La Commission européenne a présenté, jeudi 28 février, de nouvelles procédures visant à renforcer le contrôle des entrées et des sorties aux frontières de l’UE et à faciliter l’accès au territoire pour certains types de visiteurs extracommunautaires, soumis ou non à une obligation de visa à l’heure actuelle.
La commissaire aux Affaires intérieures Cecilia Malmström a présenté jeudi 28 février le paquet « Frontières intelligentes », qui facilitera la venue des voyageurs dans l’espace Schengen grâce à l’utilisation de la technologie de pointe. L’objectif déclaré de ce train de mesures est celui de simplifier et renforcer les procédures de vérification aux frontières pour les étrangers qui se rendent dans l’Union, tout en améliorant le contrôle des personnes en séjour illégal. Selon Mme Malmström, « la mise en œuvre de nouvelles technologies permettra aux citoyens de pays tiers souhaitant se rendre dans l’Union de franchir les frontières de manière plus fluide et plus rapide. Notre objectif est de faciliter aux voyageurs étrangers l’accès à l’Union, ce qui bénéficiera non seulement aux voyageurs, mais aussi à l’économie européenne. On estime en effet que, pour la seule année 2011, ces voyageurs ont apporté une contribution de 271 milliards d’euros à notre économie. La modernisation de nos systèmes se traduira également par un niveau plus élevé de sécurité en empêchant les franchissements irréguliers des frontières et en détectant les personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisée ».
En effet, l’Union a commencé à s’intéresser aux possibilités offertes par les nouvelles technologies en matière de gestion intégrée des frontières (GIF) en 2008, lorsque la Commission a publié sa communication intitulée : « Préparer les prochaines évolutions de la gestion des frontières dans l’Union européenne ». On pouvait y lire la proposition d’instaurer un programme d’enregistrement des voyageurs (RTP) pour les ressortissants de pays tiers qui voyagent fréquemment, afin de leur faciliter le franchissement des frontières.
Le RTP avait été approuvé dans le « programme de Stockholm », adopté par le Conseil européen en décembre 2009. Enfin, l’initiative proposée par Mme Malmström répond à la demande du Conseil européen qui, en 2011, avait appelé à « [faire] progresser rapidement les travaux concernant les “frontières intelligentes” ». On avait déjà eu une première réponse à cet appel, quand la Commission avait publié, le 25 octobre 2011, une communication relative aux options envisageables pour un système d’entrée/sortie et pour le RTP.
Actuellement le code Schengen exige une vérification approfondie au moment de l’entrée des voyageurs aux frontières extérieures et ce système ne présente pas beaucoup de flexibilité.
Les mêmes contrôles sont appliqués à tous les ressortissants de pays tiers, quel que soit le niveau de risque qui leur est associé ou la fréquence de leur voyage. Qui plus est, il n’existe aujourd’hui aucune possibilité d’enregistrement des mouvements d’un voyageur transfrontalier. La durée du séjour de ce voyageur dans l’espace Schengen est calculée uniquement en fonction des timbres apposés sur son document de voyage. Il n’existe aucune base de données européenne dans laquelle les voyageurs sont enregistrés.Par conséquent, il est très difficile pour les autorités compétentes de traiter la question des « overstayers » (ndlr, les voyageurs qui restent au-delà de la durée autorisée).
Aujourd’hui la Commission a réussi à mettre sur pied un système qui comprend deux règlements (un programme européen d’enregistrement des voyageurs et un système d’entrée/sortie de l’UE) dont plusieurs millions de visiteurs devraient bénéficier.
Le programme d’enregistrement prévoit qu’une fois arrivé à la frontière, le voyageur enregistré reçoive un jeton d’authentification (« token »), sous la forme d’une carte lisible par la machine contenant un identifiant unique (« numéro de demande »), qu’il passera dans une barrière automatique à l’arrivée et au départ à la frontière.
La barrière lirait le jeton d’authentification et le document de voyage (et le numéro de la vignette/du visa, si cela s’avère nécessaire) ainsi que les empreintes digitales du voyageur qui seraient comparées à celles déjà stockées dans le registre central et dans d’autres bases de données, y compris le système d’information sur les visas (VIS) pour les titulaires de ce type de document. Si toutes les vérifications concordent, le voyageur pourrait alors franchir la barrière automatique. En cas de problème, il serait aidé par un garde-frontière.
En ce qui concerne le système d’entrée/sortie, il devrait déterminer si les voyageurs ont bien quitté le territoire une fois leur voyage terminé. De cette façon, il sera possible d’enregistrer la date et le lieu d’entrée et de sortie, aux frontières extérieures, des voyageurs et des ressortissants de pays tiers effectuant de courts séjours.
L’instauration d’un système EES est la condition préalable à l’automatisation complète des vérifications aux frontières pour les voyageurs enregistrés. Un système tel que celui-ci permettrait de supprimer l’obligation prévue par le code frontières Schengen d’apposer un cachet sur le document de voyage, car l’opération manuelle serait remplacée par un enregistrement automatique de la durée du séjour. La consultation de l’EES deviendrait obligatoire aux frontières extérieures pour s’assurer que le ressortissant du pays tiers n’a pas dépassé la durée de séjour autorisée dans l’espace Schengen.
