Le dossier hongrois est toujours un sujet d’inquiétude pour l’Union européenne. Après les déclarations de la commissaire Viviane Reding sur les procédures d’infraction contre la Hongrie, la Commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a recommandé à l’Assemblée d’ouvrir une « procédure de suivi ». L’argument a fait aussi l’objet d’un nouveau débat lors de la réunion de la Commission LIBE du 6 et 7 mai.
Après le débat en plénière, l’Union européenne continue à s’intéresser aux événements hongrois de ces derniers mois. La Commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a recommandé à l’Assemblée d’ouvrir une « procédure de suivi » concernant la Hongrie, se déclarant profondément inquiète de « l’érosion de l’équilibre démocratique entre les différents pouvoirs » qui résulte du nouveau cadre constitutionnel instauré dans le pays.
Dans un avis, cette commission (la Commission de Venise doit aussi se prononcer sur les amendements apportés à la Constitution par le Parlement hongrois) a relevé de « profondes et vives inquiétudes » quant à la mesure dans laquelle la Hongrie satisfait aux obligations qu’elle a contractées lorsqu’elle a adhéré au Conseil de l’Europe, à savoir respecter les normes les plus exigeantes possible en matière de démocratie, de droits de l’homme et de respect de la prééminence du droit. À la lumière de l’avis écrit de la Commission de suivi, le Bureau de l’Assemblée se prononcera sur le fait d’ouvrir ou non une procédure de suivi. Ensuite, le point sera inscrit à l’ordre du jour de la prochaine session de l’Assemblée.
Pour la Commission, la Constitution hongroise et les lois cardinales associées ont « été adoptées dans la hâte et l’opacité et ne sont pas, par conséquent, fondées sur un consensus entre le plus grand nombre possible de forces constituant l’échiquier politique de la société hongroise », ajoute le communiqué. En plus, la Commission affirme que la coalition au pouvoir en Hongrie a utilisé sa majorité des deux tiers au Parlement pour passer outre des décisions de la Cour constitutionnelle et que « la modification incessante de la Constitution au nom d’intérêts politiques partisans étroits porte atteinte à la stabilité dont a besoin le cadre constitutionnel ».
La Commission a également déploré la « récente adoption de ce qui est appelé le quatrième amendement à la Constitution […] à l’encontre de l’avis explicite des partenaires internationaux de la Hongrie », jugeant inacceptable qu’il comporte des dispositions précédemment déclarées inconstitutionnelles ou contraires aux normes et principes européens, et a appelé à modifier substantiellement plusieurs lois récemment adoptées.
Le texte indique que « chacun des sujets de préoccupation exposés dans la présente décision est, en soi, grave en termes de démocratie, de prééminence du droit et de respect des droits de l’homme. Pris séparément, chacun mériterait déjà un examen approfondi par la Commission de suivi. En fait, ce qui est frappant en l’espèce, c’est l’accumulation même de réformes visant à établir un contrôle politique sur la plupart des institutions essentielles tout en affaiblissant le système d’équilibre des pouvoirs ».
Dix des 47 États membres du Conseil de l’Europe sont actuellement soumis à la procédure de suivi de l’Assemblée (Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie Herzégovine, Fédération de Russie, Géorgie, Monténégro, République de Moldova, Serbie et Ukraine) et quatre sont soumis à un « dialogue de post-suivi » (Bulgarie, ex-République yougoslave de Macédoine, Monaco et Turquie).
La procédure de suivi suppose d’effectuer régulièrement des visites dans les pays soumis au suivi pour évaluer les progrès et engager le dialogue avec les autorités, les forces politiques, le pouvoir judiciaire et la société civile et de procéder à des évaluations périodiques examinées par l’Assemblée.
La Hongrie a en tout cas fermement réagi et contesté dans un communiqué la légalité de cet avis et la procédure de vote censée la valider. Le gouvernement hongrois déplore aussi que cette recommandation intervienne alors que le Parlement n’a pas encore achevé ses discussions relatives à la quatrième révision de la Constitution. La procédure de suivi du Conseil de l’Europe peut impliquer des sanctions, pouvant aller jusqu’à suspendre la représentation du pays au sein de l’institution.
La commissaire en charge des Droits fondamentaux, Viviane Reding, a quant à elle déjà promis une procédure d’infraction contre la Hongrie, qu’elle a jugée lors d’un point presse « très probable ».
Mme Reding a donc observé qu’à ce stade, à côté des procédures d’infraction actuelles ou à venir, l’hypothèse la plus réaliste serait de plancher sur un instrument intermédiaire, à mi-chemin entre l’article 7 et les procédures d’infraction, instrument dont l’UE a besoin.
En effet, le sujet a été discuté aussi le lundi 22 avril au conseil des Affaires générales, où le Danemark, la Finlande, l’Allemagne et les Pays-Bas ont présenté une initiative en vue d’un nouveau mécanisme, plus efficace, visant à garantir les valeurs fondamentales dans les États membres. La commissaire et vice-présidente de la Commission, Viviane Reding, a donné un aperçu des mécanismes existants pour la protection des droits fondamentaux et de l’état de droit. Elle a ensuite promis de présenter un examen plus détaillé de cette question.
Pour sa part, le Parlement hongrois a adopté une résolution condamnant à l’inverse une déclaration de Viviane Reding qui avait, en mars, critiqué le système judiciaire hongrois. La résolution a été adoptée par 227 voix pour, 53 contre et 7 abstentions. « Il est inacceptable que Viviane Reding qualifie de compréhensible la procédure irlandaise qui viole les directives fondamentales de l’Union européenne » stipule cette résolution, qui demande a Mme Reding de faire son maximum pour « la coopération juridique entre les pays membres de l’UE, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des décisions des tribunaux ».
