Le statu quo n’est pas une option et les Vingt-sept de l’UE ont du mal à trouver un terrain d’entente car les Etats membres continuent, contre le bon sens et leurs intérêts, à refuser que les questions énergétiques ne soient plus une partie intégrante de leur souveraineté nationale. Une folle illusion !
Certes il n’y a que des questions qui fâchent : le nucléaire, le gaz de schiste, (une véritable bombe géostratégique) les effets indirects des énergies renouvelables dont l’arrivée crée des tensions sur le système économique de l’électrique. Le système est plus fragile qu’auparavant, les risques de panne se sont accrus. La lutte contre le réchauffement climatique est à ce jour un échec. Le charbon fait un retour en force sur le marché, les opérateurs investissent de moins en moins dans les centrales à la pointe de la technologie, les cours du C02 censés taxer les industries les plus polluantes se sont effondrés, un nouveau système des quotas est à réinventer si on veut réellement bâtir une politique européenne de l’énergie en réduisant et les émissions de gaz à effets de serre, et la dépendance croissante de l’Europe et un coût qui disqualifie l’Europe dans la course à la compétitivité. Les grands groupes énergétiques mettent en garde les politiques.
Difficile de sortir de la crise sans régler la difficile question du prix dans un marché fragmenté. Un débat sur la sécurité énergétique et la compétitivité, certes, mais aussi un débat sur l’équité sociale pour les citoyens européens dont les factures sont en hausse avec des groupes au revenu plus faible et plus durement touchés. Il ya trois ans un groupe de députés européens appartenant à quasiment tous les groupes politique avait lancé un début de réflexion sur la fracture énergétique comme il y a une fracture des nouvelles technologies, le groupe s’est dissous de lui-même sans produire de conclusions, englouti dans les sables de la vie parlementaire.
Le président du Conseil européen, Herman van Rompuy avait posé trois questions : que faut-il faire pour accroitre davantage l’efficacité énergétique (dont éliminer les gaspillages), pour développer les ressources indigènes, conduire une politique plus prévisible susceptible d’attirer plus d’investissements. Ce sont 1000 milliards d’euros qu’il faudrait investir d’ici 2020 !
Bref la transition énergétique appelle un changement profond de société dans nos modes de production, de transport, de consommation et sa réussite implique d’y associer sans délai les forces vives de la société civile.
Jacques Delors saisissait l’opportunité et proclamait à la veille du Conseil européen: « la Communauté européenne de l’énergie, c’est maintenant ! », soulignant à nouveau l’urgence et « l’ardente obligation » d’élaborer un agenda positif pour la politique énergétique européenne et à définir les fondements concrets d’une Communauté européenne de l’énergie. Espérons que cette idée, ancienne, de « Communauté européenne de l’énergie » ait ouvert un débat d’envergure européenne engagé avec les divers décideurs et acteurs publics, privés, associatifs, locaux, nationaux et européens impliqués. Tous ces acteurs dont Jacques Delors souhaite la mobilisation parviendront-ils à palier les insuffisances des dirigeants européens. La discussion de deux heures et demie par les dirigeants des Etats de l’UE au Conseil européen n’a pas été à la mesure de l’enjeu et la lecture des conclusions (cf. infra « pour en savoir plus ») ne permet pas de penser que des décisions importantes ont été prises. Peut-on se satisfaire de ce que le Conseil a accueilli favorablement le Livre vert de la Commission sur un cadre pour la politique en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 ? Que les orientations fixées en février 2011 sont toujours valables doivent continuer d’être mises en œuvre et qu’il y a lieu d’entreprendre des travaux supplémentaires de l’Union ? Peut-on se satisfaire que le gaz de schistes ait reçu ses lettres d’accréditation dans le bouquet énergétique, mais chacun peut le composer comme il l’entend ? Adopter une liste des projets d’intérêt commun en matière d’infrastructure. Rompre l’isolement énergétique de certains Etats membres. Plus d’efficacité énergétique (réseaux et compteurs intelligents), plus d’énergie renouvelable, plus d’investissements, des coûts réduits, des prix aux consommateurs eux aussi réduits, réduire la facture des importations, diversifier les sources d’approvisionnement, assurer une production domestique continue dans un système où l’éolien et le photovoltaïque verraient leur part grandir. La Commission publiera des comptes rendus sur la mise en œuvre du marché de l’énergie qui devrait, enfin, être achevé pour la fin de l’année. Les Etats se sont engagés à se tenir au courant des grandes décisions qu’ils envisagent. Qui peut raisonnablement d’y opposer ? Pourquoi chercher à se rassurer en « réaffirmant les objectifs » de l’UE qui ne sont que de simples déclarations d’intention puisque chacun peut faire individuellement le choix de son bouquet énergétique et nombreux sont ceux qui s’opposent à tout objectif supplémentaire et contraignant en matière d’émission de gaz à effet de serre et de production d’énergies renouvelables ?
Faut-il s’étonner que le président Herman van Rompuy ait reconnu à la fin du sommet que les dirigeants de l’UE savaient qu’aucun changement majeur n’était à l’horizon et que les pays devaient dés lors continuer à travailler sur plusieurs fronts ? Faut-il s’étonner que c’est à une très faible majorité (339 vois contre 336 et 19 abstentions) que le Parlement vient d’adopter un amendement demandant à la Commission de proposer un objectif contraignant en matière de renouvelables dans le mix énergétique ? Comment convaincre le Conseil européen que les citoyens attendent de sa part, en toutes circonstances et avant tout, un message politique fort et clair ? Ainsi de façon implicite le Conseil a pris conscience des retards par rapport à ce qui avait été convenu et qu’il convient de presser le pas, mais un constat implicite est-il suffisamment mobilisateur, bien évidemment non ! Est-ce surprenant d’entendre Angela Merkel dire : « Mais reconnaissons le, il y a des approches différentes de la compétitivité » ?
Imperturbable, insensible aux multiples incertitudes laissées par le Conseil européen, la France poursuit son débat interne sur la transition énergétique qui doit déboucher à l’automne sur une loi de programmation.
Pour en savoir plus
-. Conseil européen : Conclusions du 22 mai du Conseil européen http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/ec/137199.pdf
-. Conseil européen, le président : Remarks by President Herman Van Rompuy following the European Council http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/137218.pdf
-. Conseil européen:statement by President Barroso http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-13-440_en.htm?locale=FR
-.La Communauté européenne de l’énergie, c’est maintenant! (FR) http://www.notre-europe.eu/011-16031-La-Communaute-europeenne-de-l-energie-c-est-maintenant.html (EN) http://www.eng.notre-europe.eu/011-16033-La-Communaute-europeenne-de-l-energie-c-est-maintenant.html