Le 21 mars, la commission parlementaire LIBE a discuté du thème de la criminalité en évaluant la menace que la grande criminalité organisée représente aujourd’hui.
Ont participé au débat : Rob Wainwright, directeur d’Europol, et Martin Power, président du comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure (COSI). Le directeur de l’office européen de police a présenté un rapport très détaillé concernant la lutte contre la grande criminalité organisée rédigé en collaboration avec les universités, les centres de police et en utilisant plusieurs sources d’information.
Aujourd’hui, la criminalité est devenue vraiment très dynamique, et ce surtout à cause de la crise économique, qui a facilité le développement du marché noir, qui à son tour empêche de surmonter cette période de difficultés financières. Tous ces phénomènes circulent à travers le Net grâce à des réseaux qui connectent différents pays. Ces groupes criminels exploitent les effets de la crise, la réduction du pouvoir d’achat et l’augmentation des requêtes sur le marché noir qu’elle provoque. Dans le rapport d’ENISA, la liste des menaces les plus importantes auxquelles l’Union doit faire face est dressée, et le premier problème analysé concerne la drogue. Le marché des stupéfiants est en effet le plus développé : il représente 30 % de la criminalité totale et il inclut différentes substances revendues. Une partie du commerce passe aussi par Internet en contournant la loi et les juridictions nationales en les vendant comme substances autorisées. Vient ensuite l’immigration illégale, causée principalement par le développement inégal au niveau globale. L’Europe demeure, aujourd’hui encore, une destination de rêve, mais les pays de destination sont choisis par rapport au niveau de chômage national. Le trafic d’êtres humains représente un problème très sérieux aussi sur le plan économique : parfois, les trafiquants parviennent à accéder aux fonds financiers sociaux des États à travers les immigrés. La contrefaçon et le marché noir représentent sans doute une autre grande menace, tant sur le plan économique, à cause de l’évasion fiscale, que sur le plan social, comme c’est surtout le cas dans la contrefaçon des boissons et des aliments qui devient très dangereuse. En République tchèque, la contrefaçon de l’alcool a fait 50 victimes. Elle a donc des conséquences vraiment très dangereuses, contrairement au marché noir des produits de luxe qui est beaucoup plus toléré. La fraude aussi est un phénomène qui s’est largement développé à la suite de la crise économique. Cette pratique est assez simple à accomplir et comporte peu de risques. Il peut s’agir de fraudes sur la TVA ou de fraudes en ligne qui causent une perte d’argent pouvant s’élever à plusieurs millions d’euros. D’autres menaces mises en évidence dans le rapport ENISA sont : le blanchiment de capitaux accompli directement par les criminels ou par des groupes qui se dédient en particulier à cette activité, l’élimination des déchets dangereux et toxiques surtout vers l’Asie et l’Afrique, et la cybercriminalité. Selon une étude réalisée par la Commission, 8 % des utilisateurs du réseau informatique ont été victimes de vol d’identité, et 10 % d’entre eux ont subi une fraude. Tout cela va créer une véritable économie parallèle, mais illégale, qui cause une très grande perte d’argent. Les formes de criminalité en ligne sont multiples, à partir d’un malware qui permet aussi aux personnes qui ne sont pas expertes de commettre des crimes ou de contribuer à la pédopornographie, qui est malheureusement toujours largement diffusée.
La criminalité est un phénomène en évolution : on estime à environ 3600 le nombre de groupes criminels qui sont toujours plus dynamiques et qui profitent de la crise économique, du véhicule d’Internet, mais aussi de l’absence de législation dans certains secteurs pour développer leurs affaires. Pour cette raison, il faudrait accorder la priorité à ce domaine en régulant le secteur. Selon Eurobaromètre, un citoyen sur quatre est effrayé par la criminalité. Dès lors, comme ces crimes ont un gros impact sur la population et les entreprises, combattre la criminalité signifie aussi investir dans le développement et la croissance, et le budget dédié à cela devrait augmenter sensiblement. En ce qui concerne le facilitateur qu’est Internet, il n’est pas un élément facile à contrer, puisqu’il n’est pas limité territorialement. Il n’en demeure pas moins qu’il doit être contrôlé, et cette dimension internationale de la criminalité exige donc un niveau égal de tutelle, raison pour laquelle l’Union doit s’en occuper.
Après le discours du directeur d’Europol, qui a présenté ce dossier, la parole a été donnée à Monsieur Power, directeur du COSI. Il a présenté le comité en expliquant que ce dernier a été créé par le Conseil en 2010 avec comme objectif le renforcement de la coopération opérationnelle entre les États membres dans le secteur de la sécurité intérieure, en coordonnant le travail des États et des agences comme Europol, Eurojust et Cepol et en aidant le Conseil dans l’application de la clause de solidarité. Lorsqu’une menace est détectée, c’est Europol qui commence la procédure en évaluant le problème. Le Cepol choisit ensuite les politiques à adopter et, enfin, ce seront les États qui, avec l’aide d’Europol et d’autres agences, devront les appliquer. Finalement, il y a toujours une évaluation du programme adopté. Par exemple, la période qui s’est terminée en 2011 a mis en lumière les questions des Balkans occidentaux, du trafic de stupéfiants et de la cybercriminalité. La surveillance et la formation dans le secteur sont donc très importantes. Maintenant que le nouveau SOCTA (« Serious and Organised Crime Threat Assessment ») a été lancée, le COSI devra l’accepter dans les prochaines réunions et il devra présenter des conclusions au sein du prochain conseil JAI, de manière à ce que les secteurs les plus importants soient mis en évidence et qu’ils créent des plans pluriannuels que le comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure devra évaluer en fin de compte.
Les réactions des députés présents à la réunion ont mis en évidence un sentiment de crainte par rapport au scénario présenté dans le rapport d’ENISA. La députée Mathieu a particulièrement mis l’accent sur la question très grave de la pédopornographie, Jan Albrecht a demandé des données plus précises et des définitions plus détaillées qui sont utiles pour une législation commune, tandis que le député Mulder a demandé à ENISA une opinion par rapport à ses pouvoirs et s’ils nécessiteraient plus de compétences.
Monsieur Wainwright a répondu à ces questions en affirmant que la pédopornographie en particulier est difficile à éradiquer, puisque les criminels exploitent les limites du réseau, à savoir l’anonymat et la facilité de conserver les contenus qui rendent difficile la répression des crimes. En effet, il existe une réalité très bien gardée à travers des codes cryptés, le « Darknet », que 99 % des internautes ne connaissent pas et qui est très difficilement repérable par la police aussi. Le réseau informatique n’a pas de frontières physiques : dans la majorité des cas, il est impossible de définir la dimension du problème. Selon des données communiquées par la Commission, les dommages causés par les crimes liés aux cartes de crédit sont de 1,5 milliards d’euros par an, contre 1,2 milliards pour la contrefaçon et 100 milliards pour fraudes à la TVA. Mais pour la cybercriminalité, les données ne sont pas fiables. Monsieur Power a souligné l’importance de garantir la sécurité pour développer l’économie : il faut que les citoyens aient confiance afin qu’ils recommencent à investir.
Raffaella D’Antonio
Pour en savoir plus :
– Ordre du jour de la réunion
(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-
//EP//TEXT+COMPARL+LIBE-OJ-20130220-1+01+DOC+XML+V0//FR
– Enregistrement de la réunion
– Rapport d’ENISA sur les menaces et la criminalité
– Europol study about EU serious and organised crime threat assessment (SOCTA) 2013
(EN) https://www.europol.europa.eu/sites/default/files/publications/europol_socta_2013_report.pdf