Les efforts sont à mener prioritairement dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, selon l’OCDE. Dans les pays de l’OCDE, l’efficacité des mesures mises en œuvre pour aider les immigrés à s’intégrer dans la société s’est fortement améliorée au cours des dix dernières années. Il reste cependant beaucoup à faire, notamment pour faire en sorte que les enfants d’immigrés réussissent mieux à l’école et sur le marché du travail, et pour que les femmes immigrées accèdent plus facilement à l’emploi, d’après un nouveau rapport de l’OCDE. (cf numéro 126 de Nea say sur les descendants d’immigrés)
Le rapport « Trouver ses marques : les indicateurs de l’OCDE sur l’intégration des immigrés 2012 » présente une première comparaison internationale des résultats qu’obtiennent les pays dans de nombreux domaines socio-économiques de l’intégration et retrace l’évolution constatée pendant la décennie écoulée.
Les immigrés représentaient en 2010 quasiment dix pour cent de la population des pays de l’OCDE, ce qui correspond à une augmentation d’un quart par rapport à 2000. La proportion d’immigrés a triplé en Espagne entre 2000 et 2010, et a plus que doublé en Islande et en Irlande. Seuls quelques pays n’ont pas enregistré d’augmentation majeure, parmi lesquels figurent l’Allemagne, les États-Unis, la France et les Pays-Bas.
De nombreux gouvernements ont mis l’accent sur des politiques d’immigration visant à attirer des travailleurs hautement qualifiés. L’Allemagne, l’Australie, le Canada, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont constaté une forte progression du nombre de diplômés du supérieur chez les immigrés récents. En revanche, dans les pays du sud de l’Europe et en Irlande, la part des nouveaux arrivants ayant fait des études supérieures a reculé.
Le rapport révèle en outre des disparités importantes, à la fois dans les pays et entre eux, quant aux performances scolaires des enfants d’immigrés. D’après les derniers tests PISA en compréhension de l’écrit, les élèves âgés de 11 à 16 ans lorsqu’ils arrivent dans leur pays d’accueil réussissent moins bien que ceux qui s’installent avant l’âge de 6 ans.
En Allemagne, en Belgique, en Islande, en Israël, en République tchèque et en Suède, l’écart est particulièrement marqué entre les élèves arrivés très jeunes et ceux arrivés tard, puisqu’il correspond approximativement à une année et demie de scolarité. Par contre, la différence est peu sensible en Autriche, au Luxembourg, au Royaume-Uni et en Suisse.
Une scolarisation précoce dans le pays d’adoption étant essentielle, les gouvernements doivent encourager les migrants qui prévoient de s’installer à faire venir leur famille rapidement. Il importe aussi, selon le rapport, que les immigrés soient davantage exposés à la langue de leur pays d’accueil, tant à l’école que chez eux.
De nombreux enfants d’immigrés se trouvent marginalisés sur le marché du travail, et sont surreprésentés dans la catégorie des jeunes qui ne sont ni en emploi, nscolarisés, ni en formation (les « NEET »), surtout en Espagne, en Belgique, en Autriche et en France.
L’augmentation du niveau d’instruction des immigrés a contribué à améliorer leur situation sur le marché du travail. Les taux d’emploi ont augmenté dans la quasi-totalité des pays ces dix dernières années, pour atteindre une moyenne d’environ 65 %, inférieure de seulement 2,6 points de pourcentage à celle des autochtones. En Allemagne, le taux d’emploi des immigrés est passé de 57 % en 2000 à 64 % en 2010, et l’on observe une progression de 62 % à un peu plus de 66 % au Royaume-Uni. La hausse est particulièrement sensible chez les femmes immigrées, mais l’écart par rapport aux femmes autochtones reste important dans bon nombre de pays européens de l’OCDE, notamment la Belgique, les Pays-Bas et la Suède.
Seuls les pays durement touchés par la crise ont vu chuter les taux d’emploi chez les immigrés : de 70 % à 67 % aux États-Unis, et de 62 % à 57 % en Espagne.