Dans un article paru en mars dans le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, Viviane Reding avait jugé compréhensible le refus de l’Irlande d’extrader en Hongrie un citoyen irlandais impliqué en 2000 dans un accident de la route mortel en Hongrie. En juin dernier, la Cour suprême irlandaise avait décidé de ne pas renvoyer vers Budapest son ressortissant irlandais. L’homme y avait été condamné à 3 ans de prison par contumace. « Personnellement, je n’étais pas surprise – cela remontait à une période durant laquelle de nombreuses décisions avaient été prises en Hongrie et qui soulevaient des questions sur l’indépendance du système judiciaire hongrois », avait affirmé la commissaire au quotidien. « Scandaleux et absolument inacceptable » avait jugé Tibor Navracsis, ministre de la Justice hongrois pour qui la commissaire ne devait pas lier son opinion personnelle à cette décision de la Cour suprême irlandaise. Cette résolution est vue à Bruxelles comme un moyen d’instrumentaliser cette affaire à des fins politiques, d’autant plus à l’heure « où la Commission finalise justement, quelle coïncidence, son analyse légale sur la situation hongroise ».
Lors de la réunion LIBE du 6 et 7 mai, un débat sur la situation hongroise s’est encore tenu.
Le député Rui Tavares a donc présenté le document de travail nº 5 sur la situation des droits fondamentaux, des normes et des pratiques démocratiques en Hongrie.
Dans sa résolution du 16 février 2012 sur les récents évènements politiques en Hongrie, le Parlement européen demande à sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, en coopération avec la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et la Commission de Venise, de surveiller les éventuelles modifications et la mise en œuvre des recommandations suivantes et de présenter ses conclusions dans un rapport.
Dans le cadre de cette mission de surveillance et de suivi, quatre documents de travail thématiques ont été rédigés sur la base d’études juridiques approfondies. En outre, chaque document de travail a été cosigné par le rapporteur et un rapporteur fictif d’un autre groupe politique, illustration du large consensus au sein des différentes forces politiques au sujet de l’analyse très factuelle et objective effectuée dans les documents de travail. Les remarques des autorités hongroises sur les différents documents de travail ont été prises en compte dans les versions révisées de ces documents.
Rappelons que la commission LIBE avait été autorisée par la Conférence des présidents du 27 juin 2012 à envoyer une délégation ad hoc à Budapest du 24 au 26 septembre 2012, composée de huit députés représentant tous les groupes politiques ainsi que les députés non inscrits. Les membres hongrois de la commission LIBE ont été invités à participer aux réunions en tant qu’observateurs.
Cette visite a constitué un pas important pour l’ouverture du dialogue entre les autorités hongroises et le Parlement européen.
Au cours de la phase de préparation et pendant la visite, la délégation du Parlement a pu compter sur le soutien total des autorités hongroises. La délégation a d’ailleurs tenu à remercier les membres du Parlement hongrois, du gouvernement hongrois, de la justice, et toutes les personnalités, experts, organisations et missions diplomatiques ayant partagé leurs informations et analyses détaillées avec les députés européens.
« Le quatrième amendement de la Constitution vise essentiellement à intégrer, dans le texte de la loi fondamentale, toutes les dispositions transitoires – à l’exception de la disposition relative à l’inscription sur les listes électorales – qui ont été annulées par la Cour constitutionnelle de Hongrie le 28 décembre 2012 (décision n° 45/2012). Malgré l’annulation des dispositions transitoires pour des raisons portant sur la forme et la procédure, et l’appel de la Cour à « revoir les sujets réglementaires des dispositions non transitoires annulées, et […] de décider lesquelles nécessitent une législation redondante, à quel niveau des sources du droit » à destination du parlement, la Cour a également rendu un arrêt clair sur l’aspect substantiel, et sur la pratique consistant à neutraliser l’examen judiciaire […] Malgré cet arrêt, le quatrième amendement de la constitution comprend automatiquement, comme indiqué plus haut, toutes les dispositions transitoires annulées sauf une, ainsi que d’autres dispositions annulées précédemment » a affirmé Rui Tavares pendant son intervention.
Parlant des conclusions de son rapport, le député a dit que malgré le caractère sensible de la question étudiée, il a été possible de travailler dans une atmosphère constructive grâce à un bon esprit de coopération. Il a ensuite souligné que le processus actuel porte sur la Hongrie, mais qu’il ne s’agit pas que de la Hongrie. Il s’agit de l’Europe, de sa reconstruction et de son développement démocratique après la chute des totalitarismes du XXe siècle. « Il s’agit de la famille européenne, de ses valeurs et de ses normes, de son ouverture et de sa capacité à engager un dialogue. Il s’agit de la nécessité de mettre en application les traités auxquels tous les États membres ont adhéré volontairement. Il s’agit de la confiance mutuelles que l’Union, ses citoyens et les États membres doivent avoir pour que ces traités puissent se concrétiser et devenir la base juridique d’une véritable Europe juste, ouverte et respectant les droits fondamentaux. Il s’agit d’une Union qui n’est pas simplement une « union de démocraties », mais une « Union de démocratie » fondée sur le respect des droits de l’homme, de l’état de droit et des sociétés pluralistes ».
Le projet de rapport présenté par le rapporteur a pour but de fournir un cadre pour un bon dialogue, en vue de contribuer au respect de l’état de droit et des droits fondamentaux inscrits à l’article 2 du TUE.
Maria Amoroso
Pour en savoir plus :
– Committee on Civil Liberties, Justice and Home Affairs- Working Document TAVARES n°5 (EN) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dt/932/932303/932303en.pdf
(FR) http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dt/932/932303/932303fr.pdf
– Council of Europe press release