Mais que veut réellement M. Cameron ? Le Premier Ministre britannique multiplie les discours contradictoires quand à l’avenir européen du Royaume-Uni. Il souhaite un référendum sur la place du Royaume-Uni dans l’Union sans toutefois souhaiter que le pays en sorte. Au delà de ces discours, il est clair que David Cameron a déclenché une tempête dont il ne maîtrise plus les vents, dans une période de doute des européens quand à l’avenir de l’Union.
Désormais ce serait une loi qui imposerait la tenue d’un référendum sur la place du Royaume- Uni dans l’Union Européenne. Il ne s’agirait plus d’une simple promesse électorale si David Cameron devait être réélu en 2015, mais d’une obligation légale pour tout gouvernement futur. Sans doute est ce pour contenter l’aile eurosceptique de son parti et contrecarrer la montée de « UKIP », mais cela ne semble pas faire effet tant les eurosceptiques tories se montrent de plus en plus virulents. Certains en ont même appelé récemment à la sortie immédiate de l’UE. Pourtant, le premier ministre britannique a réaffirmé son refus de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union Européenne (UE) dès maintenant.
Cette situation interne au parti conservateur britannique bouleverse la classe politique britannique en général. Il n’y a clairement pas de consensus sur l’Union Européenne. Lors d’une conférence organisée par l’Institut Européen des Relations Internationales (IERI) le 14 mai à Bruxelles sur ce sujet, Richard Corbett, ancien député européen britannique et actuel conseiller du Président Van Rompuy, a souligné la situation particulière dans laquelle se trouve la scène politique britannique.
En effet, les autres partis sont farouchement opposés à la tenue du référendum. Le parti libéral, très pro-européen, est bien sûr opposé à ce projet. Dans le cadre de sa coalition avec le parti conservateur, il a même réussi « à éviter le pire » concernant la politique européenne du Royaume-Uni selon Richard Corbett.
Le parti travailliste aussi est pro-européen et est donc lui aussi opposé pour plusieurs raisons : risque électoral, peur des investisseurs, etc… Pour autant, il existe des voix dissonantes au sein même du parti travailliste qui sont favorables au référendum.
Il en conclut donc que, face à l’absence de consensus, le référendum reste peu probable, tout comme la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Il est en revanche plus probable que le pays demande des réformes ou des opt-outs supplémentaires. Christian Franck, professeur en sciences politiques à l’Université Catholique de Louvain, a énoncé le fait que cela pourrait intervenir en cas de négociation d’un nouveau traité, ce que certains souhaitent vivement. Pierre Morel, ancien ambassadeur français et ancien représentant pour l’UE en Asie Centrale a également souligné ce point : la sortie du Royaume-Uni semble impossible tant les modèles alternatifs solides manquent.
Néanmoins, la plupart des partis britanniques restent attachés à l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union et sont inquiets quant aux perspectives que laisse entrevoir la tenue d’un tel scrutin. En effet, force est de constater qu’un vent d’euroscepticisme souffle sur l’Europe. Aux dernières élections locales britanniques, le parti eurosceptique UKIP a fait une nette poussée au détriment des conservateurs.
Ailleurs en Europe, ce sont les sondages qui inquiètent. Un sondage du Pew Research Center sur l’état de l’opinion dans 8 pays européens montre que les citoyens sont en majorité opposés au projet européen. Ainsi, en France, seuls 41% des français sont favorables à l’UE en 2013. Il était de 60% en 2012. Idem au Royaume Uni où seuls 43% soutiennent le projet européen.
Lors de la conférence de l’IERI du 14 mai, Christian Franck a souligné que cela allait certainement influencer les résultats aux prochaines élections européennes. Alors qu’on s’attendait à une victoire du centre gauche, rien n’est moins sûr désormais.
Ce débat sur le Royaume-Uni et l’Union Européenne amène inévitablement donc à poser la question de l’avenir de l’Union Européenne. Comme le rappelait Christian Franck, certains souhaitent aller plus loin en réalisant une véritable Union politique de forme fédérale.
Le débat reste ouvert sur cette question mais d’autres, dont Franck Debié, membre du Cabinet du Secrétariat Général du Parlement Européen, craignent une « balkanisation » de l’UE, sous influence externe, si rien n’est fait. Il a repris l’exemple de la situation de la Confédération allemande du XIXème siècle qui a su s’unifier malgré les menaces extérieures et les divergences internes grâce à une volonté politique forte, le but étant de démontrer que la situation était surmontable.
Si tous les participants de la conférence ne furent pas convaincus par l’analogie, la majorité s’est accordée néanmoins sur la nécessité de rencontrer une volonté politique forte pour contrebalancer les menaces qui pèsent sur le projet européen aujourd’hui. Espérons que les prochaines élections européennes de 2014, dont la perspective est une menace bien plus importante que l’éventualité incertaine d’une sortie britannique pour le projet européen, fasse émerger une telle volonté politique.
Jérôme Gerbaud
En savoir plus :
– Sur le projet de loi pour le référendum britannique sur la participation à l’Union Européenne
(EN) http://www.guardian.co.uk/politics/2013/may/13/david-cameron-eu-ukip
– Sur les tensions internes au parti conservateur
(FR) http://www.presseurop.eu/fr/content/article/3769911-cameron-risque-de-perdre-son-pari-europeen
– Sur les tempéraments de David Cameron quand à la sortie britannique de l’UE
(EN) http://www.guardian.co.uk/world/2013/may/09/david-cameron-rejects-eu-withdrawal