La France, mauvaise élève de l’OCDE pour l’intégration de ses immigrés. Avec 11% de sa population née à l’étranger, la France se situe dans la moyenne des pays de l’Organisation de développement et de coopération économique (OCDE), qui abritent 110 millions d’immigrés soit 9% de leur population, selon cette étude. Mais le taux de pauvreté des étrangers installés en France est de 21,1% contre 17,3% en moyenne pour les immigrés de l’OCDE. Et leur taux de chômage était de 14,5% en 2010 contre 11,9% en moyenne dans l’OCDE.
Plus grave, les inégalités sont plus marquées dans l’Hexagone français : le taux de pauvreté des immigrés y est quatre fois celui de la population majoritaire, alors que ce rapport n’est que de un sur deux en moyenne dans l’OCDE. Les Pays-Bas et la Belgique ne font guère mieux, mais la France se distingue sur un autre critère: la concentration des étrangers dans les zones très urbanisées. Dans l’ensemble de l’OCDE, 60% des immigrés vivent dans ces zones, contre 44% de la population globale. L’écart est le plus fort en Autriche et en France, où 70,9% des étrangers habitent en ville.
Pour les auteurs de l’étude, le succès des descendants d’immigrés ( cf. Nea say n° 126) « constitue bien souvent la référence de toute intégration réussie de leurs parents ». Là encore, la France ne brille guère. Leur taux de chômage est de 15,6% en France contre 13,8% en moyenne dans l’OCDE. L’OCDE ne livre aucun facteur explicatif des différences entre pays, mais note que les flux sont différents.
Commentaires de Catherine Wihtol de Wenden : « La France est le pays qui accueille la plus forte part d’individus nés en Afrique parmi ses immigrés. Les trois quarts d’entre eux (y compris les rapatriés) sont nés dans les pays du Maghreb », soulignent ses auteurs. Certes le Royaume-Uni a accueilli un bon nombre d’Indiens plus qualifiés, et les Etats-Unis des Mexicains moins pauvres. Mais « il ne faut pas s’en tenir aux origines géographiques », estime Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des flux migratoires. Pour elle, « la question du statut juridique des immigrés est fondamental. » « Si on maintient des années des gens dans la clandestinité, on ne peut pas s’attendre à une bonne intégration », souligne-t-elle, en saluant les efforts des pays d’Europe du Sud qui ont régularisé massivement ces dernières années. Le gouvernement français vient d’édicter de nouvelles règles (entrées en vigueur le 3 décembre) en matière de régularisation en excluant de sortir un grand nombre de sans-papiers de la clandestinité. (cf. autre article de Nea say)
Par ailleurs signale Catherine Wihtol de Wenden « On est beaucoup moins regardant sur la question des discriminations que dans d’autres pays européens », notamment dans les pays scandinaves. Tout cela ne facilite pas une bonne intégration. D’ailleurs, selon l’étude de l’OCDE, la France est en quatrième position sur le sentiment de discrimination (après la Grèce, l’Autriche et les Pays-Bas). Et un test qualitatif, rapporté dans l’étude, confirme l’existence de filtres à l’embauche. « Des postulants originaires d’un pays d’Afrique subsaharienne ont dû écrire quatre fois plus de lettres de candidature que les postulants d’origine française pour obtenir un entretien », relève l’étude. Une fois de plus, rien de tout cela ne facilite une bonne intégration
L’étude de l’OCDE a rencontré une critique essentielle : ces indicateurs importants pour établir des comparaisons, ne donnent pas d’explications sur les origines de ces situation et, en conséquences, ne permettent pas de tirer des éléments de portée générale, des leçons pour remédier aux défaillances. Une lacune à combler. ».
-. Les indicateurs d’intégration des immigrés et de leurs enfants http://www.oecd.org/fr/migrations/indicateursintegration/#d.fr.217290
-. Article de Nea say n° 126, la deuxième génération d’immigrés en France http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2596&nea=127&lang=fra&lst=0