Neuf mois après leur adoption, des textes durcissant l’attribution du droit d’asile et l’accueil des demandeurs ont été soumis à l’approbation populaire le dimanche 10 juin. Le comité Stop Exclusion avait réclamé une révision de la nouvelle loi restrictive sur l’asile. Sa proposition a été repoussée par près de 80 % des votants.
Les Suisses ont donc voté massivement dimanche en faveur du durcissement de la loi sur l’asile, entrée en vigueur à l’automne dernier et contestée par la gauche et les Églises. Ces mesures ont été approuvées par 79 % des Suisses. Les électeurs se sont prononcés sur des modifications à un ensemble de textes en vigueur depuis 1981 et qui votées en urgence en septembre dernier, raison du recours au référendum, font, qu’en vertu des nouveaux textes, les demandeurs ne peuvent plus, désormais, déposer un dossier dans une ambassade suisse avant de lancer une procédure. Ils devront donc faire le voyage jusqu’aux frontières suisses. La Suisse était le seul pays en Europe à offrir cette possibilité.
Autre nouveauté, le refus de servir dans n’est plus considéré comme un motif valable d’asile, une disposition qui concerne essentiellement les Erythréens. D’autre part, la révision de la loi limite le regroupement familial des demandeurs d’asile, qui est désormais limité au conjoint et aux enfants. Des centres spécifiques doivent être mis en place pour les demandeurs qualifiés de « récalcitrants » qui portent atteinte au bon fonctionnement des centres d’enregistrement des demandes, menacent l’ordre public, la sécurité. Les textes permettent également à l’Etat de réquisitionner certains lieux pour l’accueil des réfugiés. La révision de la loi a pour but de raccourcir le délai de traitement des dossiers à quelques mois, au lieu de quelques années actuellement, en raison de la multitude des recours possibles. Actuellement, quelque 48 000 personnes sont dans la procédure d’asile en Suisse. Ce nombre tient compte des 28 631 nouveaux arrivants en 2012, un chiffre record depuis 1999. Seuls 11,7 % des requérants ont décroché l’asile en 2012, après des années d’attente. La Suisse accueille aujourd’hui proportionnellement 4 à 5 fois plus de réfugiés que la France, l’Allemagne ou l’Italie. En 2012, les requérants d’asile en Suisse provenaient principalement d’Érythrée, du Nigeria, de Tunisie, de Serbie et d’Afghanistan.
Dès l’annonce des résultats, le comité « Stop Exclusion » a dénoncé ce « résultat alarmant pour la défense des droits fondamentaux » et regrette « les conséquences néfastes et dans certains cas funestes, qu’il aura pour les demandeurs d’asile et les réfugiés ». « Tant qu’il y aura des conflits et des crises, et que la Suisse sera l’un des pays les plus sûrs et les plus riches au monde, nous aurons à parler d’asile », a encore averti « Stop exclusion », qui n’entend pas baisser les bras. De son côté, la députée PDC (centre), Anne Seydoux-Christie, a indiqué que ce résultat illustre « un affaiblissement de notre tradition humanitaire, et montre un manque de solidarité envers ce qui se passe dans des pays en crise ». Pour sa part, Céline Amaudruz, députée UDC (droite populiste), a salué le résultat du référendum, assurant que 9 personnes sur 10 demandant l’asile en Suisse le font pour « des raisons économiques ». Pour Isabelle Moret, députée PLR (Parti Libéral), qui a soutenu le renforcement des mesures, les requérants d’asile qui viennent en Suisse pour des motifs économiques et non politiques, auront ainsi un « signal clair ». Ils sauront qu’ils ne peuvent plus « venir pendant une période de 4 ans en Suisse », la durée moyenne actuelle pour l’examen d’un dossier, et être pris en charge pendant cette période, avant d’être renvoyés. La députée socialiste Cesla Amarelle, qui a mené le combat contre ces mesures, s’est déclarée surprise. « L’ampleur du ‘oui’ à ces mesures est impressionnante, on s’attendait à perdre », mais pas avec un tel score, a déclaré la députée. La conférence des évêques suisses a dénoncé ces mesures et plus particulièrement celle qui empêche de déposer un dossier dans une ambassade suisse. Pour le député UDC Guy Parmelin, les débats en Suisse ont été marqués ces derniers mois par les questions liées aux requérants d’asile délinquants, et aux requérants « économiques », et expliquent le résultat du référendum. En 2012, selon des statistiques officielles, les infractions commises par des requérants d’asile en Suisse ont augmenté d’environ 38 %. De son côté le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) a regretté le ton négatif donné au débat. «Ce qui nous préoccupe est le durcissement du ton du débat qui se concentre sur les aspects négatifs», a affirmé la responsable du bureau pour la Suisse du HCR Susin Park.