S’il est vrai que le programme d’enregistrement des voyageurs combiné au système d’entrée/sortie améliorera considérablement la gestion et le contrôle des flux de voyageurs à la frontière, il est tout aussi vrai, comme l’a souligné Mme Malmström pendant son intervention, qu’il apportera aussi des avantages économiques à l’Union.
« Le développement des deux systèmes va en tout cas impliquer des efforts financiers substantiels pour les États membres, et il sera nécessaire de recourir au budget de l’Union […] mais ces investissements seront toutefois compensés par le gain en efficacité dans la gestion des frontières et des contrôles qui seront effectués par un numéro réduit de garde-frontières. On doit aussi considérer les avantages financiers qui nous attendent si l’on réussit à faciliter le flux de touristes et de voyageurs d’affaires en Europe ».
Le paquet « Frontières intelligentes » a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme au moment de sa présentation à la commission LIBE. Par exemple, Nils Torvalds (porte parole finlandais de l’ADLE sur le dossier) a déclaré à propos de cette initiative législative qu’il est « dans l’intérêt de l’UE de faciliter la venue sur son territoire de touristes, d’hommes et de femmes d’affaires et d’étudiants. Il est tout aussi important que l’accès facilité à l’Union aille de pair avec la prévention de l’immigration irrégulière. Cette initiative devrait aussi aider les pays de l’UE à mieux contrôler leurs frontières extérieures […] Lors de l’examen de ces propositions, nous serons très attentifs à trouver le juste équilibre entre la facilitation des voyages, la lutte contre l’immigration irrégulière et le respect des valeurs fondamentales de l’UE, comme la protection des données ».
En ce qui concerne les données personnelles, elles seront conservées six mois, puis effacées, sauf dans le cas de dépassement problématique de la durée du séjour, et elles seront réservées aux personnes en charge des frontières. En tout cas, le système pourra être révisé dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur, comme l’a encore une fois souligné Mme Malmström.
Il faut aussi mentionner que toutes ces propositions ont soulevé beaucoup d’autres questions, par exemple du côté du Parlement européen et du group des Verts/ALE. Selon l’élue française Hélène Flautre, « ces initiatives sont tout sauf “intelligentes” : elles créent un système de surveillance aux frontières de l’Europe qui est inutile, coûteux et délétère pour les droits des personnes […] Nous avons déjà un système d’informations sur les visas (VIS): à peine plus d’un an après sa mise en œuvre, évaluons son efficacité ! »
La commission des Libertés civiles du PE avait promis d’évaluer de près ces propositions, en particulier toutes les dispositions sur la protection des données et le respect de la non-discrimination entre les voyageurs. En effet, pendant la session LIBE du 7 mars, les problèmes de gestion des frontières extérieures européenne ont été largement abordés.
Ikka Laitinen, directeur exécutif de l’agence FRONTEX, a expliqué que l’objectif des initiatives proposées en matière de gestion des frontières ne se limite pas à l’amélioration du système européen actuel, mais concerne aussi la poursuite du respect des droits fondamentaux de l’UE.
La commissaire Cecilia Malmström a aussi parlé du paquet « Frontières intelligentes » pendant la réunion du Conseil de l’Union européenne – « Justice et affaires intérieures » (JAI) du jeudi 7 mars 2013. Elle a confirmé qu’il s’agissait d’un moyen pour garantir une Europe plus ouverte, plus sûre et plus moderne qui facilitera le contrôle des personnes et le respect des délais.
Les mesures proposées font suite à une communication intitulée : « Frontières intelligentes : options et pistes envisageables » (cf. pour en savoir plus doc. 16049/11), présentée par la Commission en décembre 2011. Rappelons que dans ses conclusions de juin 2011, le Conseil européen avait demandé une progression rapide des travaux concernant les « Frontières intelligentes ». Les conclusions du Conseil relatives aux frontières, aux migrations et à l’asile de juin 2011 (cf. pour en savoir plus doc. 11476/11) ont été également évoqué cette question.
Les ministres se sont montrés très sensibles et très disposés à faire avancer la réflexion, et il faudra maintenant en parler avec le Parlement européen.
Maria Amoroso
Pour en savoir plus:
– Website Cecilia Malmström
(EN) http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/malmstrom/index_en.htm
(FR) http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/malmstrom/index_fr.htm
– Press release
(EN) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-141_en.htm
(EN) http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/doc_centre/borders/docs/1_en_act_part1_v14.pdf
(FR) http://www.parliament.bg/pub/ECD/127645COM_2013_97_FR_ACTE_f.pdf
(EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-11-1234_en.htm
(FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-11-1234_fr.htm
– COM(2011) 680 final:
Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil Frontières
intelligentes: options et pistes envisageables
(EN) http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/11/st16/st16049.en11.pdf
(FR) http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/11/st16/st16049.fr11.pdf
– 11476/11 ASIM 64 COMIX 395
Conclusions du Conseil relatives aux frontières, aux migrations et à l’asile – Etat des lieux et voies à suivre.
(EN) http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/11/st11/st11476.en11.pdf
(FR) http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/11/st11/st11476.fr11.pdf