Google versus France : vers un dénouement ? mais où est l’Europe ? (Mise à jour)

Un bilan difficile à établir, c’est pourquoi le gouvernement français vient d’accorder aux deux parties un mois supplémentaire pour négocier. Selon le journal « les Echos », une réunion qualifiée sans doute un peu vite de « réunion de la dernière chance » s’est tenue le 20 décembre entre les représentants de Google, des éditeurs de presse français, le médiateur du gouvernement. Il reste deux possibilités pour les deux parties : arrêter complètement les négociations ou bien jouer les prolongations en négociant après la fin de l’année, délai initialement fixé par François Hollande au-delà duquel, avait déclaré le Président, une loi « pourrait intervenir si nécessaire » pour faire payer une taxe à Google. Finalement on jouera les prolongations.
Mais jusqu’à quand ? Cité dans la lettre professionnelle « la Correspondance de la Presse », le directeur de Google-France, Jean Marc Tassetto, s’est montré «dubitatif sur la signature d’un accord avant la fin de l’année ». Il a également souligné le manque d’unité au sein des éditeurs. Bref Google joue sur du velours et une fois de plus il montre sa disponibilité à négocier, son ouverture, malheureusement cela ne débouche pas sur un accord. Comme déjà indiqué dans un article de Nea say : « de la poudre aux yeux » ! Google peut continuer à jouer sur les disions entre professionnels et aussi entre les puissances étatiques.
Les géants de l’Internet sont à nouveau dans le collimateur du gouvernement français. Estimant que ces multinationales, toutes américaines, ne versent pas suffisamment d’impôts dans l’Hexagone,. Le coup d’envoi de la dernière phase de la bataille a été donné par le président de la République lui-même, François Hollande, dans une interview donné au journal le Point du 18 septembre, fixant comme terme de son ultimatum la fin de l’année 2012.Le conseiller d’Etat Pierre Collin et l’inspecteur des finances Nicolas Colin, ont été chargés d’élaborer des propositions pour « adapter la fiscalité des entreprises au numérique ». Ces deux hauts fonctionnaires devaient faire un point d’étape en fin d’année.

Pour l’instant, ils planchent sur deux dispositifs. Le premier, le plus ambitieux… et difficile à mettre en œuvre rapidement, consiste à tenter de renégocier les conventions fiscales de l’OCDE, signées bilatéralement par la France et d’autres pays. Elles déterminent comment calculer l’impôt du ressortissant d’un pays (personne physique ou morale) quand il réside ou exerce une activité dans un autre pays. MM. Colin et Collin voudraient que ces conventions prennent mieux en compte, pour le calcul de l’impôt sur les sociétés (34 % des bénéfices en France), l’activité immatérielle (vente en ligne de musique, livres, films, espaces publicitaires) des géants du Web. Pour éviter qu’ils puissent pratiquer l’optimisation fiscale à une échelle supposée supérieure aux autres multinationales. L’autre dispositif à l’étude serait d’application plus rapide, car ne nécessitant pas de concertation avec d’autres pays. Il s’agirait d’une taxe frappant certaines pratiques d’exploitation des données personnelles des utilisateurs. Ce serait, par exemple, une taxe de quelques euros par utilisateur, payable en fonction de la plus ou moins grande « portabilité » de leurs données (leur capacité à les récupérer facilement).

L’entreprise est très difficile, les précédentes tentatives d’une « fiscalité adaptée au numérique » ont échoué. Pressée par un lobbying intense des éditeurs et des opérateurs de télécommunications, la présidence Sarkozy avait mis en chantier, puis abandonné, un projet de « taxe Google ». Le nouvel Hadopi tarde à voir le jour même s’il fait partie, avec des nuances, des engagements de François Hollande. La principale difficulté de mise en œuvre d’une fiscalité ciblant Google et consorts, c’est que ces sociétés sont loin d’être les seules à pratiquer l’optimisation fiscale à grande échelle. Toutes les multinationales, y compris les groupes français, y ont recours. Toutes jouent sur l’hétérogénéité des fiscalités entre pays. Le gouvernement français compte sur une prise de conscience au niveau européen, mais il est bien connu qu’en matière de fiscalité malgré les progrès récents, impensables il y a encore peu de temps, les européens se hâtent lentement et chacun joue en solitaire, chacun pour soi : le cas belge (cf.autre article dans Nea say) est illustratif. Ajoutons, pour simplifier, qu’aucun des géants de l’Internet ne publie ses performances financières pour ses filiales en France. Les chiffres qui circulent sur les montants versés au fisc n’ont, à ce jour, pas été confirmés par ces groupes. S’agissant de la TVA sur les services électroniques, une étude du cabinet Greenwich, datant de 2009, avait évalué à 300 millions d’euros la perte de recettes fiscales, en 2008, pour la France. Concernant l’impôt sur les sociétés (34,4 % du bénéfice), le Conseil national du numérique estime que les chiffres d’affaires générés par Google, iTunes (Apple), Amazon et Facebook « oscilleraient entre 2,5 et 3 milliards d’euros en France », d’autres avencent des chiffres plus élevés et que ces groupes « acquittent en moyenne 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés, alors que » la somme « pourrait être, si on appliquait le régime français, de 500 millions ». Le fisc réclame 1 milliard à Google, qui dit n’avoir pas reçu de notification de redressement et être engagé dans une procédure contradictoire.