En un mot, la droite se félicite, la gauche et les organisations humanitaires protestent. Pour Isabelle Moret, vice-présidente du PLR, l’acceptation dimanche de la modification de la loi sur l’asile est «une marque de confiance des citoyens dans la révision qui est en cours». De son côté, le président du PDC Christophe Darbellay ne cachait pas, lui non plus, sa satisfaction dimanche, après le plébiscite de la révision de la loi sur l’asile. «Elle apportera une grande amélioration par rapport à une situation qui n’est pas maîtrisée. C’est une première étape, qui permet notamment au Conseil fédéral d’effectuer des tests». La nette acceptation dimanche du durcissement de la loi sur l’asile est une indication du ressenti de la population par rapport à la politique d’asile, a réagi Claude-Alain Voiblet, vice-président de l’UDC. Selon lui, la population est en phase avec la politique de son parti. La situation économique favorable de la Suisse et la facilité en matière de mobilité entraînent une pression migratoire très forte. Plusieurs intervenants parlent de désengorgement. De son côté le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) a regretté le ton négatif donné au débat. «Ce qui nous préoccupe est le durcissement du ton du débat qui se concentre sur les aspects négatifs», a affirmé la responsable du bureau pour la Suisse du HCR Susin Park. Le PS, (soutien mou), les Eglises et Amnesty International partagent cette déception et se disent surtout préoccupées par les conséquences néfastes de certaines des mesures adoptées, comme la suppression des demandes d’asile dans les ambassades.
Lorsqu’il s’agit de politique d’asile, le Conseil fédéral a toujours pu compter sur le peuple et à chaque fois, les citoyens se sont rangés du côté du gouvernement, souvent à une confortable majorité. Cette fois, le oui a été le plus net au point que l’on peut parler de plébiscite. Depuis son entrée en vigueur en 1981, la loi sur l’asile a été partiellement ou totalement révisée et cela à sept reprises. La plupart du temps pour durcir les conditions d’asile. A chaque fois que le sujet a été amené dans les urnes, le peuple a toujours clairement approuvé les décisions prises par le Conseil fédéral et le Parlement. En 1987, 67% des Suisses ont voté pour la révision de la loi sur l’asile et en 1994, ils étaient 73% à soutenir une loi restrictive en matière de droit des étrangers. La révision totale du droit de l’asile en 1999 a elle été acceptée avec environ 71% des voix. En 2005, l’accord dans le domaine de la coopération policière et sur l’asile avec l’UE – accord Schengen/Dublin – a été approuvé un peu plus difficilement, avec 55% des voix. La révision de 2006, connue sous le nom de «Lex Blocher»,(extrême droite et populistes) a plus largement passé la rampe, avec 68% des voix. Toutes les mesures pour le renforcement de la loi sur l’asile n’ont cependant pas abouti. Le peuple a dû à plusieurs reprises se prononcer sur des initiatives populaires lancées par le camp de droite. Hormis une victoire – en 2010 avec 52% des voix pour une initiative de l’UDC -, elles ont toutes été rejetées par le peuple, en 1996 (54% de non), en 2000 (64% de non) et en 2002 (50,1% de non).