2012, la Commission comptait déjà 27,2% de femmes dans l’encadrement supérieur, dépassant ainsi son objectif de 215% pour 2014.
Un quota de femmes dans les conseils d’administration dans les grandes entreprises est un pas dans la bonne direction, un pas « vers ma méritocratie » consent le Lobby des Femmes (EWL) . Cependant à ses yeux la proposition de directive devrait voir un certain nombre de ses limitations être supprimé. Pour cela EWL s’en remet au Parlement européen et attend des Etats membres qu’ils dotent la Directive de sanctions suffisamment dissuasives. Le Lobby des femmes trouvent regrettable que seules les sociétés cotées en Bourse de plus de 250 employés et de 50 milliards de chiffre d’affaires soient concernées, ce qui représente environ 5000 entreprise ce qui est relativement peu. A cela s’ajoute « de façon inexplicable » aux yeux de EWL que seuls les postes non exécutifs soient concernés. Et en conséquence attend du Parlement européen qu’il modifie « ce flagrant deux poids, deux mesures ». Partant du constat que « le vrai test pour une législation réside dans sa mise en œuvre » le Lobby des Femmes regrette que le choix des sanctions soit placé entre les mains des Etats membres seulement et attend donc que les « Etats membres remplissent leurs engagements et honorent leurs valeurs en donnant leur accord entier et sincère à cette proposition législative et ensuite qu’ils arrêtent des sanctions avec un poids suffisant pour briser le plafond de verre une fois pour toutes ». Bref que les Etats membres jouent le jeu…Mais il faut aller plus loin, et s’attaquer au problème redoutable de la présence des minorités dans les grandes entreprises. Un think tank a évalué leur présence en France au sein des grandes entreprises du CAC 40 qui on encore beaucoup de chemin à faire pour promouvoir les femmes et les minorités. Les résultats ne sont pas brillants nous dit « République et diversité » auteur de l’étude : 49 entreprises sont hors la loi si celle-ci était déjà d’application et quant à la diversité c’est encore plus catastrophique. Concluons par une question : « à quand une directive européenne sur la diversité ? »La directive est une mesure temporaire qui viendra à expiration en 2028 ! Acceptons en l’augure.
Sophie In’t Veld (D66, Pays-Bas) députée au Parlement européen a bien résumé la situation : « bien que les Démocrates et les Libéraux aient une aversion naturelle à l’encontre des quotas, ne pas ageir et laisser faire le hasard n’est pas une option. Nous avons essayé cette approche ces quatre dernière décennies, avec des résultats pathétiques. Le nombre de femmes dans les conseils d’administration est toujours scandaleusement faible. Nous devons agir maintenant avec des mesures contraignantes et des objectifs clairs afin de stimuler les femmes à revendiquer des postes élevés, sinon la parité aux postes de direction sera reportée aux calendes grecques ». L’autorégulation s’est révélée insuffisante, aux progrès très lents en un mot non efficaces et non convaincants ;Les progrès ne sont visibles que dans les pays où des quotas ont été introduits.
Il ressort d’un nombre croissant d’études qu’une meilleure parité hommes-femmes au sein des conseil des sociétés pourrait permettre à ces dernières d’améliorer leurs performances financières , a tenu à souligner la Commission européenne. »Une présence accrue de femmes aux postes de décision peut en effet favoriser l’instauration d’un environnement de travail plus productif et plus innovant et améliorer globalement les performances de l’entreprises. Cela s’explique essentiellement par l’apparition d’un état d’esprit plus collectif et plus diversifié, ouvrant des perspectives plus larges et favorisant donc l’adoption de décisions plus nuancées ».
Dans un aide-mémoire substantiel la Commission a essayé de répondre aux questions que chacun se pose (cf. infra).Pourquoi est-il nécessaire de légiférer au niveau européen, cette question ne relève-t-elle pas plutôt des Etats membres ? Quelle est la situation actuelle de la situation qui n’a évolué que lentement ces dix dernières années ? Combien de sociétés seront concernées et pourquoi limiter la proposition aux administrateurs non exécutifs des conseils ?Pourquoi met-on l’accent sur les entreprises publiques ? Pourquoi un objectif de 40% et non la parité véritable ? En quoi l’égalité entre hommes et femmes est-elle bonne pour l’économie ? Quelles mesures ont-elles déjà été prises pour favoriser l’égalité hommes-femmes ? Quelles seront les prochaines étapes ? Qu’en est-il des femmes occupant des postes élevés dans les institutions européennes ? Existe-il réellement suffisamment de candidates qualifiées pour les postes d’administrateurs dans les conseils des entreprises ? Comment la proposition tient-elle compte des principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
Pour an savoir plus :
-. European women’s lobby (EWL) : women on boards, a first step towards meritocracy http://www.womenlobby.org/spip.php?article4244&lang=en
-. Le CAC 40, parité et diversité une enquête de « République et diversité en liaison avec le CRAN http://republiqueetdiversite.fr/wp-content/uploads/2012/11/RD-CAC40-Parité-Diversité2.pdf
-. Questions et réponses : proposition relative à un meilleur équilibre hommes-femmes dans les conseils des sociétés cotées en bourse (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-860_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-860_en.htm
-. Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2011 (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-0330+0+DOC+XML+V0//FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-0330+0+DOC+XML+V0//EN
-. Résolution du Parlement européen du 13 mars 2012 (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0069+0+DOC+XML+V0//FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0069+0+DOC+XML+V0//EN
-. « Femmes prêtes à sièger » « women on board » http://www.edhec.com/html/Communication/womenonboard.html
-. Communiqué de Presse de la Commission européenne (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1205_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1205_en.htm