Et maintenant ?Face au Quartet Gafa, le rapport Colin et Collin….
Le mois supplémentaire accordé aux éditeurs de presse français et à Google suffira-t-il pour trouver un accord sur une éventuelle rémunération pour l’utilisation de leurs articles ? depuis début décembre les représentants de Google et ceux de l’association de la presse d’information politique et générale (IPG) se réunisse sous l’égide du médiateur Marc Schwartz spécialiste des médias au cabinet de conseil Mazars. Prenant « acte de l’avancée des discussions engagées’ le gouvernement français leur a donné, le vendredi 21 décembre à l’expiration du délai imparti, « jusqu’à la fin du mois de janvier » 2013 pour trouver un accord tout en rappelant qu’un projet de loi serait soumis au Parlement à défaut d’un accord négocié.. Après la réunion dite « de la dernière chance, le 20 décembre, le médiateur Marc Schwartz a avoué qu’il avait » besoin de quelques semaines supplémentaires pour donner toutes ses chances à la négociation qui s’est engagée » tout en soulignant « que le chemin à parcourir reste manifestement important ».La menace d’un loi n’est pas un propose tenu en l’air font remarquer plusieurs observateurs : le gouvernement a déjà prévu dans son programme législatif pour le premier semestre 2013 un projet de loi instaurant un droit voisin du droit d’auteur au cas où la médiation échouerait.

L’exemple belge (cf. autre article dans le N° 128 de Nea say) constitue-t-il un précédent ? Non , tient à réaffirmer Google. Difficile à juger puisque l’accord est supposé resté confidentiel. Au terme d’un conflit de sept ans alors que l’affaire venait d’être porté devant la Cour de cassation belge, les éditeurs francophones belges et la Société de droits d’auteur des journalistes (SAJ) ont signé un partenariat commercial confidentiel qui s’accompagnerait d’une compensation de2 à 3% du chiffre d’affaires réalisés par Google soit environ 5 millions d’euros au profit des éditeurs ce que les deux parties ont démenti. En contrepartie les éditeurs réintègreraient Google Actualités et ils s’engageraient à s’entendre sur de nouvelles initiatives pour « rétribuer » la fourniture des articles de presse et cela en utilisant des outils mis au point par Google ». Derrière ces habiletés de langage et de procédure se cache à peine la peur de Google de voir se créer un précédent alors que les éditeurs suisses, italiens se sont joints aux éditeurs allemand et à l’initiative du gouvernement allemand pour faire payer Google lorsqu’il référence un article. C’est pourquoi Google a insisté sur l’absence de lien entre le cas français et le cas belge : « il ne s’agit en aucun cas d’un dédommagement ou d’une redevance pour l’indexation des années passées ou des années futures. Ce n’est en aucun cas une taxe régulière versée par Google ». Effectivement l’enjeu est considérable pour Google qui joue serré. C’est dans ce contexte que le gouvernement français a songé à taxer davantage les entreprise Google, Amazone, Facebook et Apple (GAFA) qui pèseraient 5 milliards de chiffres d’affaires par an pour la France. Grâce à des montages financiers complexes ils échapperaient aux impôts dans les pays où ils opèrent. Mais ils ne sont pas les seuls visés mais aussi toutes les entreprises qui font commerce des données personnelles des particuliers : les opérateurs de télécommunications,, les banques les sociétés d’assurance et bien d’autres. Le conseiller d’Etat Pierre Collin et l’inspecteur des finances Nicolas Colin ont rendu leur rapport contenant les propositions pour adapter la fiscalité des entreprises au numérique (cf. supra) A suivre donc… en vue la loi de finances reectificative du printemps prochain ? Les associations de consommateurs comme UFC-Que Choisir ? ou l’inévitable CNIL (Commission nationale Informatique et Liberté) sont déjà mobilisées !

Pour en savoir plus :
-. Dossier Google de Nea say  http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=google&Submit=%3E

-. Dossier Hadopi de Nea say  http:// www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=Hadopi&Submit=%3E

Articles du journal « le monde » :

-. La France à la recherche de solutions pour faire payer plus d’impôts aux géants du net http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/12/20/la-france-esquisse-des-pistes-pour-faire-payer-plus-d-impots-aux-geants-du-web_1808875_3234.html

-. Dans un entretien au journal « le point» du 18 septembre 2012, François Hollande indique que les géants du Net devront acquitter un impôt représentatif  http://www.google.be/#hl=fr&tbo=d&rlz=1W1ADFA_frBE462&sclient=psy-ab&q=impots+geants+du+net+site:lemonde.fr&rlz=1W1ADFA_frBE462&oq=impots+geants+du+net+site:lemonde.fr&gs_l=hp.12…140.10062.1.15490.16.14.0.0.0.0.483.3712.0j4j2j5j2.13.0.pchsnhae..0.0…1c.1.P4CW29djAZM&pbx=1&bav=on.2,or.r_gc.r_pw.r_qf.&bvm=bv.1355534169,d.d2k&fp=c161b6ea204a8ff5&bpcl=40096503&biw=1280&bih=547
-.Le fisc français pourrait réclamer un milliard d’euros à Google  http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/10/30/le-fisc-francais-pourrait-reclamer-un-milliard-d-euros-a-google_1783397_651865.html

-. La leçon de capitalisme de Google   http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/12/13/la-lecon-de-capitalisme-de-google_1805371_651865.html

-. Google influences des pratiques dévoilées par le journal le Monde    http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/12/21/google-influences_1808976_3234.html

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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